Critique et analyse cinématographique

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Sorties Cinéma – 20/06/2018

Une fois n’est pas coutume, c’est dans les chemins balisés et les reprises de formes et de figures institutionnelles qu’il faut cette semaine aller chercher pour trouver quelque chose à se mettre sous la dent. La rom-com américaine intègre enfin un jeune héros homosexuel dans sa mécanique bien huilée et Bruno Podalydès trouve son bonheur dans un univers suranné mais écrin parfait pour son cinéma comico-poétique.

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Love, Simon de Greg Berlanti

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Au-delà de l’aspect « mainstream » de cette comédie romantique aux rebondissements attendus et aux bons sentiments en rafales, c’est sa manière d’intégrer comme ressort principal et déterminant l’homosexualité de son personnage principal qui interpelle. Plus qu’un film à sujet qui s’imposerait des limites par rapport à ce que son auteur jugerait conforme à « la réalité des choses », ce « feel-good movie » de studio, reprenant sans reculs tous les clichés et archétypes du genre, mais dont le protagoniste principal se trouve être un adolescent homosexuel, entérine complètement l’entrée du héros positif homosexuel dans un cadre de divertissement grand public, de consommation courante. Love, Simon apparaît donc comme la dernière étape d’une intégration définitive de l’homosexualité au sein des normes hollywoodiennes.

Note : 6/10

 

Bécassine de Bruno Podalydès

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D’une base et d’un personnage ayant à ce point vieilli, aussi bien esthétiquement qu’idéologiquement, on pouvait craindre le pire concernant une adaptation cinématographique qui semblait être uniquement guidée par des impératifs commerciaux et d’air du temps, en pleine vague d’adaptations à tout va de BD francophones. Mais la reprise à son compte par Bruno Podalydès de cet univers dépassé et les transformations qu’il y opère afin de le rendre conforme à son cinéma comico-poétique se révèlent payantes. Chez Podalydès, Bécassine n’a de la bécasse que le nom et la bienveillance amusée avec laquelle le cinéaste la traite, ainsi que la globalité de cet univers suranné, font du film une comédie à la fois burlesque et humaine, positive sans être niaise.

Note : 6/10

 

Une prière avant l’aube de Jean-Stéphane Sauvaire

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En adaptant à l’écran le livre autobiographique de Billy Moore, retraçant son expérience en tant que détenu dans les prisons thaïlandaises, Jean-Stéphane Sauvaire tend à proposer un cinéma immersif, plongeant son personnage principal et son spectateur au centre même des plans et de l’action, ne laissant aucun répit ni à l’un ni à l’autre. Cette manière de procéder constitue à la fois la force et la faiblesse du film : force parce que le filmage et la mise en scène, collant à la peau et à la sueur des personnages – notamment dans les scènes de combats ou d’échauffourées – contraignent pour ainsi dire à ne pas perdre une miette du film, à être constamment « la tête sous l’eau », sans échappatoire possible ; faiblesse parce que l’on peut considérer cette démarche comme totalitaire, ne laissant aucune place à la distanciation du spectateur, donc à la réflexion.

La critique sur Le Suricate Magazine

Note : 4,5/10

 

Agatha, ma voisine détective de Karla von Bengtson

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Esthétique épurée et scénario explicatif pour ce dessin animé à destination du très jeune public. Quelques digressions poétiques affleurent – le lézard parlant – et quelques descriptions du monde de l’enfance font mouche, mais le film n’arrive malgré tout pas à se départir de cette impression qu’il prend parfois les enfants pour plus idiots qu’ils ne sont.

Note : 4,5/10


FIFF 2017 – « M » de Sara Forestier

Présenté à la dernière Mostra de Venise et apparemment mal accueilli par une grande partie de la critique française accréditée, le premier film de Sara Forestier mérite mieux que le mépris qu’il semble destiné à subir, et pose la question de la générosité que mettent les nouveaux cinéastes dans un premier film. Jugé avec des grilles de lectures biaisées par les habitus de la critique et le passif de l’actrice-réalisatrice, M a vite fait d’être catégorisé comme film « gentil » ou melting-pot indigeste, mais l’implication qu’il recèle et sa manière de ne pas s’attacher aux conventions lui confèrent un charme certain, au-delà de faiblesses évidentes mais parfois touchantes.

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Si l’on veut rester dans une attitude cynique envers l’objet qu’est le film et l’image de son actrice-réalisatrice, on peut s’aventurer à ironiser sur l’éclair de lucidité dont a été frappé Sara Forestier de s’auto-attribuer un rôle d’abord muet, puis en rapports conflictuels avec la parole, tant les prestations débridées et souvent criardes de l’actrice ont pu nous excéder par le passé. C’est le sentiment qui domine lors des premières minutes du film, lorsque l’on découvre une Sara Forestier empêchée, souffrant de ne pas pouvoir s’exprimer. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’on est frappé par la performance quasi-muette d’un acteur autrement pas forcément apprécié, mais les fois précédentes, il s’agissait de Sean Penn ou de Ben Affleck, tous les deux dirigés par Terrence Malick, lequel avait probablement saisi quelque chose de leurs capacités d’acteurs et de la manière de les transcender. Dans le cas présent, et dans la mesure où elle se dirige elle-même, Sara Forestier n’atteint en rien ce niveau d’épure puisque, ainsi privée d’un moyen d’expression, elle ne fait qu’accentuer le (sur)jeu facial et les minauderies maniérées.

Ceci dit, l’intention de se brider est louable puisqu’elle se fera aussi en faveur de l’acteur qui lui donne la réplique et qui, du coup, prend l’ascendant sur elle en termes de présence physique. Le fait de mettre en avant un acteur inconnu (Redouanne Harjane) – au point de le faire passer avant elle dès le générique d’ouverture – est un de ces actes de générosité au cœur du film, et se traduit jusque dans la construction de celui-ci. Alors que, dans la première partie, le centre de l’attention est le personnage de Lila, incarné par Sara Forestier – celui de Mo, incarné par Harjane, étant alors un adjuvant, une sorte de pygmalion bienveillant – la situation s’inverse dans la deuxième partie, et Mo devient imperceptiblement le sujet du film. Si la première est bègue et butte sur les mots de manière directe, le second est analphabète et n’a même pas accès aux bases pour les aborder. Si le parallèle entre ces deux empêchements, et leur mise en rapport à travers une histoire d’amour, conduit parfois – et particulièrement vers la fin du film – à des excès de signifiance et à une lourdeur empreinte de naïveté, il n’en établit pas moins le projet que dessine le film : saisir la complexité de l’accès aux mots et à la parole.

Ce thème en vaut bien un autre et la manière instinctive dont il est abordé par Forestier est potentiellement plus intéressante – ou pour le moins tout aussi valable – que celle d’un cinéaste à sujet qui ferait un film dessus comme on fait une thèse. D’autant plus que M est émaillé de petites bizarreries qui le font dévier du chemin tout tracé de « feel-good movie » qu’il pourrait emprunter, telle des scènes assez inattendues avec une petite fille, la jeune sœur de Lila, qui vont à contre-courant de ce que l’on pourrait redouter de l’intervention d’un tel personnage au sein d’une histoire comme celle-ci. De la même manière, si l’on peut initialement être surpris de voir Sara Forestier incarner un personnage d’adolescente en dernière année de lycée, cela prend tout son sens lorsqu’on découvre Jean-Pierre Léaud dans le rôle de son père. Clairement, la démarche de Forestier est de ne pas s’attacher aux conventions, y compris celles de l’âge, qui sclérosent un cinéma esclave de la vraisemblance. Et il se trouve que, en l’occurrence, ce choix prend une dimension presque méta sur les emplois au cinéma et la figure de l’acteur en prise avec son passif mythologique et le contact concret avec le présent.

Thibaut Grégoire

 

Le FIFF se tient à du 29 septembre au 6 novembre à Namur

Plus d’infos sur le site du FIFF


« Sleeping with Other People » de Leslye Headland : Trash rom-com

Après avoir vogué sur le succès de Bridesmaids avec son premier film – Bachelorette, comédie trash de filles – Leslye Headland s’essaie à la comédie romantique en n’oubliant pas d’y ajouter la touche « Apatow », histoire de corser un peu une recette éculée.

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Car sous son déguisement de comédie new-yorkaise décomplexée, Sleeping with Other People ne fait que resservir la bonne vieille rengaine du « ils sont faits l’un pour l’autre », qui a fait les belles heures de la screwball comedy et celles moins avouables de la « rom-com » des années 90-2000, toujours plus nunuche jusqu’à atteindre le point de non-retour.

Ici, le couple qui se cherche est constitué de Jake et de Lainey, qui ont perdu ensemble leur virginité à l’université avant de se perdre de vue pendant 12 ans. Lors de leurs retrouvailles à New York, ils se découvrent chacun dans une situation sentimentale déplorable, sex-addict pour l’un, dépendante affective pour l’autre. Entamant une relation platonique, ils tentent de s’aider mutuellement dans leur quête de l’amour, sans se rendre compte que c’est de l’un l’autre qu’ils tombent imperceptiblement amoureux.

Le film essaie de jouer sur les deux tableaux en misant sur des dialogues crus pour dissimuler l’enjeu somme toute convenu et traditionnel du scénario : réussir à retarder le plus possible le moment où les deux héros se rendront compte qu’ils sont faits pour se mettre ensemble. C’est tout le problème du tout-venant de ce type de comédies américaines. Bien qu’elles se veulent inscrites dans l’ère du temps et qu’elles ne rechignent jamais à parler de sexe de manière très explicite, elles baignent toujours dans les mêmes valeurs et les mêmes stéréotypes que leurs modèles ancestraux, à savoir la sacralité d’un couple amoureux et fidèle.

Sleeping with Other People expose d’ailleurs son ambivalence par le décalage qui existe entre son dialogue très « cash » et sa frilosité à dépeindre de manière graphique des relations sexuelles. Si l’on voulait s’exprimer de façon aussi directe que le film sur sa démarche, on dirait : « que de la gueule ! ». En dehors de cette pudibonderie cachée, Sleeping with Other People pâtit également d’un couple de stars inégal, Alison Brie emportant constamment le morceau face à un Jason Sudeikis d’une grande fadeur, mal casté en séducteur au cœur tendre.

Thibaut Grégoire

 

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BIFFF 2015 – Jour 10

Alors qu’il ne reste plus que trois jours à passer dans ce BIFFF 2015, c’est un film américain (et hors-compétitions) qui retient notre attention en ce jeudi.

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Young Ones de Jake Paltrow

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Mêlant science-fiction anticipative et saga familliale “westernienne”, le deuxième long métrage de Jake Paltrow (frère de Gwyneth Paltrow) propose quelques visions de cinéma et un certain souffle épique, malgré des défauts et une tendance à céder aux facilités des normes « indé » américaines.

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Note : 7/10

 

L’Altra frontera d’André Cruz Shiraiwa

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Des réfugiés de guerre se voient mis en compétition dans une téléréalité afin d’obtenir leur carte de séjour. Si le film se laisse suivre par le système narratif qu’implique son concept de base – niveaux à passer, scène de confessionnal, … – son discours reste néanmoins incroyablement naïf et facile. On n’est en effet pas loin de saillies du style « la guerre, c’est pas bien», « la téléréalité c’est mal », etc. De plus, le fait de créer un suspense sur le sort des réfugiés – même avec une volonté de dénonciation – reste problématique.

Note : 4,5/10

 

The Infinite Man de Hugh Sullivan

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Encore une histoire de boucles temporelles calquée sur un prétexte de comédie romantique – façon Un jour sans fin, About Time, etc. – mais cette fois-ci avec un très petit budget et dans le décor minimaliste d’un hôtel délabré au milieu du désert. Les personnages – et les acteurs – sont ici tous insupportables et rendent le film quasiment irregardable. Il est presque impossible de rater un film sur des voyages dans le temps, mais c’est chose faite avec The Infinite Man.

Note : 3,5/10

 

The Forgotten d’Oliver Frampton

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Ce film britannique tente d’inscrire une histoire de hantise dans le cadre d’un cinéma social à la Ken Loach. Cet aspect réaliste est bien calqué sur des modèles préexistants et ne parvient jamais à acquérir un tant soit peu d’ampleur, tandis que le côté fantastique est lui aussi extrêmement convenu. La manière dont tous les personnages du film sont impliqués de près ou de loin dans le mystère qui entoure l’appartement hanté, au centre du film, est par ailleurs tout simplement abracadabrante.

Note : 4/10

 

Le BIFFF se déroule du 7 au 19 avril, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

Plus d’infos sur le site du BIFFF


« Toute première fois » de Noémie Saglio et Maxime Govare : Éloge de la normalité

Premier long métrage de cinéma de Noémie Saglio et Maxime Govare – qui ont fait leurs armes à Canal Plus – Toute première fois porte bien son titre puisqu’il est aussi le premier film français intégrant un mariage gay dans la mécanique de son scénario. Mais ce vaudeville tendant vers la comédie romantique aspire à prendre le problème à rebours, afin de se faire passer pour plus malin qu’il n’est.

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Quand Jérémie, 34 ans, se réveille un matin aux côtés d’une charmante suédoise, sa vie se voit bouleversée car il est sur le point de se marier avec un homme et assume son homosexualité depuis l’âge de quinze ans. Déchiré entre l’amour qu’il porte à son futur mari et le trouble de plus en plus grand qu’il éprouve pour la jeune femme, il se retrouve pris dans un engrenage de mensonges et de faux semblants, entraîné par son meilleur ami Charles, hétéro beauf par excellence.

On a bien compris que l’ambition de Toute première fois est de prendre son sujet à l’envers afin d’en faire une base de comédie, à savoir poser l’homosexualité comme la norme pour le personnage principal, et l’hétérosexualité comme la question taboue. Le film passe d’ailleurs en revue tous les passages obligés de l’acceptation de sa sexualité, des interrogations quant à l’attirance qu’éprouve Jérémie pour une femme à l’angoisse suite à une première fois mal assumée, en passant par l’inévitable coming-out inversé devant une famille catastrophée d’apprendre que le fils « différent » qui faisait leur fierté est finalement comme tout le monde.

C’est d’ailleurs précisément ce dispositif – idée de scénariste roublard qui croit avoir inventé la poudre – qui constitue la tare principale de Toute première fois puisque, au lieu de porter un regard neuf sur une problématique vaste et complexe, il dérive sur une espèce d’éloge de la normalité, dans lequel le but ultime serait malgré tout de fonder une famille traditionnelle et de ne pas dépasser du cadre. Si l’on peut a priori mettre à l’actif du film sa volonté de représenter des homosexuels qui ne seraient absolument pas maniérés et se comporteraient en couple comme de vieux copains, cette démarche finit également par poser question. Car ce que dit le film au bout du compte, c’est que les homos ne sont en fait ni plus ni moins que des hétéros comme les autres. Dans cet aplanissement de l’homosexualité, il n’y a donc plus de place pour la différence, pour la revendication ou tout simplement pour l’affirmation d’une identité.

Au-delà de ces considérations, on peut également penser qu’un film français dont le principal enjeu est de savoir si, oui ou non, son protagoniste doit épouser un autre homme ne passe pas forcément le bon message dans un pays qui vient d’adopter le mariage gay, non sans polémiques. Et les questions idiotes de l’ami hétéro caricatural, du style « Quand on est homo, comment est-ce qu’on sait si on est actif ou passif ? », ne font qu’accentuer le malaise. C’est comme si les auteurs/réalisateurs refusaient de se couper d’un public pas forcément ouvert d’esprit et qui ne serait amené à accepter la question de l’homosexualité dans une comédie qu’à travers un prisme 100% hétéro.

Après ces réflexions d’ordre éthique plus que cinématographique, il faut également dire que le scénario d’apparence si bien huilé de Toute première fois ne fonctionne malheureusement pas, que les grosses ficelles qu’il emprunte au théâtre de boulevard rendent les rares rebondissements prévisibles à des kilomètres et que la réalisation toute en champs contre-champs et en éclairages de sitcom ne relève pas le niveau. Il est assez douloureux de constater qu’un premier film de cinéma soit aussi peu enclin à profiter des spécificités de son média et à en exploiter toutes les possibilités. Pas sûr que la récente récompense obtenue par le film au Festival de l’Alpe d’Huez soit une bonne nouvelle pour l’avenir de la comédie française.

Thibaut Grégoire

 

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Sorties Cinéma – 17/12/2014

Au delà du matraquage médiatique autour d’un blockbuster hollywoodien, ou de l’unanimité critique autour d’un film d’auteur très « world cinema », il faut parfois chercher dans les petites sorties, a priori insignifiantes, pour trouver satisfaction.

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Dumb and Dumber To de Bobby et Peter Farrelly

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Ce retour aux sources des frères Farrelly à un humour régressif et totalement gratuit apporte un vent de fraîcheur politiquement incorrect dans la comédie US, tout en renvoyant à l’insouciance du premier volet. Les personnages de déphasés sociaux, interprétés par les géniaux Jim Carrey et Jeff Daniels, semblent sortis tout droit de l’enfance, et le décalage entre leur aspect physique et leur âge mental amènent une dimension nostalgique inattendue.

Note : 7/10

 

Love, Rosie de Christian Ditter

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Comédie romantique de facture très classique, cette adaptation d’un roman à l’eau de rose de Cécilia Ahern repose essentiellement sur le charme de son couple vedette et tire bien parti de son suspense sentimental, enrobé par un montage rythmé et efficace. Sympathique mais anecdotique !

Note : 6/10

 

Timbuktu d’Aberrahmane Sissako

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Présenté en mai dernier à Cannes où il fut louangé par la critique mais duquel il partit sans prix, Timbuktu fait partie de ces films dont on se sent d’emblée obligé d’adhérer au message. Décrivant le joug sous lequel se trouve Tombouctou, régit par les lois absurdes des intégristes, le film oscille sans cesse entre vrais moments de cinéma et démonstration appuyée.

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Note : 5,5/10

 

La Famille Bélier d’Éric Lartigau

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Porté par les interprétations solides de François Damiens et Karin Viard, La Famille Bélier est, comme le suggère son titre, une comédie familiale, pleine de bons sentiments et de bonnes intentions, sur l’émancipation d’une adolescente « entendante » de sa famille sourde-muette. Le tout est noyé dans lea musique de Michel Sardou – la jeune fille, jouée par Louane Emera (ex-The Voice), est promise à un brillant avenir de chanteuse – et sombre donc dans une inévitable ringardise, malgré quelques belles scènes, convenues mais efficaces.

Note : 4,5/10

 

Exodus : Gods and Kings de Ridley Scott

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A peine sauvée par quelques morceaux de bravoure – les plaies d’Égypte en 3D – cette nouvelle élucubration sur Moïse, l’exode et les dix commandements, mise sur un aplanissement et une démythification des récits bibliques. Pas sûr que cette démarche soit la bonne, à part pour renforcer les certitudes de certains. La propension du film au déguisement douteux – américains grimés afin de passer pour des Égyptiens – et sa vision a posteriori de l’histoire le rende dangereusement ambigu.

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Note : 3,5/10


Sorties Cinéma – 03/12/2014

Grosse semaine de sorties mais peu de chefs-d’œuvre à l’arrivée : le film hongrois White God tire son épingle du jeu.

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White God de Kornel Mundruczó

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Prix Un Certain Regard à Cannes, White God est séduisant à plus d’un titre, d’abord parce qu’il apparaît comme à part dans la filmographie de son réalisateur, le hongrois Kornel Mundruczó, et surtout parce qu’il fait tenir des arguments de film d’auteur dans un habillage de film de genre, sans jamais clairement se positionner d’un côté ou de l’autre.

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Note : 8/10

 

Les Pingouins de Madagascar de Simon J. Smith et Eric Darnell

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Porté par un humour décalé des plus efficaces, le spin-off de Madagascar reste sur la lignée du troisième volet, le meilleur de la série. Malheureusement, le scénario et la folie s’essoufflent dans le dernier tiers, assez poussif, et le film reste donc sur une note dissonante.

Note : 5,5/10

 

La French de Cédric Jimenez

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Dujardin et Lellouche se prennent pour Ventura et Delon dans un film de gangsters à la française qui voudrait bien faire du Scorsese ou du Friedkin, mais parvient tout juste au niveau d’un téléfilm regardable, sans plus.

Note : 5/10

 

Two Night Stand de Max Nichols

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Pour son premier film, le fils de Mike Nichols livre une comédie romantique classique, à peine épicée par quelques propos salés et une scène de sexe un peu plus graphique que la moyenne. Cela ne fait malheureusement pas un film, malgré la bonne volonté des deux jeunes comédiens, Miles Teller et Analeigh Tipton.

Note : 4/10

 

Jessabelle de Kevin Greutert

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Envoûtement et hantise dans le Bayou pour ce film d’horreur très convenu et sans rythme, dont la surprise finale, à la fois explicative et expéditive, tombe comme un cheveu sur la soupe.

Note : 4/10

 

Paddington de Paul King

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Incompréhensiblement encensé par toute une partie de la critique paresseuse, Paddington est une adaptation de plus d’un livre pour enfants du patrimoine britannique, faite d’hymne à la tolérance et d’éloge du noyau familial. Rien ne déborde dans ce déluge de bons sentiments pathologiquement « mignon ». Avec ce type de divertissement d’un autre âge, petits et grands peuvent continuer à bêtifier en cœur, dans un grand élan de conservatisme déguisé.

Note : 3/10

 

Retour à Ithaque de Laurent Cantet

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Cantet filme un huis-clos à ciel ouvert à Cuba, et livre un de ses plus mauvais films : du théâtre filmé bavard et roublard, dans lequel l’intelligentsia cubaine se lamente sur ses illusions perdues. Crispant !

Note : 3/10

 

My Old Lady d’Israel Horovitz

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Quand un dramaturge américain réalise lui-même l’adaptation d’une de ses pièces, à Paris, avec des influences et des acteurs britanniques, il ne faut pas s’étonner de tomber sur du théâtre filmé de bas-étage, sans la moindre ambition cinématographique, et reposant sur quelques révélations fumeuses et autres éclats de voix démonstratifs.

Note : 3/10


« Situation amoureuse : c’est compliqué » de Manu Payet et Rodolphe Lauga : Éternelle adolescence

Dans le paysage global de la comédie populaire française, la tentative de Manu Payet se révèle bien plus réussie que la moyenne d’une production dominée par des impératifs télévisuels et complexée par l’exemple américain, qu’elle semble constamment regarder comme une sorte de Graal inatteignable. S’il puise bien ses influences dans la comédie romantique US et l’école Apatow, Payet semble les avoir mieux digérées que ses congénères et sort un film à l’écriture précise et à l’arrière-fond mélancolique.

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L’acteur-réalisateur incarne Ben, un trentenaire sur le point de se marier mais incapable de prendre lui-même des responsabilités. Les plans qu’il a laissé les autres tracer pour lui se voient quelque peu bouleversés lorsque débarque son amour d’adolescence, à qui il n’a jamais osé révéler sa flamme. La prémisse est certes attendue, et les premières minutes du film, rythmées par une voix-off qui joue la carte de la complicité avec le spectateur, conforte dans l’idée que l’on se trouve là devant une comédie « à l’américaine » de plus.

Mais c’est aussi dans ces premières répliques, dans les gags furtifs et la tendresse discrète de cette introduction, que le film capte l’attention et s’inscrit dans une relation de sympathie non-commerçante avec son spectateur. On est donc purement ici dans un cinéma de divertissement, qui repose entièrement sur ses personnages et ses dialogues. La mise en scène illustrative – mais malgré tout élégante (pas trop de gros plans…) – s’efface derrière le scénario, ou plus précisément l’écriture, la justesse de ton que le film s’est trouvé. Si le film rayonne, c’est bien grâce à un équilibre instable, une dynamique d’ensemble dans laquelle chaque acteur – y compris les femmes, d’habitude négligée dans les comédies d’hommes – apporte sa contribution et a son quart d’heure de gloire, grâce à des rôles bien écrits et définis.

Dans cette comédie générationnelle, dont le ciment est fait d’expériences et de références communes à ceux qui la font et ceux qui la voient, Manu Payet campe un éternel adolescent que la mélancolie et la nostalgie poussent dans des retranchements et des situations qu’il n’a pas vu venir. C’est encore une fois par l’écriture et les trouvailles scénaristiques qu’il crée le trouble autour de lui-même. C’est dans les rencontres avec d’autres personnages, dans les regards qu’il porte et qui lui sont portés, dans ses attitudes et son rapport au corps qu’il opère une connexion avec son spectateur, sans en faire des tonnes ni non plus jouer l’introspection. Il est un peu comme un personnage de dessin animé en chair et en os, qui cristallise toutes les réminiscences d’un imaginaire collectif de l’adolescence.

Thibaut Grégoire


Interview d’Emmanuel Mouret pour « L’Art d’aimer »

L’Art d’aimer est le dernier long métrage en date d’Emmanuel Mouret. Nous avions rencontré le cinéaste lors de son passage au Festival de Namur….

Comment est né le projet de ce film ?

La naissance d’un film est toujours quelque chose de difficile à résumé. L’idée de départ, c’est le titre du film, L’Art d’aimer. Je voulais reprendre ce titre célèbre du manuel d’Ovide pour rassembler différentes histoires autour du couple et du désir, et que ce titre fédère des histoires différentes, impliquant des générations différentes. J’avais plusieurs histoires qui traînaient dans mes carnets, dont certaines étaient des idées de longs métrages et je me suis rendu compte qu’il n’y avait que des moments particuliers qui m’intéressaient dans ces histoires. Je suis donc parti sur l’idée de les rassembler et d’en faire une sorte de film-choral. J’ai voulu me situer à mi-chemin entre le film à sketches et le film-choral à proprement parler. C’est une forme un peu particulière.

Pourrait-on comparer ce film à un recueil de nouvelles ?

D’une certaine manière, dans le sens où toutes ces histoires vont à l’essentiel de ce qu’elles développent. Comme des nouvelles, elles vont vite au cœur des choses. Mais c’est également différent, car il y a d’autres formes. Il y a des histoires qui sont en feuilleton, il y a des personnages que l’on retrouve d’une histoire à l’autre, etc. Donc, oui et non.

Le titre, emprunté Ovide, est celui d’un traité sur l’amour. Pensez-vous que l’amour  a des lois, et que vous en exposez quelques-unes dans le film ?

Le film s’amuse avec cette idée du manuel d’Ovide, dont chaque chapitre commence par un aphorisme, un conseil ou une maxime. Mais dans l’ouvrage d’Ovide, il y a des conseils destinés aux amoureux, tandis que dans mon film, les personnages ne sont pas les artisans de l’amour. C’est l’amour qui se joue d’eux. Chaque histoire est l’histoire d’un échec, mais d’un échec heureux. Ce n’est pas ce que voulaient les personnages, mais ce qui arrive est peut être mieux que ce qu’ils voulaient. Donc non, je ne pense pas que le film donne des conseils. L’amour est un domaine dans lequel il serait très présomptueux de vouloir sortir des lois ou donner des conseils.

Comment avez-vous abordé cette notion de film-choral dont vous parliez?

J’ai effectué un travail formel à partir des différentes histoires que j’avais, afin de les rendre variées. J’ai par exemple varié les âges de personnages, les natures de comédiens, les décors, même si tout se passe à Paris. Cela a été une recherche de contrastes, qui sont parfois presque imperceptibles. Concernant l’écriture, je me suis laissé aller au fil des histoires, et je pense que ce sont les comédiens qui ont apporté des contrastes, plus que mon écriture.

Les histoires ont-elles évolué en cours d’écriture, en termes de longueur, d’importance,… ?

Oui, il y a même des histoires qui ont été supprimées. Comme j’allais directement au cœur des histoires, je voulais un film sans temps morts. Je me suis imposé ce principe de ne pas prendre de détour, d’aller directement à l’essentiel. La voix-off permet, en cela, d’aller d’un point A à un point B, sans prendre de chemins détournés. Il y a donc eu un travail important pour rendre le film le plus dense et le plus rythmé possible.

Comment s’est fait le choix des comédiens ?

D’habitude, mes films tournent autour de trois ou quatre personnages principaux. Ici, il y avait au moins une douzaine de personnages qui avaient une importance égale, ce qui était très plaisant. Cela m’a donc permit à la fois de retravailler avec des acteurs que je connaissais bien, comme Judith Godrèche, Arianne Ascaride, ou Frédérique Bel, et également de découvrir dans le travail des acteurs comme François Cluzet, Julie Depardieu, Gaspard Ulliel, et bien d’autres. Le choix s’est fait très simplement. Il y a des tas d’acteurs que j’aime, que je trouve attachants. Mais il y a également eu quelques petites difficultés. Parmi ces difficultés, il fallait par exemple trouver les deux filles dont l’une se fait passer pour l’autre, mais Judith Godrèche et Julie Depardieu se sont très vite imposées pour ces deux rôles. C’était aussi intéressant de faire apparaître des contrastes entre les comédiens qui jouent en couple, comme par exemple entre François Cluzet et Frédérique Bel. Et j’ai eu la chance que tous ces comédiens répondent présent….

Comment qualifieriez-vous votre style ? Vous sentez-vous proche de la Nouvelle Vague, par exemple ?

Les films de la Nouvelle Vague m’ont donné l’envie de faire du cinéma. J’ai été un adolescent cinéphile qui a trouvé, comme beaucoup, son bonheur dans le cinéma « classique » plus que dans le cinéma contemporain. Il est évident que le courant le plus enivrant, quand on découvre le cinéma, c’est la Nouvelle Vague. La Nouvelle Vague a donc beaucoup compté pour moi. Mais je citerais également des cinéastes classiques, des années 30 aux années 70, français comme américains. Cela va de Jacques Becker à Lubitsch, en passant par Sacha Guitry et Billy Wilder. Le cinéma qui m’a inspiré est donc plus un cinéma classique que contemporain, et je pense que cela se ressent dans mes films.

Dans le film, vous comparez l’amour et la musique. Quelle est l’importance de la musique dans votre cinéma ?

Cette comparaison entre l’amour et la musique intervient au début du film. Je commence le film avec ça. C’est une manière de le commencer comme un conte, et d’avoir une touche de merveilleux, et une part enfantine. Dans mes films, je n’ai pas une théorie par rapport à la musique. Mais c’est quelque chose qui prend beaucoup de temps au montage. Le montage des images se fait beaucoup plus rapidement que le choix des musiques. Je pense qu’il faut choisir les musiques en les essayant au montage. Il faut les essayer, le réécouter, revoir le film…. La musique prend tellement le dessus sur l’image que c’est toujours quelque chose de très délicat. C’est sûr que la musique a beaucoup d’importance dans le plaisir du film, maintenant qu’il est terminé, mais c’est quelque chose que je suis incapable de théoriser.

Dans tous vos films, il y a un moment où les personnages se libèrent et font ce qui leur plaît, ce qu’ils ont envie de faire. Certains des titres de vos films font d’ailleurs directement référence à cela (Fais-moi plaisir, Laissons Lucie faire, …). Cette référence au plaisir et à la liberté est-elle centrale pour vous ?

Pour moi le plaisir, c’est là où le cinéma commence, avant de parler de profondeur, de propos et d’autres choses très sérieuses. Le cinéma est avant tout une affaire de plaisir. C’est comme cela que je suis entré dans le cinéma, étant gamin, et c’est une chose à laquelle je reste très attaché, à ma manière. Je pense d’ailleurs que Truffaut avait intitulé un de ses recueils d’articles « Le plaisir des yeux », dans cette idée-là. Là où je vous corrige, c’est que mes personnages visent à la satisfaction de leurs désirs, comme tout un chacun, mais leur désir est double : il est à la fois d’ordre sexuel ou sentimental, mais ils ont aussi le désir d’être des gens biens. La satisfaction de leurs désirs primaires passe donc par toute une série de détours. L’enjeu de la plupart de mes films est là et c’est de là que découle la complexité des situations.

Entretien réalisé par Thibaut Grégoire


« Mon pire cauchemar » d’Anne Fontaine

Pour sa troisième collaboration avec Benoît Poelvoorde, Anne Fontaine se laisse enfin emmener sur le terrain de prédilection de l’acteur : la comédie. Si Fontaine a réalisé des comédies par le passé (Augustin roi du Kung-fu, Nouvelle chance,…), elle n’avait jusqu’ici utilisé Benoît Poelvoorde, bête de comédie s’il en est, que dans des contre-emplois. Si l’on peut dire qu’Anne Fontaine emmena Poelvoorde vers un aspect à l’époque insoupçonnable de son jeu d’acteur, on peut également se rendre compte qu’il lui rend la monnaie de sa pièce avec « Mon pire cauchemar ». Point de complexe ici, il s’agit clairement et strictement d’une comédie romantique, genre populaire par excellence.

Patrick et Isabelle n’ont rien à voir l’un avec l’autre, leurs vies sont diamétralement opposés, et pourtant, une suite d’événements vont les pousser à par se rapprocher, à se trouver des points communs, et plus si affinités. Sur ce canevas typique de la « rom com », comme on a fini par l’appeler, Fontaine plie son scénario à tous les passages obligés (Ils se rencontrent, ils se détestent, ils s’apprécient, ils s’aiment, ils se séparent, ils se retrouvent.) tout en y injectant une infime dose de doute quant au « Happy End » propre au genre. Si les références vont chercher dans la comédie américaine la plus « mainstream », elle y insuffle une dimension sociale purement franco-belge, tout en restant malgré tout en surface et en s’amusant, là encore, des clichés que cela implique.

Benoît Poelvoorde et Isabelle Huppert sont utilisés pour l’image qu’ils véhiculent respectivement et pour leur capacité à jouer avec cette image. Poelvoorde endosse avec un bonheur non-dissimulé, et avec plus de conviction que jamais, le rôle de grande gueule sympathique qui lui colle à la peau, pour mieux dévoiler les failles que l’on soupçonnait bien évidemment chez le personnage. Huppert, quant à elle, s’amuse également à faire passer son personnage de la froideur, que d’aucun lui prêterait volontiers dans la vie, en folie douce et en sensibilité à fleur de peau. Comme si ces deux « monstres » s’adoucissaient au contact l’un de l’autre.

Au-delà du binôme vedette, le film en réserve plusieurs autres. Il repose d’ailleurs en grande partie sur les scènes en duo, tellement chaque « couple » fonctionne bien, chacun de son côté. La présence d’André Dussolier et de Virgine Efira au générique, en couple secondaire, comme dans toute bonne comédie romantique, permet de varier les face-à-face avec bonheur. Contre toute attente, ce sont peut-être les discussions entre les deux hommes du film qui sont les plus jubilatoires, la pudeur forcée de Dussolier s’opposant de manière hilarante à l’extravagance provocatrice de Poelvoorde.

La plus grande réussite du film, outre qu’il fasse passer un agréable moment, c’est de créer des duos d’acteurs inédits et de les faire coexister en parfait équilibre, tout en gardant le fil de son récit. Il s’agit donc d’un film d’acteurs, c’est une évidence. L’inscription du scénario dans une trame prédéfinie par des codes, ceux de la comédie romantique, permet au film de suivre son cours de manière discrète tout en permettant aux acteurs d’exprimer leur jeu plus librement, et avec un plaisir évident. Ne boudons donc pas leur plaisir et le nôtre.

Thibaut Grégoire