Critique et analyse cinématographique

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (7)

Nous arrivons bientôt au bout de ce carnet de bord rétrospectif du BIFFF 2021. Dans cette sélection de six films, trois d’entre eux parlent du cinéma d’une manière ou d’une autre, par une mise en abyme, avec des personnages d’acteurs, ou encore à travers la salle et le bâtiment proprement dit. Mais parmi ces trois films, un seul parvient à donner une dimension un tant soit peu réflexive à son sujet : Slate, du coréen Jo Ba-reun.

Diva de Jo Seul-yeah

Thriller psychologique classique à base d’amnésie et de rivalité entre plongeuses de haut niveau. Tout est propre, convenu, attendu. D’un ennui profond.

The Weasels’Tale de Juan José Campanella

Dans sa présentation d’avant-film, Juan José Campanella convoquait la comédie classique et Billy Wilder pour parler de son film. De Sunset Boulevard, subsiste en effet la vieille actrice sur le retour s’ennuyant ferme dans une grande demeure avec d’anciens complices tout aussi vieux et sur le retour qu’elle. Au-delà de ça, l’intrigue et l’esthétique de ce téléfilm, ainsi que ses acteurs cabotins, rappelle plutôt les grandes heures d’Au théâtre ce soir que les références écrasantes invoquées par le réalisateur.

Slate de Jo Ba-reun ⭐⭐

Se rêvant depuis toute petite comme une héroïne, la jeune actrice Yeon-hee se retrouve projeté dans l’univers d’un film qu’elle n’a pas encore tourné, une réalité alternative où on la prend très vite pour la « Soul Slayer », une sorte d’élue censée ramener l’équilibre dans cette dystopie gouvernée par des forces démoniaques. Si le film, dans son déroulé et son esthétique, est tout ce qu’on en attend et donc pas forcément très passionnant à suivre, il renferme pourtant une grande idée – laquelle prend toute sa dimension dans sa scène finale – qui est que chaque film, chaque tournage, cache un monde bien à lui, indépendant, et dans lequel les personnages peuvent se désolidariser de leurs interprètes pour prendre leur indépendance. L’accès au monde parallèle par l’intermédiaire du clap (« slate ») vient d’ailleurs cristalliser cette idée.

L’Odyssée sanglante du lapin rose d’Arno Pluquet ⭐⭐

À la limite du regardable – vu en trois fois, pour ma part – ce curieux mix entre un film trash amateur, tendance Jean-Jacques Rousseau, et du faux auteurisme pompeux à base de monologues psycho-vaseux type « dans quel état j’ère », cette Odyssée sanglante du lapin rose – tourné en grande partie dans les murs du cinéma Styx à Bruxelles – renferme tout de même plus de vivacité et d’envie de faire du cinéma que bon nombre de films proprets de cette sélection du BIFFF. Il ne ressemble en tout cas à aucun autre film vu dans ce cadre, même si l’on pourrait arguer qu’il ne ressemble à rien, tout court.

Voice of Silence de Park Jung-hun ⭐⭐

Cette histoire supposément « mignonne » de l’amitié naissante entre une petite fille et son ravisseur, sur fond de kidnappings organisés en Corée du Sud, fait de belles promesses dans ses prémisses mais n’atteint bizarrement à aucune espèce d’émotion dans sa résolution et s’avère au final être passé à côté de toute une série de morceaux de bravoure qui semblaient pourtant assurés, sans non plus prendre une voie « alternative », en mode mineur ou décalé, qui lui aurait attribué une forme d’originalité.

A Divisao de Vicente Amorim 🔴

Apparemment adapté – ou monté à partir – d’une série, ce long film à l’esthétique pompière, dont la manière d’ériger la stature de l’homme fort porteur d’armes rappelle un certain cinéma fasciste et renvoie au funeste Tropa de Elite, film également brésilien dont il se situe dans la « droite » lignée, commet d’irréparables « coups d’éclats » esthétiques, comme ce plan en début de film sur des enfants morts ou encore ses interminables fusillades dans lesquelles les armes sont filmés comme des membres virils et les coups tirés comme des éjaculations. Profondément puant !

Le BIFFF s’est tenu en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (6)

Plus le BIFFF s’éloigne, plus il devient compliqué de tenir ce petit journal de bord maintenant rétrospectif, tant certains films s’estompent voire disparaissent de ma mémoire. Dans ce qu’il reste, quelques images de Hotel Poseidon et de Dick Maas Methode.

Aporia de Rec Revan 🔴

Dans la présentation du film sur son site, le BIFFF prend les devants et nie tout exotisme quant à la présence de ce film labélisé premier film de genre venu d’Azerbaïdjan. Malheureusement, je ne vois pas trop ce qui caractérise Aporia ou en fait l’originalité mis à part cette particularité de provenance. Survival classique, avec une touche de film de zombies pour dire, le film se traîne, accumule les clichés, et les performances approximatives, avant de se clore sans avoir vraiment commencé.

De Dick Maas Methode de Jeffrey De Vore ⭐⭐

Dès le début, certains propos des témoins, venant faire l’éloge de son vivant du réalisateur Dick Maas, peuvent faire bondir n’importe quel cinéphile d’obédience classique ou « cahiers », tant le mépris qui suinte pour le cinéma d’auteur est manifeste. Il faut donc dépasser cette impression de débarquer dans une fête à la saucisse pour, sur la longueur, se sentir malgré tout embarqué dans cette odyssée un peu folle d’un cinéma ultra-populaire hollandais, ayant assumé pleinement son mauvais goût et ayant même fait de celui-ci sa pierre angulaire, voire son sujet. Le documentaire parvient assez bien à capter rétrospectivement quelque chose de cette vitalité et de cette insouciance qui mena in fine à la création d’une œuvre – noble ou pas, peu importe – dont les extraits montrés mettent paradoxalement l’eau à la bouche, le tout dans un esprit « sale gosse » de cinéphile fou en quête de curiosités déviantes.

Seobok de Yong-joo Lee

Thriller de science-fiction incroyablement classique, que l’on a l’impression d’avoir déjà vu des dizaines et des dizaines de fois, Seobok déterre qui plus est une vieille tarte à la crème SF : le clône humain. Propre et convenu, Seobok ne laisse aucune trace après vision.

Violation de Dusty Mancinelli et Madeleine Sims-Fewer

Déplaisant mélange entre un épate-bourgeois coup-de-poing et un film à thèse prétentieux sur le viol, fort de son sujet « choquant » et de son look arty, Violation est un bel attrape-gogos, qui commence plutôt bien avec des scènes contemplatives et quotidiennes bien filmées et bien jouées, mais qui pète littéralement un cable à mi-parcours, lorsqu’il doit choisir entre devenir un revenge-movie cra-cra ou un film indie-bobo, plagiant au détour l’Antichrist de Lars Von Trier.

Keeping Company de Josh Wallace

Dans cette comédie satirique au gros trait, la parodie lourdaude de Psychose côtoie une allégorie drolatique sur la société capitaliste et les abus de toutes sortes, notamment ceux des compagnies d’assurance. Avec ses personnages (volontairement) caricaturaux et ses acteurs (involontairement) insupportables, Keeping Company gâche un petit potentiel d’humour mordant et engagé, qui point par à-coups derrière un grand déballage hystérique et forcément misanthrope.

Hotel Poseidon de Stef Lernous ⭐⭐

Film flamand éminemment bizarroïde, à mi-chemin entre du sous-David Lynch et du théâtre provoc, Hotel Poseidon réserve une seconde partie pas inintéressante du tout, en forme de cauchemar éveillé. Il n’en reste malheureusement pas grand-chose une semaine après vision, si ce n’est l’impression d’avoir vu une tentative inégale mais notable de cinéma fantastique introspectif et foutraque, dans un flux de films interchangeables certes plus maîtrisés formellement mais nettement plus banals.

Le BIFFF s’est tenu en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (5)

Cinquième retour sur les films de ce BIFFF en ligne, désormais clôturé. Gros coup de cœur pour le film brésilien Carro Rei, peut-être le meilleur de cette édition.

The Barcelona Vampiress de Lluís Danés 🔴

Horrible film à thèse sur le mal, doublé d’un film à costumes terriblement pompier, mal joué – l’acteur principal est tout simplement épouvantable – et déguisé derrière un habillage formel – une scène en noir et blanc, une scène en couleur, une scène en noir et blanc… oh tiens, une robe rouge ! – qui pousse certains à crier au chef d’œuvre, The Barcelona Vampiress est la grosse boursouflure de ce festival. Quand on pense que ce navet a récolté une récompense de meilleur film en Catalogne….

Carro Rei de Renata Pinheiro ⭐⭐⭐⭐

Étonnant film brésilien, allégorie politique et poétique débutant presque « bêtement » par un concept qui pourrait donner matière à une comédie familiale – à savoir la connexion bien réelle, et factuelle, entre un enfant et une voiture –, Carro Rei développe tout un monde et une intrigue convoquant avec lyrisme et générosité à la fois le transhumanisme ou encore l’hypothèse d’une connexion spirituelle et/ou fétichiste entre les hommes et les objets, le tout sur fond de fable écolo-sociale. Dans cet univers allégorique où l’homme et la machine communiquent d’égal à égal, où le coffre d’une voiture peut ouvrir sur une grotte secrète, introspective et rétrospective un peu comme la matrice d’une vie humaine, et où la vie peut jaillir sous la forme de plantes rampantes du capot des voitures, tout est sujet à questionnement et à émerveillement, parfois aussi à réticence et à perplexité. Carro Rei est en tout cas sans conteste le film le plus riche, le plus original et le plus intriguant de ce BIFFF.

The Old Ways de Christopher Alender

Film de possession en huis-clos prenant ses bases scénaristiques et mythologique au Mexique, The Old Ways se regarde sans déplaisir mais utilise ses rebondissements attendus comme autant de passages obligés, de croix que l’on coche sur une liste « à faire », et dont il ne reste rien une semaine après vision, dont acte.

Superdeep d’Arseny Sukhin

Une sorte de mix entre les plus grands « hits » de la SF au cinéma – Alien, The Thing, etc. – mais transposé sous terre et en Russie, léché visuellement et particulièrement ennuyeux.

Vera de Verdad de Beniamino Catena ⭐⭐⭐

Vera, une adolescente italienne disparue brusquement, réapparaît deux ans plus tard sous les traits d’une femme adulte bien plus âgée. Parallèlement, au Chili, un homme d’âge mûr récemment réveillé d’un coma, est en quête de sens et semble en avoir trouvé quand il entend parler de la disparition de Vera. Difficilement lisible dans un premier temps – si l’on n’a pas lu de résumé du film a priori – cette histoire de vies parallèles, de réincarnation et de cosmogonie, si elle n’est pas exempte de maladresses et de lourdeurs – notamment dans l’interprétation et les dialogues de la partie italienne du film – propose une hétérogénéité bienvenue, dans le principe de base et dans la narration, que l’on n’a pas spécialement retrouvée dans la plupart des autres films de ce BIFFF, même réussis.

Post Mortem de Péter Bergendy

Extrêmement classique et bavard, ce film hongrois lorgnant sur Les Autres d’Amenabar et sur le genre gothique en général a semble t’il emporté l’adhésion de pas mal de festivaliers. Difficile pourtant de se passionner pour ce classicisme plat, cette lumière tamisée pour créer des ambiances, cette enfant souriante érigée en « sidekick » énervant du héros il est vrai d’une grande fadeur pris à part…. Il y a derrière ce film de spectres en temps de peste espagnole, une allégorie sur les fantômes du passé, à la fois évidente et peu lisible. Ce qui reste et ressort du film, c’est son dernier quart en forme de morceau de bravoure lors duquel – enfin ! – les fantômes se déchaînent et attaquent. Il y a donc au moins une petite demi-heure efficace dans ce film par ailleurs très pépère.

Le BIFFF 2021 s’est tenu en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (4)

Le BIFFF touche déjà à sa fin et mes carnets de bord sont à la bourre…. Vus plus ou moins à mis parcours, ces six films n’auront que peu marqué mon festival, si ce n’est l’intérêt documentaire de Hail Satan ? ou l’aspect intriguant de Lucky.

Shadows de Glenn Chan

Misant tout sur son pitch vendeur – une psy pouvant lire dans l’esprit de ses patients – mais surtout sur la confrontation entre le bien et le mal, personnifiés respectivement par l’héroïne et son ennemi juré, un autre psy dont la barbichette atteste qu’il n’est pas très gentil, Shadows déroule son intrigue assez prenante avec toute l’efficacité nécessaire, mais veut embrasser trop de sous-intrigues à la fois, et finit paradoxalement par laisser un goût de trop peu, après tant d’efforts pour justement remplir la coupe à ras-bord. Ce qu’il en reste n’est que le souvenir d’un film agréable à regarder, jamais ennuyeux, mais profondément superficiel.

Anything for Jackson de Justin G. Dyck

Quasi huis-clos au départ vaguement original – un couple de vieux séquestrent une femme enceinte pour faire renaitre leur petit fils décédé par un rituel satanique – Anything for Jackson mise ensuite principalement sur le physique inquiétant de ses protagonistes et sur ses situations à la limite du loufoque. Pur film d’ambiance qui dégénère tout de même allègrement dans le grand-guignolesque lors de son final, Anything for Jackson laisse en tête quelques images, mais pas grand-chose de bien consistant.

Hail Satan ? de Penny Lane ⭐⭐

Très instructif, ce documentaire édifiant présente un groupe « religieux » se revendiquant sataniste (The Satanic Temple) mais charriant en réalité des actions visant à prôner la laïcité dans l’Amérique puritaine et profonde, qui se radicalise de plus en plus en se réfugiant dans un christianisme sectaire et idéologiquement dangereux. En suivant certains membres de ce groupe d’influence dans leurs combats politiques, le film se constitue plus en tant que document, que témoignage, assez précieux sur les Etats-Unis à un instant t que comme un grand film de cinéma utilisant véritablement son médium en termes esthétiques, ce qui n’est pas le cas.

Méandre de Mathieu Turi

Assez beau visuellement, notamment dans son utilisation des lumières de différentes couleurs et dans sa manière de filmer les méandres du titre, ses tunnels étroits que parcourt à longueur de temps l’héroïne prisonnière, Méandre n’en est pas moins un exercice de style un peu vain, un court étiré en long, réminiscent de beaucoup de films de SF claustrophobique du même acabit – dans la lignée de Cube – et surtout plombé par un psychologisme lourdingue à base de traumatisme fondateur, et patati et patata.

Lucky de Natasha Kermani ⭐⭐

Commençant comme un slasher bizarroïde avec une touche de surréalisme, Lucky déroule son scénario en forme d’énigme dans lequel une femme se retrouve tous les jours harcelée par le même tueur masqué, qu’elle a beau tuer à chaque coup mais qui n’en revient pas moins le lendemain. Dans sa dernière partie, le film dévoile ses cartes et surtout son allégorie sur les violences faites aux femmes, de manière assez appuyée voir lourdingue, gâchant quelque peu le plaisir du mystère qu’entretenait la première partie. N’en reste pas moins un film curieux, intriguant, mais très imparfait.

Bring Me Home de Kim Seung-woo

Film « coup-de-poing » profondément misanthrope dans lequel tous les personnages sont soit mauvais soit cons soit les deux à la fois, Bring Me Home remporte apparemment tous les suffrages des « bifffeurs » en ligne, toujours en quête du dernier polar corréen désespéré. Mais Kim Seung-woo n’est pas Bong Joon-ho, ni même Na Hong-jin, c’est juste un petit malin fort habile pour exhiber sa maîtrise et forcer une noirceur d’apparat, proche de l’épate-bourgeois.

Le BIFFF se tient en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (3)

Troisième vague de six films, toujours évoqués dans l’ordre de vision, avec encore une fois un vrai coup de cœur (Beyond the Infinite Two Minutes) ainsi que deux autres films intéressants (Possessor et Sound of Violence) qui surnagent.

Sound of Violence d’Alex Noyer ⭐⭐

Atteinte de surdité lors de son enfance, Alexis a découvert assez tôt qu’elle pouvait retrouver l’ouïe en s’adonnant à la violence, lors d’un drame familial fondateur. Plusieurs années plus tard, Alexis est étudiante en musique et compose d’étranges symphonies à base de cris de terreurs et de bruits de chair ou d’os broyés, sons qu’elle récolte lors de meurtres assez sanglants. Contrairement à certains films de ce BIFFF qui tentent de se faire plus cons qu’ils ne sont (par exemple, Cyst), Sound of Violence utilise une base et des rebondissements dignes d’une série Z nanardesque mais traite son sujet de manière très sérieuse, ou pour tout le moins au premier degré. Ce qu’il en ressort est un film assez curieux et hypnotique, flottant dans cet entre-deux et traversé de fulgurances visuelles, comme ces flashs accompagnant les fameux « sons de la violence », ou encore un final « hallucinant » dans lequel un corps humain devient au sens littéral une source sonore et musicale.

Possessor de Brandon Cronenberg ⭐⭐

Deuxième long métrage de Brandon Cronenberg (fils de David, donc), Possessor est une nouvelle occasion de se rendre compte que – une fois n’est pas coutume dans ce type de configuration – le fils est clairement influencé artistiquement par le père et chasse plus ou moins sur les mêmes terres que lui. Racontée à la fois simplement et de manière à constamment cultiver l’interrogation et le mystère, cette histoire de tueuse à gage parasitant le corps d’autrui pour commettre son méfait et remplir son contrat est surtout le prétexte pour Brandon Cronenberg à un bel étalage de savoir-faire esthétique. Film de pur formalisme, effectivement très beau à regarder, et souvent hypnotisant, Possessor n’en a pas moins les atours d’une jolie coquille vide, presque aussi dévitalisée et froide que sa protagoniste, en fin de parcours.

Ropes de José Luis Montesinos

Énième huis-clos et pas le dernier de ce BIFFF, Ropes met en scène un classique du genre, une personne handicapée, en fauteuil, aux prises avec une entité malveillante – ici un chien enragé – dans une demeure déserte et sans voisins. Le cahier des charges est plus ou moins rempli mais considérablement alourdi par un psychologisme éreintant et des « astuces » scénaristiques qui font lever les yeux au ciel. Hantée par sa mauvaise conscience, l’héroïne parle avec l’apparition de sa sœur décédée dont elle pense avoir causé la mort, ce qui permet forcément d’amener du dialogue là où il ne devrait pas y en avoir. Plus le film avance, plus il sombre dans l’emphase à la limite du ridicule.

Honeydew de Devereux Milburn

Si ce petit « survival » crapoteux permet d’abord d’admirer la progéniture de Steven Spielberg en la personne de son fils Sawyer – qui interprète ici le rôle principal – et de se rendre compte par la même occasion que le talent n’est pas forcément héréditaire, il parvient aussi tant bien que mal à installer une petite ambiance malaisante dans un cadre propice : une ancienne ferme décrépite toujours habitée par ses vieux propriétaires dégénérés et aux tendances cannibales. Le film est très lent et la partie survival ne commence en réalité que dans sa dernière partie – voire ne commence jamais – mais laisse en tête quelques images inquiétantes, à défaut d’un réel enthousiasme ou de la moindre émotion quelle qu’elle soit.

Beyond the Infinite Two Minutes de Junta Yamaguchi ⭐⭐⭐

Comme pour Host de Rob Savage, c’est de la contrainte induite par son concept que Beyond the Infinite Two Minutes tire son originalité esthétique et ses plus belles idées. Avec son paradoxe temporel unique – deux écrans reliés avec deux minutes de décalage donnant aux personnages la possibilité de voir leur futur (très) proche –, cette comédie met sur pied un rythme et un type de narration jamais ou rarement vus, dans lesquels le bégaiement et la répétition constituent le cœur même de l’action. Filmé en faux plan-séquence, Beyond the Infinite Two Minutes arrive miraculeusement à rendre fluide et linéaire cet effet de va-et-vient scénaristique, créant – dans cette petite capsule spatio-temporelle confinée et réduite à une heure – un microcosme synthétique, une sorte de miniature SF à l’échelle de l’humain et du trivial, à la fois d’une grande modestie et véritablement ambitieuse.

The Closet de Kim Kwang-bin

Intriguant de prime abord, ce thriller fantastique coréen excelle dans un premier temps à créer des ambiances, à placer ses pions et son histoire d’enfant possédé, doublé d’un thriller de disparition à l’encrage plus réaliste, mais déçoit assez vite en cédant aux facilités et au grand-guignolesque, avec spécialiste du paranormal et transe cauchemardesque à la clé. Le climax du film est en cela particulièrement pénible, pompier et interminable.

Le BIFFF se tient en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (1)

Après une année de relâche forcée, le BIFFF nous revient enfin, forcément en version « online ». Ne changeons donc pas les bonnes habitudes et reprenons-les là où nous les avions laissées : il est temps d’enchaîner les projec… euh, les streamings, et de chercher les pépites parmi une bonne quarantaine de productions pré et post-covid proposées par les gentils programmateurs. Cette année, pas de cote sur 10 mais plutôt un système d’étoiles (ou de bulle rouge, en cas de navet). Pour chaque publication, les films seront évoqués dans l’ordre où ils auront été vu par votre serviteur.

Caveat de Damian McCarthy 🔴

Sur l’affiche du film et dans les phrases d’accroche utilisées par le festival pour mettre en avant Caveat, l’accent est mis sur cette peluche décrépite figurant un lapin-tambour, lequel est censé faire atrocement peur…. Jugez vous-même d’après photo, mais autant vous dire que le lapin Frank de Donnie Darko est à mon humble avis bien plus flippant que ce pauvre doudou mal conservé. D’autant plus que ce lapinou est en réalité un élément presque anecdotique et à la signification plus que floue dans ce qui n’est au final qu’un huis-clos psychologique d’ambiance, assez mal fagoté et répétitif. Exercice de style vain et terriblement ennuyeux, Caveat est par ailleurs le premier film « de confinement » détecté par mes soins dans cette sélection qui en sera à mon humble avis très riche.

La Stanza de Stefano Lodovichi ⭐⭐

Autre film confiné, La Stanza a presque des allures de théâtre filmé, avec son huis-clos strict dans une maison d’hôte désertée et ses trois personnages. Alors que son mari vient de les abandonner elle et son fils, Stella s’apprête à se suicider lorsqu’un invité inattendu, Giulio, sonne à la porte. Animé par des motivations initialement floues, l’étrange locataire finit par séquestrer Stella et son mari volage Sandro avant de leur révéler son identité et la raison de sa rancune à leur égard. La Stanza est un film à révélation qui bascule assez vite dans le fantastique, lequel basculement permet au film de passer de « théâtre filmé » à quelque chose de plus allégorique et atypique. Sans réellement quitter le domaine de l’exercice de style et en cédant à plusieurs reprises aux sirènes de l’hystérie, le film n’est pas dénué d’un certain charme principalement dû à son « twist » fantastique.

Psycho Goreman de Steven Kostanski ⭐⭐⭐

Curieux mais jouissif mélange entre une série Z gore et un hommage distancié aux productions Amblin, le tout agrémenté d’un esprit légèrement subversif et punk, Psycho Goreman surprend par son ton totalement décomplexé et son esthétique à la limite entre le kitsch et la laideur assumée. Le film est en outre « dominé » par une jeune actrice hors-norme (Nita-Josee Hanna), tour à tour désopilante ou insupportable, mais qui imprime sans aucun doute sa personnalité dans ce film diablement sympathique.

Extro de Naoki Murahashi ⭐⭐⭐

« Mockumentaire » sur les figurants de cinéma, Extro se divise en deux parties finalement assez distinctes : la première suivant l’un de ces « héros de l’ombre », Haginoya dont l’envie de bien-faire est parfois à deux doigts de ruiner les prises sur un tournage ; la seconde se concentrant sur un ressort comique plus classique, le duo de flics maladroits faisant capoter une mission sous couverture, la couverture étant en l’occurrence celle de figurants sur un plateau de tournage. Le film referme quelques morceaux de bravoure comiques qui se savourent en tant que tels, mais c’est surtout dans son épiphanie finale, due – cinéma bis japonais oblige – à un « kaiju », qu’il touche à une dimension toute autre et procure in fine et contre toute attente une véritable émotion cinéphile.

Bloody Hell d’Alister Grierson

Comédie (gentiment) horrifique à base de famille de dingos assoiffés de sang ayant jeté leur dévolu sur la mauvaise victime, Bloody Hell aurait probablement très bien fonctionné en salles, dans l’ambiance bifffesque, et se laisse regarder avec un petit intérêt poli tout en ayant le mérite de ne pas ennuyer. Bénéficiant d’une mise en scène et d’un montage passe-partout, misant tout sur l’efficacité et la rapidité – avec en prime quelques allers-retours scénaristiques assez roublards, le film a tout de la pochade anecdotique, vue sans déplaisir mais très vite oubliée – au point qu’il est actuellement déjà compliqué à l’auteur de ces lignes d’en parler, tant le souvenir s’estompe de plus en plus.

The Shift d’Alessandro Tonda 🔴

Film « coup-de-poing » annoncé comme tel de ce BIFFF, The Shift est une coproduction mettant en scène un attentat kamikaze à Bruxelles mais tournée en partie à Liège par un réalisateur italien et avec dans le rôle principal une actrice française (Kamoulox !). Blague à part, le choc annoncé s’avère être un gros pétard mouillé, un téléfilm « rtbf-esque » digne des meilleures « fulgurances » de mise en scène de La Trêve ou d’Ennemi public. Dans un autre contexte et si le cœur y était, cette tentative de rendre « efficace » un film sur un attentat terroriste pourrait me mettre en colère, mais même pas…. The Shift est juste une petite daube insignifiante qui refoule légèrement.

Le BIFFF se tient en ligne du 6 au 18 avril 2021

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« Glass » de M. Night Shyamalan : Le sommet de la pyramide

(Attention : le présent texte contient un très grand nombre de « divulgâcheurs » quant au film sur lequel il essaie de réfléchir. Il est donc fortement conseillé au lecteur de voir le film Glass de M. Night Shyamalan avant de lire ce qui suit.)

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En 2000, dans Incassable, M. Night Shyamalan racontait et filmait les origines d’un super-héros aux contours ordinaires, l’agent de sécurité David Dunn, qui découvrait, après un accident ferroviaire dont il était le seul survivant, être incassable. Après avoir apprivoisé ses particularités et ses pouvoirs – notamment son habilité à voir les secrets des gens après les avoir touché – il se rendait compte que celui qu’il pensait être son ami et mentor, le spécialiste des comics Elijah Price – alias Mr. Glass – avait provoqué l’accident de train à l’origine de sa révélation, ainsi que d’autres catastrophes, dans le seul but de trouver cet être extraordinaire, incassable. En 2017, dans Split, le cinéaste imaginait une personnalité, Kevin Wendell Crumb, en abritant 23 autres. Parmi ces vingt-trois personnalités, trois – désignés par les autres comme étant « La Horde » – s’apprêtaient à en accueillir une vingt-quatrième : un être surnaturel du nom de « La Bête ». À la fin du film, après la naissance de la Bête et la révélation de ses pouvoirs, une courte scène plaçait Incassable et Split dans un univers commun, en faisant apparaître David Dunn. Cette scène finale promettait – ou faisait fantasmer – une suite, une sorte de réunion entre les personnages de Split et d’Incassable. Avec Glass, Shyamalan tient sa promesse mais la dépasse en faisant du troisième opus d’une trilogie inattendue une remise en perspectives des deux précédents.

Architecture et jeux de constructions

La première phrase de Glass – prononcée par Dennis, l’un des personnages de la Horde, en voix-off tandis qu’apparaît à l’écran le premier logo du générique d’ouverture – donne le ton sur ce qu’il s’est passé entre le précédent film et celui-ci : strictement rien. Dennis se plaint que rien n’a changé, que malgré la venue de la Bête, les gens ne croient toujours pas en son pouvoir et qu’il n’y a pas eu de révolution. Patricia, l’un des autres membres de la Horde, tente de le rassurer et lui dit que le changement va venir, qu’il faut être patient. Pourtant, tout au long du récit que déploie Glass, plusieurs membres de la Horde, dont Patricia, perdront momentanément la foi, douteront du pouvoir de la Bête et de ce qu’il peut provoquer sur l’humanité. Cette impression de surplace qu’éprouvent les membres de la Horde, cette stagnation des enjeux, c’est précisément ce que veut induire M. Night Shyamalan dans les premières minutes de Glass. Si l’on a donc bien compris que les choses n’ont pas évolué pour les multiples personnalités de Kevin Wendell Crumb (James McAvoy) depuis la fin de Split, l’on est également amené à se rendre compte que peu de choses ont changé en ce qui concerne David Dunn (Bruce Willis), qui travaille toujours dans le domaine de la sécurité et reste le justicier masqué et caché qui débusque les criminels en les frôlant et les punit dissimulé sous une longue parka verte. Ces deux personnages – ainsi que celui d’Elijah Price, joué par Samuel L. Jackson – sont repris tels quels, issus de leurs films respectifs et inchangés depuis.

C’est visiblement le projet de Shyamalan de faire comprendre que chacun des films – Incassable et Split –, pris individuellement, est incomplet. Le destin de David Dunn – devenir un super-héros aux yeux du monde – et celui de La Horde – faire éclore les croyances sur les possibilités d’évolution de l’humain – ne pourront être accomplis que par l’imbrication dans les deux autres de cette troisième pièce du puzzle, sorte de talisman permettant de réunir deux pièces que l’on croyait indépendantes jusqu’à la dernière scène de Split. Glass est donc la dernière pièce d’une construction pyramidale, d’une forme architecturale forcément hybride qui n’est pas sans rappeler la Tour Osaka, cette autre construction à la forme incertaine qui jouera un rôle à la fois déterminant et déceptif dans le présent film. Film hanté par les fantômes de ces deux prédécesseurs, Glass est parsemé de réminiscences et de vestiges des deux autres films et les utilise d’une manière qui rappelle aussi les codes du jeu de construction et du puzzle. Ayant par exemple réussi à caster à nouveau l’acteur Spencer Treat Clark dans le rôle du fils de David Dunn/Bruce Willis, M. Night Shyamalan imbrique dans son montage une scène coupée d’Incassable, un dialogue entre le père et son fils dans une chambre sombre, éclairée uniquement de la lumière du couloir par l’entrebâillement d’une porte. Au début de cette scène, les traits de Bruce Willis et ceux de Spencer Treat Clark n’apparaissent pas clairement dans la lumière, provoquant l’interrogation quant à la provenance des images – ont-elles été tournées pour Incassable ou pour Glass ? – puis, lorsque la lumière révèle qu’il s’agit bien des deux acteurs il y a dix-huit ans, une émotion particulière – rarement possible au cinéma, parfois abordable dans le domaine des séries, lors d’épisodes récapitulatifs – peut s’emparer du spectateur qui a découvert les trois films dans l’ordre, de préférence aux moments de leurs sorties respectives.

Shyamalan s’utilise d’ailleurs lui-même comme élément imbricateur pour lier ses trois films entre eux, et le fait de manière profondément ludique. Habitué des caméos dans ses propres films, le réalisateur jouait dans Incassable un spectateur de stade contrôlé par le chef de la sécurité David Dunn, lequel le suspectait fortement de transporter de la drogue. Dans Split, il jouait le concierge « baba-cool » de l’immeuble dans lequel résidait la psychiatre de Kevin. Or, dans Glass, son apparition est l’occasion – assez drôle – de se rendre compte que ces deux personnages, joués par la même personne dans un univers partagé, ne peuvent évidemment qu’être le même. Cette réflexion qui peut paraître anecdotique permet cependant de prendre en considération l’aspect ludique, interactif, d’une telle construction. M. Night Shyamalan joue bel et bien avec son spectateur, lui donne constamment des énigmes à résoudre, lui pose des devinettes auxquelles répondre. L’une de ces énigmes est posée par les titres des trois films : alors que le premier désignait clairement le personnage de Bruce Willis et le second celui de James McAvoy, le troisième désigne non moins clairement Elijah Price (Samuel L. Jackson), l’homme aux os de verre. Comment ce personnage pouvant finalement apparaître secondaire dans la potentielle rencontre entre l’homme « incassable » et l’homme « divisé » peut-il devenir la pièce maîtresse de la pyramide constituée par Incassable, Split et Glass ? C’est l’enjeu principal du jeu d’esprit que le cinéaste propose à son spectateur, qu’il invite cordialement à participer à la partie, à démêler le casse-tête.

La psychanalyse des super-héros

Le jeu de Shyamalan implique également une grande part de déceptivité. Il faut accepter le fait de ne pas récolter exactement ce que l’on attend en y jouant. Si une réunion des personnages d’Incassable et de Split peut évoquer d’emblée une sorte d’affrontement dantesque entre deux figures « super-héroïques », entre un héros et son opposé, Glass propose, après un premier quart d’heure et une sorte de « coitus interruptus » au moment ou se profile le fameux affrontement, une toute autre piste, un tout autre film. À l’affrontement physique attendu, c’est un autre affrontement, beaucoup plus larvé et idéologique, que nous propose M. Night Shyamalan, à l’occasion de l’internement des deux personnages principaux en compagnie de Mr. Glass. Contenus et bridés par une psychothérapeute ayant déployé dans un hôpital psychiatrique des moyens démesurés pour les retenir, les trois hommes extraordinaires s’entendent dire qu’ils sont en réalité ordinaires et qu’ils souffrent ni plus ni moins d’une folie des grandeurs, un délire mégalomaniaque qui les conduit à se prendre pour des super-héros. Dans une scène centrale, la psychothérapeute, grande inquisitrice de la pensée et des croyances, confronte ses trois patients en les mettant face à ce qu’elle estime être leurs contradictions. En lieu et place de l’affrontement attendu, c’est celui de la croyance contre l’explication rationnelle qui a cours là. La croyance qu’ont les personnages en leurs capacités est mise à l’épreuve par la vraisemblance et la rationalisation, symbolisée ici par cette séance de thérapie collective.

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Pour arriver à ses fins et persuader ses patients qu’ils ne sont pas des êtres exceptionnels mais bien des malades mentaux atteints d’une forme particulière de mégalomanie, la thérapeute a notamment recours à un événement traumatique fondateur lié à chacun de ses patients. Alors que dans les films précédents, ce trauma originel faisait partie de la mythologie que construisait Shyamalan autour de ses personnages – la presque noyade de David Dunn alors qu’il était enfant, révélateur de son unique faiblesse, sa « kryptonite » à lui, à savoir l’eau ; les maltraitances exercées par sa mère sur Kevin Wendell Crumb, déclencheur de sa démultiplication en 23 personnalités distinctes, destinées dans un premier temps à protéger mentalement leur hôte de ces attaques – il est ici assimilé à la cause de leur mal, à une explication plausible et réaliste de tout ce qui a bien pu leur arriver par la suite. Le recours à un événement traumatique fondateur, sorte de tarte à la crème de la psychanalyse que Shyamalan utilise évidemment très consciemment, est ensuite poussé à l’extrême puisque c’en est un autre qui lui servira plus tard à opérer un retour vers l’état de croyance dont les personnages et les spectateur auront été un moment arrachés. Lors d’une visite dans un magasin de comics, Joseph Dunn (Spencer Treat Clark) découvrira que c’est par l’histoire des pères que l’on trouvera la meilleure explication des origines des super-héros. Dans le dernier tiers du film, il sera révélé que le père de Kevin Wendell Crumb est mort dans l’accident de train auquel David Dunn a survécu dans Incassable, et que cette mort est indirectement à l’origine du trouble de Kevin. Elijah Price, alias Mr. Glass, double désormais omniscient de Shyamalan, dira lors de ce dernier tiers que ce qu’il est en train de vivre, ce qu’on est en train de voir, est une « origin story ». Et qu’est-ce qu’une « origin-story » sinon une sorte de psychanalyse fictionnalisée de la figure du super-héros, expliquée de manière finalement très rationnelle, par des recoupements factuels précis et justificateurs ?

Retournements réflexifs et vertigineux

Avec la partie dite « psychanalytique » ou « psychothérapeutique » du film, symbolisée par la séance de thérapie collective, Shyamalan endosse en réalité le rôle de la psychothérapeute avec laquelle il partage les mêmes intentions. À la fin du film, celle-ci tend la main à David Dunn afin qu’il puisse lire sa véritable nature. Elle fait en réalité partie d’une société secrète dont le but est de contenir les potentiels « super-héros » ou êtres extraordinaires afin de maintenir un certain équilibre du monde. Sa tentative de convaincre ses trois patients qu’ils étaient ordinaires était donc une manière de les brider, d’empêcher leurs possibles débordements. Au moment où David Dunn entrevoit le secret de sa psy, elle lui demande si elle était parvenue à le convaincre qu’il était normal. Cette question, c’est également M. Night Shyamalan qui la pose à son spectateur : est-il parvenu à lui faire croire que tout le système de croyance qu’il avait mis en place dans Incassable et dans Split, tout cet univers qu’il a créé, n’existait en réalité que dans la tête de ses personnages ? Encore une fois c’est à un jeu qu’a joué Shyamalan avec le spectateur en tentant de le faire reconsidérer tout ce qu’il avait vu auparavant, mais un jeu éminemment réflexif autour des questions de la fiction et de la croyance. Pour autant, il ne faudrait pas croire que la partie centrale n’est qu’un long aparté, une longue distraction qui n’aurait aucun impact réel sur la finalité du film, sur un final fait de révélations et d’affrontements cathartiques. La psychanalyse des héros aura en effet été pour Shyamalan l’occasion d’une diversion scénaristique des plus risquées et complexes que l’on puisse imaginer et rêver, mais constitue également la pierre angulaire de son film et contient ni plus ni moins que son propos central, peut-être même sa raison d’être.

C’est en réalité une véritable introspection que fait M. Night Shyamalan à travers Glass. Il y propose une réflexion vertigineuse sur son art et y livre des clés essentielles pour aborder sa manière d’écrire et de concevoir des fictions, pour décrypter l’ensemble de son œuvre. Mais il va également jusqu’à dépasser le versant « méta » du film pour en faire à son tour un enjeu fictionnel. Dans un dialogue entre Mr. Glass et l’une des nombreuses personnalités de Kevin Wendell Crumb est évoqué le terme « American Sublime » directement accolé par Mr. Glass à un courant pictural dominé par de grands et beaux paysages majestueux en fond desquels point une menace, souvent une tempête. Si cette définition de l’American Sublime peut paraître simplificatrice, elle permet à Shyamalan de faire un parallèle avec ses films et d’éclaircir une récurrence dans son travail. Comme les tempêtes dissimulées en fond de paysages majestueux, les « révélations » – ou « twists » comme ils ont souvent été désignés – chez Shyamalan ne sortent pas de nulle part. Elles prennent leur ancrage dans des éléments tangibles que l’auteur disperse habilement dans le récit ou à l’image. Il s’agit souvent de quelque chose qui est présent dès les premières minutes du film, mais de manière feutrée, atténuée par les moyens du cinéma – le montage, l’ellipse, etc. Dans Glass, la Tour Osaka joue ce rôle : elle est présente dès le début du film, lorsque David Dunn rentre chez lui après un de ses exploits, à travers une voix-off venant d’un poste de télévision ou de radio, laquelle annonce son inauguration future. Elle est également dans le cadre de plusieurs contre-champs filmés en extérieur, devant l’hôpital psychiatrique. Elle est donc comme ces tempêtes menaçantes auxquelles on ne fait pas attention. Alors qu’elle prend de plus en plus de place dans le récit et dans l’image, le spectateur est amené à penser qu’elle constituera l’élément décisif d’un éventuel climax voire d’un de ces « twists » dont Shyamalan aurait le secret. Or, il s’avèrera lors du véritable « twist », de la « révélation » finale – au sens propre comme au figuré – que la Tour Osaka n’aura en fait été qu’une manière pour M. Night Shyamalan, ainsi que pour Mr. Glass, de détourner l’attention. Le cinéaste se sera servi de ce que l’on attend de lui, des a priori que l’on pourrait avoir sur ses éventuels tics d’écriture, ses astuces de conteur, pour surprendre une fois de plus. Comme un magicien a recours à une diversion pour mieux réussir son « prestige », et comme le « mastermind » Mr. Glass cache son véritable plan derrière un autre, Shyamalan use avec Glass de stratagèmes d’une intelligence folle, et permet au spectateur qui veut bien le suivre dans les dédales de son écriture réflexive et en constante mobilité d’éprouver avec lui les potentialités d’une réflexion ludique sur la fiction.

Thibaut Grégoire


À partir de « Venom » : Du plaisir non-coupable de ne pas avoir « bon goût »

Il arrive parfois que toutes sortes de circonstances vous retiennent d’aller voir un film que vous avez pourtant, manifestement ou secrètement, envie de voir. Il peut s’agir de bouches à oreilles désobligeants, de complot critique pour vous empêcher d’y apporter du crédit, où bien d’un simple manque de temps. Tout ça pour dire que je n’avais pas encore eu l’occasion de voir Venom et que les mauvais échos sur le film m’avaient encouragé à d’abord rattraper d’autres films avant celui-ci. Quelle ne fut donc pas ma surprise de trouver le film plutôt très sympathique, d’y prendre un plaisir enfantin à la fois régressif et sincère.

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Conçu comme un dessin animé « live » faisant intervenir tout ce qui est susceptible de plaire à un gamin des années 90 (héros mal rasé, méchant très méchant, transformations à gogo, vannes bon-enfant mais décomplexées, quête de justice,…), Venom enchaîne avec bonheur et sans se poser de questions les morceaux de bravoure au premier degré, les courses poursuites délirantes et les effets spéciaux cartoonesques, le tout avec une belle énergie communicative, sans réel temps mort, et dans les temps réglementaires (si on l’ampute de son interminable générique final, le film ne dure qu’une heure et demi).

Quel était donc ce consensus critico-cinéphile pour descendre en flèche un film qui ne le mérite pourtant pas (surtout quand on voit que les daubes officielles du « Marvel Cinematic Universe » sont encensées ou, au pire, traitées avec l’indulgence la plus incompréhensible) ? Venom ne rentre apparemment dans aucune case de légitimation pop-culturelle selon les normes et les canons actuels, tout simplement. C’est ce qui justifie le fait que les détenteurs auto-proclamés du bon-goût, les hauts dignitaires de la censure « geek » institutionnalisée, et autres petits dictateurs intellectuels de tous poils, se soient ligués contre lui, bouc-émissaire providentiel.

Le film ne serait pas assez fidèle au personnage des comics, trahirait en quelque sorte celui-ci…. Mais qu’est-ce que ça peut bien faire ? Je me fous complètement qu’une adaptation soit fidèle ou non au matériau auquel elle emprunte. Que celui qui pense qu’un film doive se référer au livre qu’il adapte comme à un dogme religieux me jette la première pierre et aille ensuite se faire voir. C’est d’autant plus vrai en ce qui concerne les comics, la culture « geek » et toute cette dictature de la vraisemblance et de la cohérence qui commence sérieusement à courir sur le haricot.

Bref, Venom est un plaisir – subjectif, certes – au premier degré, et certainement pas coupable, comme il est maintenant coutume de le dire lorsque l’on a le malheur d’apprécier un film qui n’a pas l’aval de l’intelligentsia ou de la « boboïtude » ayant pignon sur rue. On ne commet pas un délit ou une entorse morale en aimant un film. Pourquoi devrait-on s’en sentir coupable ? Coupable de quoi ? Coupable envers qui ?

Thibaut Grégoire


BIFFF 2018 : Top 12 + Flop 5

En conclusion d’une excellente édition 2018, marquée par quelques temps forts – dont la masterclass « historique » donnée par Guillermo Del Toro – le BIFFF a fermé ses portes dimanche passé. Il est désormais venu le temps du sempiternel bilan. Grand cru oblige, le top 10 s’est facilement élargi à un top 12….

 

Top 12

1/ Before We Vanish de Kiyoshi Kurosawa

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2/ How to Talk to Girls at Parties de John Cameron Mitchell

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3/ La Femme la plus assassinée du monde de Franck Ribière

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4/ Human, Space, Time and Human de Kim Ki-duk

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5/ Survival Family de Shinobu Yaguchi

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6/ Blue My Mind de Lisa Brühlmann

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7/ Double Date de Benjamin Barfoot

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8/ Killing God de Caye Casas et Albert Pintó

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9/ Dhogs d’Andrés Goteira

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10/ Freehold de Dominic Bridges

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11/ Parallel d’Isaac Ezban

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12/ The Place de Paolo Genovese

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Flop 5

1/ What the Waters Left Behind de Luciano et Nicolás Onetti

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2/ Hunting Emma de Byron Davis

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3/ Mercy Christmas de Ryan Nelson

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4/ House of the Disappeared de Dae-wung Lim

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5/ I Kill Giants d’Anders Walter

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Le BIFFF s’est tenu du 3 au 15 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2018 : Carnet de bord (jours 10 et 11)

Retour sur les derniers jours du BIFFF, durant lesquels nous pûmes découvrir rien de moins que le meilleur et le pire film du festival.

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Luciferina de Gonzalo Calzada

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Un peu au-dessus du tout-venant présenté au BIFFF cette année en matière de films de possession et/ou d’exorcisme, Luciferina mise cependant bien trop sur les « jump scares » et les effets faciles, avant d’échouer à retranscrire proprement et avec le minimum syndical de mysticisme une séance de chamanisme, ou encore de tomber dans le grand-guignol absolu lors d’un final « osé ».

Note : 4/10

 

Tigers Are Not Afraid d’Issa Lopez

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Fort de ses statistiques d’ouvertures sur les enfants orphelins ou victimes de la guerre des gangs au Mexique, la petite sensation festivalesque que constitue Tigers Are Not Afraid tente d’instiller du merveilleux et de l’onirisme dans un décorum se voulant ultraréaliste mais dont le naturalisme empli de pathos se montre extrêmement envahissant. Tout comme I Kill Giants – également présenté au BIFFF cette année – le film d’Issa Lopez fonctionne à l’affectif et joue sur la corde sensible pour amadouer son spectateur, faute de réellement créer un univers original, ou tout du moins d’accorder de manière plus ou moins efficace deux mondes dont le choc devrait amener de la singularité : en l’occurrence, la violence des bas-fonds et un rêve d’enfant.

Note : 4/10

 

Before We Vanish de Kiyoshi Kurosawa

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Faux film de SF dans lequel le sens des mots joue un rôle déterminant sans pour autant en faire un film discursif ou « sur la parole », Before We Vanish n’est probablement pas le meilleur film de Kiyoshi Kurosawa, ni même le meilleur parmi ses plus récents, mais son aspect hybride, à la fois contemplatif, déambulatoire, et traversé de morceaux de bravoure ou de coups d’éclats spectaculaires digne de blockbusters américains ou de films de série B, lui donne un impact certain.

Note : 8,5/10

 

What the Waters Left Behind de Luciano et Nicolás Onetti

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Daube voyeuriste, tape-à-l’œil et effroyablement prétentieuse, What the Waters Left Behind exhibe fièrement ses beaux plans « travellingés » et interminables sur des paysages, puis sur des coïts, puis sur des viols, puis sur des meurtres, puis de nouveau sur des viols, etc. Derrière l’excuse d’un film de genre – anticipation, survival, … –, ce film argentin est fondamentalement honteux, représentant un summum dans l’esthétisation sans recul ni réflexion de la violence sous toutes ses formes

Note : 2/10

 

Le BIFFF se tient du 3 au 15 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2018 : Carnet de bord (jours 8 et 9)

Parallèlement à la présence événementielle de Guillermo Del Toro, et d’une longue masterclass au cours de laquelle le cinéaste mexicain aura fait preuve de beaucoup de générosité, le BIFFF continuait à présenter des films intéressants : la (plutôt) bonne surprise italienne The Place, et le premier film en anglais d’Isaac Ezban, grand habitué du festival.

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Belzebuth d’Emilio Portes

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Encore un film mexicain de possession satanique, après le pénible El Habitante. Si le film d’Emilio Portes n’échappe pas au sempiternel discours fumeux empli de religiosité exacerbée, et s’il s’avère au final tout aussi banal et routinier que n’importe quel avatar du genre, il est tout de même ponctué de deux moments assez intéressants et inattendus pour éveiller l’attention : tout d’abord, une scène d’attentat dans un cinéma, dont l’idée même pourrait être la base d’une réflexion méta vertigineuse, mais ne relève finalement que du domaine de l’anecdote ; puis, une vraie scène d’anthologie, la possession par le démon d’un Christ d’église sur sa croix, véritable moment de subversion jouissive, mais qui ne trouve malheureusement pas d’écho dans le reste du film.

Note : 4/10

 

The Place de Paolo Genovese

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Si l’on craint d’abord un film à sketch ou du théâtre filmé, ce film italien a priori classique et patrimonial – il ne s’agit pas vraiment d’un film d’auteur – séduit sur la longueur par la manière dont il développe son concept simple mais complexifié par l’écriture et le montage. La proposition qu’il fait d’un film de dialogues couplé d’un film choral, dans lequel les face-à-face successifs et alternés qui se jouent entre le personnage principal – sorte de figure floue d’ange planificateur ou double fictionnel du créateur démiurge – et ses jouets, des quidams venant lui demander un service en échange d’un autre, se révèle finalement intrinsèquement cinématographique. C’est par le montage alterné et la stratégie de dévoilement progressive, qui serait pratiquement impossible, ou tarabiscotée, au théâtre, que le film parvient à créer une montée en puissance, tout en restant toujours enfermé entre quatre murs dans un bistro, fixé sur une table où l’on discute autour d’un café.

Note : 6,5/10

 

Parallel d’Isaac Ezban

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Avec ce premier film en anglais et hors de son Mexique natal, Isaac Ezban (The Incident, Los Parecidos) filme un scénario qu’il n’a pas écrit mais qui s’inscrit assez bien dans l’univers de SF, fait de boucles temporelles et de mondes parallèles, qu’il a mis en place avec ses deux premiers longs métrages. Si Parallel se révèle plus être un film de scénario très cadré, au système plus ou moins efficace, et en cela moins caractéristique du style en construction d’Ezban – dont Los Parecidos représente jusqu’à présent le meilleur exemple, mélange de maîtrise formelle et de moments de folie, le tout assorti d’une réflexion sur l’imaginaire –, il lui permet néanmoins d’asseoir sa place particulière d’auteur de SF et de se diriger vers un cinéma plus mondialisé. Reste à savoir s’il parviendra à l’avenir à garder sa singularité, au fil de projets de plus en plus ambitieux.

Note : 6,5/10

 

Five Fingers for Marseilles de Michael Matthews

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Prometteur sur le papier, cet hommage lourdingue au western – et plus particulièrement au western spaghetti, le style en moins – transposé dans une Afrique du Sud d’anticipation, n’est qu’une succession d’images soignées et de clichés patentés, dont on devine que le réalisateur a des velléités de faiseur lambda. C’est donc fort de sa carte de visite toute clinquante qu’il attend patiemment mais sûrement son passeport hollywoodien pour aller faire de la soupe dans d’autres contrées.

Note : 3,5/10

 

Tragedy Girls de Tyler MacIntyre

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Là encore, de belles promesses précédaient ce film, relecture autoproclamée du genre « slasher » avec une petite touche féministe, dans l’ère du temps. On sent en effet la volonté, sinon parodique, du moins satirique de l’ensemble, et la filiation méta avec la saga des Scream. Mais passé la surprise de début et quelques bonnes idées, notamment la conclusion et le traitement de l’amitié entre les deux protagonistes, psychopathes à la vie à la mort, Tragedy Girls ne va pas plus loin qu’une petite blague sympathique mais sans ampleur ni grandes conséquences.

Note : 5/10

 

Le BIFFF se tient du 3 au 15 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2018 : Carnet de bord (jour 7)

Une fois n’est pas coutume, beaucoup de films très mineurs au BIFFF en cette septième journée, et beaucoup de clichés : morts-vivants revanchards, héroïne « badass », possessions et rituels sataniques.

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RV : Resurrected Victims de Kyung-Taek Kwak

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RV est la confirmation, s’il en fallait encore une, que les films coréens présentés cette année au BIFFF – après A Special Lady et House of the Disappeared, et en exceptant Kim Ki-duk, définitivement à part – sont largement en-dessous de la réputation que ce cinéma national à acquis dans le domaine du genre. Commercial, croulant sous les effets tape-à-l’œil, le film de Kyung-taek Kwak tente de maintenir l’intérêt en complexifiant à outrance son intrigue – un vaseux retour des morts pour se venger de leurs assassins – à coups de flashbacks différés et de manipulations narratives, tout ça pour finir en grande messe moralisatrice sur la culpabilité et le pardon.

Note : 3/10

 

Verónica de Paco Plaza

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L’efficacité de la mise en scène de Paco Plaza ne parvient pas à faire de Veronica autre chose qu’une Série B espagnole bourrée de stéréotypes. Religion (via, évidemment, une nonne lugubre complètement grotesque), mysticisme superficiel, parallélisme avec la sexualité de l’héroïne et le deuil… Tous les clichés sont bien au rendez-vous ! C’est dommage car quelques belles idées, malheureusement inexploitées et sacrifiées sur l’hôtel du petit programme à remplir, effleurent par endroits, comme les références à l’éclipse, la « peluche protectrice » ou la présence d’Ana Torrent. (GR)

Note : 4/10

 

Hunting Emma de Byron Davis

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Présenté comme un « survival » féministe, sous prétexte qu’il met en scène une héroïne un peu « badass », comme on dit, et aux prises avec cinq tonneaux de testostérone assoiffés de sang et/ou de sexe, Hunting Emma n’est qu’un film d’action raté, qui met une bonne heure à démarrer vraiment et ne peut même pas se réfugier dans une dimension ludique de plaisir coupable, tant son installation et la mise en place de la revanche de la fameuse Emma sont laborieuses. Outre une scène de dialogue interminable, à mi-film, censée expliquer la capacité d’Emma à résister à ses agresseurs, deux autres « grands moments » viennent enterrer complètement la thèse féministe – et surtout opportuniste – qui était mise en exergue : quand elle a enfin l’occasion de se présenter à l’un de ses agresseurs après lui avoir rendu la monnaie de sa pièce, notre héroïne choisira de se présenter non pas par son nom et son identité propre, mais comme la fille d’un militaire haut-gradé ; en guise de scène finale, Emma pardonne un écart de conduite à son petit copain, cautionnant le fait que le monde est dur et cruel, et qu’il vaudra toujours mieux casser des gueules à tout va que de se laisser faire comme des lopettes. Non seulement le film n’est pas féministe, mais en plus il est fasciste.

Note : 2/10

 

Charismata d’Andy Collier et Toor Mian

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Visiblement éméchés lors de le présentation du film, les réalisateurs et autres membres de l’équipe ont plongé dans la salle une ambiance favorable à la bonne réception de celui-ci. Ambiance qui n’a pu que retomber après coup, face à ce film assez plat se cherchant entre enquête à base de serial-killer, comédie cynique et salmigondis satanico-vaudou. La principale qualité du film est son actrice principale, Sarah Beck Mather, véritable révélation, hélas entourée d’affreux cabotins tentant de tirer la couverture à eux.

Note : 4/10

 

Le BIFFF se tient du 3 au 15 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2018 : Carnet de bord (jour 6)

En sa sixième journée d’activité, le BIFFF 2018 continue de proposer des œuvres à cheval entre genre et film d’auteur, et poursuit donc sa lancée réjouissante. Au programme, entre quelques produits de consommation courante : le nouveau Kim Ki-duk et un curieux film de vengeance emmené par un squatteur contorsionniste.

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El Habitante de Guillermo Amoedo

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Énième histoire de possession assortie d’un « home invasion », ce film mexicain sacrifie à pratiquement tous les clichés du genre. Baigné d’une tendance naturelle à la religiosité exacerbé, El Habitante se termine dans une grande séance étirée de prêchi-prêcha, avant un twist final calamiteux et téléphoné, enfonçant définitivement le clou de la lourdeur.

Note : 3/10

 

Freehold de Dominic Bridges

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Intrigante dans son installation, puis de plus en plus limpide, cette histoire de squatteur contorsionniste ayant décidé coûte que coûte de pourrir la vie d’un agent immobilier en lui salopant son appartement et sa vie tombe souvent dans le mauvais goût et se montre assez vite répétitif. Mais il se dégage tout de même du concept et du corps hors normes de l’acteur espagnol Javier Bottet (Mama, Ça) une étrangeté certaine qui englobe le film et le rend assez intéressant.

Note : 6,5/10

 

Human, Space, Time and Human de Kim Ki-duk

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Partageant sa filmographie à la fois entre films contemplatifs et incursions dans le genre, et entre apaisement relatif et déchaînements incontrôlés de misanthropie notoire, Kim Ki-duk est indubitablement difficile à suivre, mais tout aussi indubitablement un auteur assez majeur. Human, Space, Time and Human fait donc partie de ces films de la seconde catégorie (genre + misanthropie) et fait preuve d’un profond pessimisme, qui pourra en rebuter certains. Mais même si l’on n’est pas obligé d’adhérer à la vision de Kim Ki-duk de l’humanité et des comportements humains, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une vision d’auteur totalement jusqu’au-boutiste, que l’on aurait tort de rejeter en bloc et qui, relevant pleinement du domaine de l’allégorie, se départit peut-être même de la dérive misanthrope et voyeuriste qu’on lui accole un peu trop vite.

Note : 8/10

 

Mercy Christmas de Ryan Nelson

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Niveau amateur pour ce jeu de massacre de Noël, pénible nanar aux effets douteux et à l’interprétation catastrophique qui essaie de se faire passer pour une comédie noire volontairement décalée par l’entremise de l’utilisation calamiteuse d’une musique ringarde, mais peine à cacher le ratage complet qu’il constitue.

Note : 1,5/10

 

Crooked House de Gilles Paquet-Brenner

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Adaptation très fidèle dans son intrigue d’un des meilleurs romans d’Agatha Christie, mais ne réussissant que très rarement à restituer tout l’humour et l’ironie qui se cache derrière le style et les dialogues de l’auteur, Crooked House bénéficie d’un casting impressionnant de « has-been » vraisemblablement contents de cachetonner. Ce n’est pas déplaisant, loin de là, mais l’ennui finit par remplacer irréversiblement la relative bienveillance avec laquelle on regarde ce type d’objet propret.

Note : 4/10

 

The House of Disappeared de Dae-woong Lim

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Remake sud-coréen du vénézuélien La Casa del fin de los tiempos – vu au BIFFF lors de l’édition 2015 – The House of the Disappeared accompli l’exploit de transformer un film dans nos souvenirs plutôt efficace et intriguant en purge ennuyeuse et grandiloquente, noyée dans une musique envahissante et dans les effets éculés. Il est donc vivement conseillé de plutôt se tourner vers le film original, dont voici la critique : BIFFF 2015 – « La Casa del fin de los tiempos » d’Alejandro Hidalgo

Note : 2/10

 

Le BIFFF se tient du 3 au 15 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2018 : Carnet de bord (jour 5)

Et encore deux bons films à l’actif de cette édition 2018 décidément foisonnante et surprenante : le « teen-movie » fantastique Blue My Mind et le faux biopic de la femme la plus assassinée du monde – la reine du grand-guignol Paula Maxa –, sorte de miroir tendu par le BIFFF vers lui-même.

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Blue My Mind de Lisa Brühlmann

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Si le principe de traiter le thème des transformations adolescentes et de la découverte de la sexualité à travers un prisme fantastique n’est pas exactement nouveau et qu’il a pu donner de bonnes et de moins bonnes choses – l’exemple le plus récent étant le Grave de Julia Ducourneau –, le suisse allemand Blue My Mind parvient à apporter sa pierre à l’édifice, d’abord par la piste choisie quant à la transformation qui sera finalement celle de son héroïne, puis dans la relation entre celle-ci et un autre personnage de jeune fille, dont on ne sait d’abord pas bien s’il s’agit d’une antagoniste ou d’une alliée. Si le film n’échappe pas à l’une ou l’autre faute de goût – notamment dans sa propension douteuse à faire du sexe quelque chose de répugnant –, il finit par rendre justice à ses personnages et à aller jusqu’au bout de son programme de manière assez honnête.

Note : 7/10

 

The Lodgers de Brian O’Malley

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Quelque part entre Le Village et Les Autres, cette histoire de malédiction et de fantômes victoriens ne brille pas par son originalité mais réussi au moins là où a lamentablement échoué le Muse de Balagero, dans la mise en place de « règles » bien établies et d’un pacte plutôt bien dessiné. Au-delà de ça, le film de Brian O’Malley reste passablement ennuyeux.

Note : 4/10

 

La Femme la plus assassinée du monde de Franck Ribière

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Film de mise en abyme sur le théâtre de grand-guignol, questionnant de manière aussi pertinente qu’habile la place du spectateur et la condition de l’acteur, le premier film en tant que réalisateur du producteur Franck Ribière (Cell 211, La Meute, plusieurs films d’Alex de la Iglesia,…) mêle réflexion déguisée sur la fiction et polar gothique de manière ludique et vertigineuse. Le vertige fut également double lors de la projection au BIFFF puisque les conditions de réception spectatorielle décrites par le film sont exactement les mêmes que celles mises en place par le festival et ses habitués. Les « derrière toi », « n’y va pas » et autres exhortations du public dirigées vers des personnages de fiction eurent cette fois-ci cours à la fois dans la salle et sur l’écran. La Femme la plus assassinée du monde était donc en quelque sorte le film parfait pour le BIFFF, presque un film « sur » le BIFFF.

Note : 8/10

 

A Special Lady de An-kyu Lee

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Thriller coréen à base de gangsters retors, de coups de Trafalgar et de courses poursuites ennuyeuses, A Special Lady remplit vraiment le minimum syndical de ce qu’on attend d’un film de ce type, en termes de simple efficacité. Parfois incompréhensible, le film échoue en outre à créer des personnages forts et cohérents, à l’image de la « femme spéciale » du titre, qui n’a finalement de spécial que sa coiffure néo-punk.

Note : 3/10

 

Le BIFFF se tient du 3 au 15 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2018 : Carnet de bord (jour 4)

Entre quelques films conventionnels et/ou pas vraiment réussis, le BIFFF a de nouveau dégainé, en ce quatrième jour, deux belles cartouches : l’excellent nouveau film de John Cameron Mitchell, sélectionné au dernier Festival de Cannes, et l’étonnante première œuvre Dhogs, deux films déstabilisants mais envoûtants.

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Trench 11 de Leo Scherman

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Film de guerre horrifique à base de soldats mutants sous les tranchées de 14-18, Trench 11 souffre d’une esthétique impersonnelle, d’un manque de rythme évident et d’une absence d’enjeu lié également au déficit de charisme et d’intérêt des personnages. En résulte un petit bloc d’ennui compact, mauvais mais pas assez pour être drôle.

Note : 3/10

 

El año de la plagua (The Year of The Plague) de C. Martín Ferrera

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Ayant bien du mal à choisir entre comédie ou film d’épidémie plus sérieux, El año de la plaga est l’un de ces films en quête de personnalité, de singularité, mais qui n’atteint jamais son but. Se rêvant d’abord un Shaun of the Dead espagnol, le film s’achemine ensuite vers une version douteuse de L’Invasion des profanateurs de sépultures ou du Invasion Los Angeles de John Carpenter, avant de finir en eau de boudin, sans réelle conclusion digne de ce nom.

Note : 3/10

 

How to Talk to Girls at Parties de John Cameron Mitchell

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Traversé par une vague de libertarisme et de folie communicative conforme à l’esprit punk-rock londonien qu’il décrit, le nouveau John Cameron Mitchell est aussi jouissif qu’hybride et difficile à appréhender, par la richesse des thèmes et des affects qu’il déploie. Comédie foutraque, satire socio-sexuelle, teen-movie rétro-psychédélique, film de SF aux influences diverses et perverties – on peut y voir une version tordue de E.T. – …. Il est difficile de qualifier de manière juste et fidèle ce film multiple.

Note : 8/10

 

Dhogs d’Andrés Goteira

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Drôle de film que ce Dhogs, premier film de l’espagnol Andrés Goteira et sorte de mix improbable entre un film de festival misanthrope et moralisateur, une réflexion méta sur le rapport entre spectateur et voyeurisme, et un film de genre immersif et cru. À priori, Dhogs a tout pour nous rebuter mais finit par nous avoir par la maîtrise presque imparable de ce jeune réalisateur et par l’étrangeté envoûtante de certaines scènes ainsi que de son dispositif parfois abscons – pourquoi cette division en trois parties : Hogs, Dogs et Dhogs ? – mais vraiment original.

Note : 7/10

 

Muse de Jaume Balagueró

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Retour manqué à l’horreur classique pour Jaume Balagueró, qui se révèle finalement plus intéressant quand il marche dans les pas de son comparse Paco Plaza – avec la série des Rec – que quand il s’essaie au récit horrifique plus conventionnel à base de fantômes, de démons ou autres goules. Au-delà de son esthétique de téléfilm de luxe et de son montage tape-à-l’œil et infantilisant, Muse souffre d’un gros problème de « pacte spectatoriel ». Alors que le film ne cesse de brandir dans ses dialogues la caution des « règles » fantastiques qui régiraient son récit, ces fameuses règles ne sont en réalité jamais exposées clairement, de sorte qu’elles apparaissent toujours en cours de récit de façon grand-guignolesque. Contrairement à un Shyamalan qui pose clairement ses « règles » soit d’emblée, soit progressivement mais en suivant un code de dévoilement cohérent, Balagueró en est totalement incapable et s’avère donc être, outre un metteur en scène médiocre, un bien piètre narrateur.

Note : 3/10

 

Le BIFFF se tient du 3 au 15 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2018 : Carnet de bord (jour 3)

L’édition 2018 du BIFFF continue de surprendre de jour en jour et s’annonce d’ores et déjà comme un grand cru, avec notamment deux films de qualité : le britannique Double Date et le japonais Survival Family.

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Double Date de Benjamin Barfoot

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Comédie noire britannique mettant en scène deux gentils losers tombant dans les griffes de sœurs « mangeuses d’hommes » (au sens pratiquement littéral), le premier film de Benjamin Barfoot parvient, par ses dialogues parfois savoureux et les situations qu’il met en place, à se hisser dans le haut du panier du genre. Les personnages plutôt bien écrits et surtout leurs interprètes sont également pour beaucoup dans la sympathie que dégage Double Date, permettant à cette virée nocturne sans temps mort de s’acheminer vers un final plus grand guignolesque mais totalement conforme aux conventions du genre et au pacte posé préalablement par le film.

Note : 7/10

 

Flashburn de Giorgio Serafini

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Direct-to-VOD mettant en scène un has been flamboyant (Sean Patrick Flannery, jadis « Young Indiana Jones » dans la série du même nom), Flashburn utilise la recette bien connue du personnage enfermé dans un hangar clos et contraint par une mystérieuse personne de réussir une épreuve pour s’en sortir. Ici, le virologue Wes Nolan, souffrant en outre d’amnésie, doit trouver le remède à une épidémie mondiale qu’il a lui-même provoquée. Autant dire tout de suite que les apparences sont trompeuses…. Le double twist final n’est pas plus mauvais qu’un autre mais les dialogues explicatifs qui l’accompagnent le décrédibilise totalement. Au final, Flashburn est l’exemple parfait de ce qu’est une série B moyenne (pour ne pas dire médiocre) à petit budget.

Note : 3/10

 

Survival Family de Shinobu Yaguchi

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Du jour au lendemain, un blackout généralisé paralyse le monde entier, le privant d’électricité, de voitures, de portables…. Dans ce contexte déstabilisant, une famille tokyoïte décide de traverser le Japon en vélo, à la recherche d’électricité. Traversé de coups de génie et de morceaux de bravoure, mais surtout d’un humour assez mordant, le film s’ouvre aussi sur une satire sociale plutôt bien vue, dans laquelle la technologie est étroitement liée à une certaine forme d’asservissement et, indirectement, au travail. Lorsque les hommes actifs japonais sont privés de travail, c’est un peu tous les piliers de la société qui s’écroulent. Si Survival Family est donc assez riche de pistes et d’interprétations diverses, sa dernière demi-heure, plus conventionnelle, voire formatée, constitue une réelle déception, à la hauteur de la promesse que faisaient les trois premiers quarts du film.

Note : 7/10

 

I Kill Giants d’Anders Walter

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Adaptation d’un comics et surtout « rip-off » éhonté du déjà pas fameux Quelques minutes après minuit, I Kill Giants est une espèce de salmigondis psychologisant et larmoyant qui essaie de se faire passer pour un film à grand spectacle sur l’enfance. Le fin mot de l’histoire, ce qui se cache derrière cette fausse piste de chasseuse de géants, est prévisible depuis pratiquement le début du film, et le graphisme des fameux géants est plus que douteux. Il est à noter à cet égard que la majorité des effets ont été réalisés en Belgique, ce qui a permis à un ponte belge du genre – qui n’a même pas chanté, cela-dit en passant – de venir se vanter sur scène et de dire des grandes firmes d’images de synthèse, en gros : « ils ont le pognon, on a le talent ». Voilà, voilà….

Note : 2/10

 

Le BIFFF se tient du 3 au 15 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2018 : Carnet de bord (jours 1 et 2)

Bienvenue au BIFFF pour deux semaines de visionnage intensif, de bons (et de moins bons) films, d’ambiance survoltée et de Cuvée des Trolls. Ces deux premiers jours furent déjà fructueux et permirent une découverte : un réjouissant premier film espagnol.

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Marrowbone de Sergio G. Sánchez

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Un film de fantôme dans la lignée de L’Orphelinat ou Les Autres, suivant jusque dans les moindres détails les règles du genre, au point de paraître affreusement téléphoné à quiconque a vu plus d’un film du même acabit. Malgré tout, Marrowbone bénéficie d’un jeune casting homogène (dont l’excellente Anya Taylor-Joy, vue dans Split et The Witch) et reste largement regardable et plus ou moins agréable, moyennant un ennui intermittent, sa forme plus que classique lui conférant un aspect lisse mais pas dénué de charme.

Note : 5/10

 

Jungle de Greg McLean

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Depuis sa sortie de la saga Harry Potter, Daniel Radcliffe semble être dans un concours permanent avec lui-même, pour interpréter le rôle le plus improbable, le plus humiliant ou le plus avilissant. Après avoir fait le cadavre péteur dans Swiss Army Man, le voici donc en pseudo aventurier du pauvre, tout aminci, amoindri et claudiquant, dans un grand numéro de cabotinage hystérique. Sa performance est grotesque, mais peut-être pas autant que le film, sorte d’ersatz « cheap » de La Plage de Danny Boyle, déjà pas fameux en soi.

Note : 3/10

 

RIP de Caye Casa et Albert Pintó

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Présenté en avant-programme du long métrage Matar a Dios, ce court métrage de « Caye et Pintó » a eu le mérite d’installer l’univers de ses deux auteurs et de dérider la salle avant le plat de résistance, de par son humour noir et ses effets gore décomplexés, tout anecdotique soit-il.

Note : 5/10

 

Matar a Dios (Killing God) de Caye Casas et Albert Pintó

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Partant sur une idée de court métrage – Dieu, sous l’apparence d’un clochard de petite taille, donne l’opportunité aux quatre membres d’une famille dysfonctionnelle de choisir les deux survivants de la fin de l’humanité –, le premier long métrage de « Caye et Pintó » fait preuve de réelles qualités d’écriture et d’une habileté certaine à étirer son pitch « timbre poste » sur une heure et demi, par quelques cassures de rythme et autres revirements narratifs. Esthétiquement très inspirés par quelques aînés (dont Alex de la Igelsia ou encore Jean-Pierre Jeunet), les deux auteurs de Matar a Dios arrivent le plus souvent à se défaire de cette emprise référentielle et tombent plutôt dans un autre piège, celui d’une fin résonnant comme une « chute » – attention, double sens pour ceux qui ont vu le film – de petits malins, ramenant le film à ce qu’il avait réussi à faire oublier qu’il était en filigrane : un court étiré en long.

Note : 7/10

 

QEDA (Man Divided) de Max Kestner

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Dès les premières minutes, nous comprenons que ce film d’anticipation danois va être un long chemin de croix. Une succession de scènes superflues peine à masquer le manque d’inspiration criant d’un cinéaste incapable d’insuffler une dimension métaphysique dans sa mise en scène et son écriture. Man Divided s’offre ainsi comme un énième film de SF prétentieux qui se regarde brasser du vide. Si son ambition est louable, il est symptomatique de constater que ce genre de films ne parvient jamais à approcher une idée du Temps (ou un ressenti métaphysique) qui est pourtant leur sujet. (GR)

Note : 2/10

 

Downrange de Riûhei Kitamura

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Une bande de jeunes écervelés crèvent un pneu sur une route déserte et se retrouvent à la merci d’un sniper fou. Parsemé d’effets visuels douteux (mentions spéciales au maquilleur et au chef op, déchaînés), le royal nanar que constitue Downrange joui du casting le plus homogènement cataclysmique qui soit, réuni dans un grand concours de mimiques improbables et de gémissements impromptus. Cette particularité s’explique peut-être par la direction d’acteurs, le réalisateur Kitamura ayant peut-être demandé à ces jeunes comédiens américains de jouer comme des acteurs de soap japonais. Quoi qu’il en soit, le manque de rythme du film l’empêche d’accéder au rang de plaisir coupable au second degré, mais les commentaires plutôt inspirés des « bifffeurs » lors de la séance ont largement aidé à faire passer la pilule. À noter également : une fin des plus abruptes, cruelles et arbitraires, qui faute de sauver le naufrage que constitue Downrange, a le mérite de laisser le spectateur médusé sur une note sympathique.

Note : 2/10

 

Le BIFFF se tient du 3 au 15 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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Sorties Cinéma – 13/09/2017

Cette semaine marque le retour de Tom Cruise à du divertissement de qualité, celui de Michel Hazanavicius à la comédie de pastiche, et celui de Darren Aronofsky au grand n’importe quoi.

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American Made de Doug Liman

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Le personnage de Barry Seal est une sorte de pantin désarticulé, brinquebalé entre les intérêts de deux camps opposés, mais aussi aveuglé par le goût de l’adrénaline et l’appât du gain. Comme Maverick dans Top Gun, il est gouverné par cette idée – plus inconsciente, dans le cas présent – de vouloir toujours se dépasser, suivant le culte du « toujours plus haut, toujours plus fort » qui est à la fois le moteur et la malédiction de nombre de personnages de la fiction américaine. Mais (…) là où, dans Top Gun, Maverick échouait puis se relevait, pour revenir encore plus fort et déterminé, Barry Seal est un personnage qui se croit invincible mais finit par être rattrapé par des forces et des enjeux qui le dépassent. Ayant volé trop près du soleil, il est ainsi condamné à se brûler les ailes et à tomber.

Lire le texte complet

Note : 6,5/10

 

Le Redoutable de Michel Hazanavicius

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L’hommage pourrait apparaître comme un brin naïf, et il l’est forcément un petit peu, mais il participe de cette dialectique qu’installe le film entre une réelle admiration pour son sujet et une certaine irrévérence – quoique tout de même contrôlée – vis-à-vis du « monument » Godard. Car s’il ne fait aucun doute qu’Hazanavicius aime Godard cinéaste – ne serait-ce que par cette façon presque fétichiste de recréer des images –, il n’hésite également pas à le bousculer de toutes les manières possibles et imaginables : renversé et piétiné dans les manifestations de mai 68, hué et chahuté lors de meetings des étudiants communistes, ou encore à travers sa paire de lunettes, cassée à de nombreuses reprises. De là à ce que l’on puisse dire que le film utilise cette image des lunettes brisées pour remettre en question l’œil du cinéaste et le regard qu’il porte sur son art, il n’y a qu’un pas qui peut aisément être franchi.

Lire le texte complet sur Le Suricate Magazine

Note : 6,5/10

 

Mother! de Darren Aronofsky

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Le goût douteux de Darren Aronofsky pour la monstration de la souffrance et toute la martyrologie crapoteuse qui va avec ont une nouvelle occasion de s’exprimer à travers ce Mother!, sorte d’apogée de « l’art » du cinéaste. À part dans le paroxystique Requiem for a Dream, Aronofsky avait rarement atteint un tel degré de complaisance dans le petit théâtre misanthrope où il fait évoluer ses personnages. Associée à la lourdeur symboliste dont il est coutumier – érigée en dogme par l’épouvantable The Fountain –, cette tendance crypto-mystico-moraliste de l’auteur lui fait pondre avec Mother! un de ces films les plus pénibles, une expérience aussi éprouvante que creuse, dont la construction en diptyque ne fait qu’accentuer le radotage. Le film n’hésite en effet pas à asséner son discours abscons deux fois de suite, en infligeant à répétition l’envahissement de son espace personnel au personnage de madone « trash » incarné avec une conviction suicidaire par une Jennifer Lawrence tout en crises d’hystérie et en spasmes grimaçants.

Note : 2/10


BIFFF 2017 – Tops et flops

Le 35ème BIFFF s’est clôturé hier, après plus d’une centaine de projections. Sur cette quantité de films, il nous a été donné d’en voir une trentaine. Petit retour, donc, sur ce qui a été vu, le pire et le meilleur.

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Top 5 :

1/ Safe Neighborhood de Chris Peckover

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2/ The Limehouse Golem de Juan Carlos Medina

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3/ Vanishing Time : A Boy Who Returned d’Um Tae-hwa

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4/ Tarde para la ira de Raúl Arévalo

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5/ Tunnel de Kim Seong-hun

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Flop 3 :

1/ Secuestro (Boy Missing) de Mar Targarona

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2/ Eat Local de Jason Flemyng

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3/ Bloodlands de Steven Kastrissios

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Le BIFFF s’est tenu du 4 au 16 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2017 – Jours 11, 12 et 13

La fin du BIFFF fut calme – de notre côté – et pauvre en découvertes. Il faut dire que deux semaines de visionnages intensifs, de Troll et d’ambiance électrisante nous auront bien fatigué.

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Vendredi 14 avril

 

Will You Be There ? de Hong Ji-young

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En sachant que ce film coréen est adapté d’un roman de Guillaume Musso, on sait plus ou moins ce qu’on va y trouver, à savoir une romance, des bons sentiments et un peu de surnaturel – en l’occurrence un paradoxe temporel assez classique. Étant donné qu’il est difficile de rater totalement un film sur le voyage dans le temps – l’aspect ludique reprenant toujours le dessus sur la dimension de déjà-vu – Will You Be There ? est largement regardable, malgré les lourdeurs scénaristiques et de mise en scène, notamment un usage pénible des ralentis musicaux.

 

Samedi 15 avril

 

Prooi de Dick Maas

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Si un quelconque esprit malade sera tenté de voir dans cette série B hollandaise une parabole de la société se retournant contre ses citoyens – après tout, il s’agit bien d’un lion, emblème nationale, terrorisant les habitants d’Amsterdam –, la seule chose à y voir de fait est son effet spécial principal, ce lion en animatronique, particulièrement gratiné et ringard, qui prend un malin plaisir à décimer du mauvais acteur néerlandais. Parfois, il faut se contenter de peu….

 

Don’t Kill It de Mike Mendez

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Dans cette série B assumée et destinée au marché DVD et VOD, l’immarcescible Dolph Lundgren livre un combat sans merci à une entité antédiluvienne qui prend possession des corps pour répandre la mort. C’est assez laid visuellement, pas vraiment « fun », mais ça rempli le contrat de base, à savoir pas grand-chose.

 

Dimanche 16 avril

 

Storm : Letters van vuur de Dennis Bots

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La séance communautaire du BIFFF, réservée exclusivement aux jeunes enfants néerlandophones, puisqu’elle présentait un film familial en néerlandais sans sous-titres. On se demande donc bien pourquoi ce film-ci n’a pas été sous-titré, étant donné que tous les autres du festival l’ont été. Au-delà de ça, Storm est une aventure historico-enfantine à forte portée didactique sur le moyen-âge anversois et les écrits de Martin Luther. Ça ressemble comme deux gouttes d’eau aux petits films de l’Historium de Bruges (pour ceux qui l’ont visité – minute « private joke »).

 

Le BIFFF se tient du 4 au 16 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2017 – Palmarès

La 35ème édition du BIFFF s’est clôturée dimanche 16 avril par la remise des prix et la projection de The Bar d’Alex de la Iglesia. Le film Safe Neighborhood de Chris Peckover a obtenu la récompense suprême, le Corbeau d’Or, un prix amplement mérité.

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Prix de la critique : Tunnel de Kim Seong-hun

(Jury : David Hainaut, Marc Bussens et Olivier Clinckart)

 

Compétition 7ème Parallèle

(Jury : Lucile Poulain, Bénédicte Philippon, Xavier Seron et Aaron Christensen)

Prix du 7ème Parallèle : Swiss Army Man de Daniel Kwan et Daniel Scheinert

Mention spéciale : Saving Sally d’Avid Liongoren

 

Compétition Thriller

(Jury : Kody Kim, Jacques de Pierpont et Patrick Reynal)

Prix du Meilleur Thriller : At the End of the Tunnel de Rodrigo Grande

Mention spéciale : Free Fire de Ben Wheatley

 

Compétition européenne

(Jury : Khadija Leclère, Anne-Laure Guégan, Martin Vachiéry, Riton Liebman, Jean-Jacques Rausin et Sylvain Goldberg)

Méliès d’Argent : Small Town Killers d’Ole Bornebal

Mention spéciale : Orbiter 9 de Hatem Khraiche

 

Compétition internationale :

(Jury : Christina Lindberg, Mar Targarona, Macarena Gomez, Axelle Carolyn et Euzhan Palcy)

Corbeau d’Or : Safe Neighborhood de Chris Peckover

Corbeau d’Argent : The Mermaid de Stephen Chow et We Go On de Jesse Holland et Andy Mitton

Mention spéciale : Vanishing Time : A Boy Who Returned d’Um Tae-hwa

 

Prix du public : The Autopsy of Jane Doe d’André Øvredal

 

Le BIFFF se tient du 4 au 16 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2017 – « Replace » de Norbert Keil (pour/contre)

L’allemand Norbert Keil est un grand fan du BIFFF, au point d’y être resté pratiquement tout le long de cette 35ème édition, et surtout à celui de lui réserver la primeur de son film, présenté donc en première mondiale mardi passé au Palais des Beaux-Arts. Replace est un récit de dévoration et de régénération, une parabole sur la peur de vieillir et une histoire d’amour tordue. Mais c’est aussi à la fois un film d’horreur assez gore et une divagation auteurisante aux ambitions visuelles et thématiques quelque peu démesurées. Il fallait donc bien deux regards pour appréhender ce film multiple.

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Pour :

Derrière son côté arty déplaisant et poseur, le film essaie d’explorer une idée intéressante : celle de la dévoration des corps qui se présentent de manière éphémère au spectateur lorsqu’il regarde un film. Le personnage voit en effet sa peau sécher et vieillir prématurément. Pour suivre à la momification, elle se met en quête de la peau d’autres femmes. On pourrait ainsi y voir une métaphore de l’acteur de cinéma, condamné à disparaître et à s’envoler en poussière. Replace serait alors une tentative de déconstruire ce principe fondateur sauf que, malheureusement, le réalisateur ne semble pas tellement se poser les mêmes questions que nous et préfère faire tourner sa fable au grotesque. Replace nous aura au moins permis de rêver de ce film le temps de la projection. (Guillaume Richard)

 

Contre :

Curieux film que ce Replace, qui semble partagé entre deux volontés : celle de s’ancrer dans un cinéma « arty » à prétention esthétisante mais qui semble plus se baser sur des canons publicitaires ou clipesques que cinématographique, et celle de proposer un film de genre référencé avec une part de grand-guignolesque assumée. Dans les faits, le film est d’ailleurs clairement coupé en deux, le côté « arty » insupportable investissant nettement plus la première partie que la seconde, laquelle laisse plus de place au raté, à l’imperfection. Ce film sur la chair en putréfaction et le vieillissement accéléré voudrait bien faire penser à Cronenberg, mais n’y parvient que par ses thèmes, jamais par sa mise en scène ou sa photographie qui pousse à l’extrême la saturation des sources de lumières et les effets de voiles. Dans ce cas, trop de stylisation tue le style. (Thibaut Grégoire)

 

Le BIFFF se tient du 4 au 16 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2017 – Jours 9 et 10

Mercredi et jeudi, le BIFFF dégainait des grands classiques : un « found footage », un thriller espagnol, des vampires affamés, un « whodunit » londonien et un huis-clos oppressant.

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Mercredi 12 avril

 

Therapy de Nathan Ambrosioni

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Film amateur français mêlant un « found footage » à des scènes montrant les flics qui enquêtent sur ce qui a été filmé, Therapy a la particularité d’avoir été tourné sans budget par un jeune de 16 ans. Il n’y a donc aucune raison de taper contre cet objet forcément imparfait, comme l’ont pourtant fait des bifffeurs peu regardants quant à la sensibilité du jeune réalisateur présent dans la salle. Mais était-il vraiment nécessaire de le projeter ?

 

Secuestro (Boy Missing) de Mar Targarona

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Énième avatar de la ribambelle de thrillers espagnols interchangeables qu’égrène le festival de jour en jour, Secuestro est probablement le plus pénible, le plus mollasson, une sorte de cross-over entre Derrick et Perry Mason dont le twist final est censé être spectaculaire – au vu du cri grandiloquent que pousse l’héroïne juste avant le générique de fin – mais tombe terriblement à plat.

 

Eat Local de Jason Flemyng

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Et si on disait que c’étaient des vampires qui se réunissaient pour inclure dans leurs rangs une nouvelle recrue ? Et si on disait que nos vampires se faisaient assiéger par des militaires ? … C’est probablement comme ça qu’a été conçu le scénario de ce film d’horreur satirique qui ressemble à s’y méprendre à un spectacle de fin d’année, en moins drôle. On est typiquement là devant un film fait entre potes pour se marrer, et dont les vannes faciles ont très vite contenté leurs auteurs fiers de leurs bons mots ou de leurs gags de cour de récré. C’est vite écrit, vite mis en scène, vite joué, vite consommé, vite oublié. (TG) / De l’humour vaguement so british, mais surtout terriblement commun et rarement drôle. C’est certes fun par moments, mais tellement mal fichu et mal réalisé qu’on ne comprend pas très bien où veut en venir ce délire entre potes qui, sur papier, prétendait pourtant à autre chose, au vu du casting mobilisé. (GR)

 

Jeudi 13 avril

 

The Limehouse Golem de Juan Carlos Medina

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La description que fait The Limehouse Golem des bas-fonds londoniens, baignée d’une lumière diffuse et feutrée, recrée une ambiance digne de vieilles adaptations des aventures de Sherlock Holmes ou de divagations fictionnelles autour de Jack l’Éventreur. C’est cette dimension de roman de gare, voire même de « whodunit » qui domine dans ce film à la facture classique mais qui parvient de manière assez admirable à faire revivre au premier degré ce plaisir du récit à énigmes.

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The Autopsy of Jane Doe de André Øvredal

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Huis-clos à la morgue qui commence comme une enquête scientifique sur la mort d’un cadavre et finit en film horrifique grand-guignolesque sur une malédiction de sorcellerie. Le film pourrait être intriguant, voire surprenant dans son passage du réalisme sanguinolent au survival surnaturel, mais ne démarre jamais, se contente d’aligner les tunnels dialogués et de faire passer ses deux personnages de légistes pris au piège par toute une série de frayeurs fabriquées. L’impression qui domine après la vision est celle d’avoir assisté à la version étirée d’un épisode moyen d’une quelconque anthologie de l’horreur en perte de vitesse.

 

(Merci à Guillaume Richard pour sa contribution)

 

Le BIFFF se tient du 4 au 16 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

Plus d’infos sur le site du BIFFF


BIFFF 2017 – « The Limehouse Golem » de Juan Carlos Medina

Dans le Londres de la fin du XVIIIe siècle, un tueur en série perpètre des meurtres tellement horribles que la rumeur l’assimile à un monstre légendaire, le Golem. Dans ce contexte tendu, Scotland Yard envoie au casse-pipe l’inspecteur Kildare, un détective assez âgé dont c’est la première affaire de meurtre, pour succéder à un confrère qui a échoué dans sa tâche de débusquer l’assassin. Lors de ses investigations, Kildare est intrigué par l’histoire de Lizzie Cree, accusée d’avoir empoisonné son mari, lequel était un suspect sérieux dans l’affaire du Golem.

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Le film de Juan Carlos Medina alterne donc la ligne narrative de l’enquête menée par Kildare (Bill Nighy) et son adjoint avec de longues et nombreuses séquences en flashback, retraçant le parcours de Lizzie Cree dans les milieux de saltimbanques où gravitaient feu son mari ainsi que toute une série d’individus plus suspects les uns que les autres. Cette description des bas-fonds londoniens, baignée d’une lumière diffuse et feutrée, recrée une ambiance digne de vieilles adaptations des aventures de Sherlock Holmes ou de divagations fictionnelles autour de Jack l’Éventreur.

C’est cette dimension de roman de gare, voire même de « whodunit » qui domine dans ce film à la facture classique mais qui parvient de manière assez admirable à faire revivre au premier degré ce plaisir du récit à énigmes. Certains trouveront aussi probablement de l’intérêt aux allusions féministes un peu trop ostentatoires et à propos pour être honnêtes, ainsi qu’un aspect gay-friendly pas vraiment développé – Kildare est décrit comme « pas à marier », et son adjoint n’en est pas loin non plus –, mais c’est vraiment l’aspect de divertissement « à l’ancienne » qu’il faut retenir d’un film dont l’ambition ne semble pas non plus porter plus loin.

Les allusions historico-culturelles en forme de clins d’œil, dont l’intervention dans l’intrigue de Karl Marx ou encore de l’écrivain George Gissing, vont également dans le sens de cette lecture pleinement ludique du film, qui ne se prive d’ailleurs pas de jouer avec son spectateur et de l’inciter à réfléchir par lui-même, en multipliant les points de vue et en remettant sans cesse en question la véracité de flashbacks qu’il a d’abord pris pour argent comptant. Si la révélation du tueur apparaîtra dès lors comme prévisible à celui qui aura bien suivi toutes les tergiversations narratives et le système visuel du film, la scène finale le surprendra une dernière fois en faisant intervenir, le temps de quelques secondes, une dimension surnaturelle qui n’était pas présente auparavant.

Thibaut Grégoire

 

Le BIFFF se tient du 4 au 16 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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