Critique et analyse cinématographique

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L’eau qui (en)dort

En sortant du film El Agua d’Elena López Riera, l’on se demande légitimement qui peut bien aimer un film comme celui-là. La réponse ? Les programmateurs de la Quinzaine des Réalisateurs, plus quelques critiques parisiens peut-être soudoyés, dont le jadis fiable Jean-Marc Lalanne.

Rappelons que le triste sire a récemment recommandé des chefs d’œuvre tels que Les Cyclades ou encore Mon crime, alors qu’il crache allègrement sur Paul Thomas Anderson et notamment sur son dernier film en date, Licorice Pizza. Il est parfois bon de remettre l’église au milieu du village.

El Agua est une purge inimaginable vendue comme un grand film féministe, un téléfilm vaseux, pseudo chronique d’une jeunesse qui s’emmerde, entrecoupé de face caméra aux velléités documentaires mais dont on peine à croire à la véracité. Même les images « réelles » d’inondations n’apportent pas le moindre intérêt car elles n’entrent pas une seconde en dialogue avec les images et l’intrigue de la fiction, d’une platitude inouïe.

Il aurait fallu sortir de la salle, ce n’est pas faute d’y avoir été poussé, mais notre stupide persévérance et ce fameux espoir de trouver des choses à sauver, nous aura contraint à rester en place… fichu syndrome de Stockholm ! Jusqu’au grotesque plan final, de nouveau un face caméra « lourd de sens », comme une espèce de pied de nez au spectateur qui s’est fait avoir, qui n’est pas sorti et qui ne s’est pas endormi, les limites du supportable furent largement franchies. Quand il n’y a rien à sauver, la messe est dite, même si de faux prophètes continuent de nous exhorter à nous polluer les rétines.


Reprise des hostilités

Ce qu’il y a de bien avec les films de la saga John Wick, c’est qu’ils sont complètement débiles. Ce qu’il y de pas bien dans la saga John Wick, c’est que de nombreux crétins en parlent comme s’il s’agissait de véritables films, sérieux, ambitieux, le tout sous le prisme de la réussite technique et/ou de mise en scène, confondue là avec de la mise en place ou de la chorégraphie.

Dans la série des gogos, l’inénarrable Merej, youtubeur notoire, a commis une vidéo, comme tous les jours, dans laquelle il pointe quelques films qui seraient « meilleurs que John Wick »…. Et le plus étonnant, c’est que la vidéo ne dure pas plusieurs années, temps qu’il faudrait pour énumérer tous les films qui sont meilleurs que John Wick.

Parmi les films ainsi pointés, il y a notamment The Mission de Johnnie To, film que je n’avais pas vu et que je me suis donc empressé de rattraper, comme possédé, comme si la parole de Merej avait la moindre importance. C’est un film culte pour pas mal de geeks qui se prennent pour des cinéphiles, ça je le savais déjà.

Étonnamment, le film est plus intéressant qu’il n’en a l’air, parce que, contrairement à ce que laissait entendre le vidéaste à casquette, il ne s’agit pas d’un film d’action chorégraphique dans lequel, parfois, il ne se passe rien, mais plutôt d’un petit film de gangster contemplatif et intimiste, qui fait plus grand cas de l’amitié entre ses protagonistes que de leurs missions absurdes. Mais pas sûr que les fans de la première heure de ce film y voient la comédie d’amitié viril qu’il est pourtant.

Les John Wick sont des comédies aussi, bien évidemment, involontaires ou non peu importe, mais leur manière de jouer avec le passif d’acteur de Keanu Reeves et de faire du Matrix « cheap » est tout bonnement hilarante. Ils réussissent néanmoins l’exploit de passer de « revenge movie » clinquant, à film de combats expérimental et sans intrigue dans son troisième opus. En attendant les trois heures dont on imagine déjà la teneur hautement philosophique du quatrième épisode…. Wait and see mais ça promet. (À suivre… ou pas)


BIFFF 2021 – Carnet de bord (7)

Nous arrivons bientôt au bout de ce carnet de bord rétrospectif du BIFFF 2021. Dans cette sélection de six films, trois d’entre eux parlent du cinéma d’une manière ou d’une autre, par une mise en abyme, avec des personnages d’acteurs, ou encore à travers la salle et le bâtiment proprement dit. Mais parmi ces trois films, un seul parvient à donner une dimension un tant soit peu réflexive à son sujet : Slate, du coréen Jo Ba-reun.

Diva de Jo Seul-yeah

Thriller psychologique classique à base d’amnésie et de rivalité entre plongeuses de haut niveau. Tout est propre, convenu, attendu. D’un ennui profond.

The Weasels’Tale de Juan José Campanella

Dans sa présentation d’avant-film, Juan José Campanella convoquait la comédie classique et Billy Wilder pour parler de son film. De Sunset Boulevard, subsiste en effet la vieille actrice sur le retour s’ennuyant ferme dans une grande demeure avec d’anciens complices tout aussi vieux et sur le retour qu’elle. Au-delà de ça, l’intrigue et l’esthétique de ce téléfilm, ainsi que ses acteurs cabotins, rappelle plutôt les grandes heures d’Au théâtre ce soir que les références écrasantes invoquées par le réalisateur.

Slate de Jo Ba-reun ⭐⭐

Se rêvant depuis toute petite comme une héroïne, la jeune actrice Yeon-hee se retrouve projeté dans l’univers d’un film qu’elle n’a pas encore tourné, une réalité alternative où on la prend très vite pour la « Soul Slayer », une sorte d’élue censée ramener l’équilibre dans cette dystopie gouvernée par des forces démoniaques. Si le film, dans son déroulé et son esthétique, est tout ce qu’on en attend et donc pas forcément très passionnant à suivre, il renferme pourtant une grande idée – laquelle prend toute sa dimension dans sa scène finale – qui est que chaque film, chaque tournage, cache un monde bien à lui, indépendant, et dans lequel les personnages peuvent se désolidariser de leurs interprètes pour prendre leur indépendance. L’accès au monde parallèle par l’intermédiaire du clap (« slate ») vient d’ailleurs cristalliser cette idée.

L’Odyssée sanglante du lapin rose d’Arno Pluquet ⭐⭐

À la limite du regardable – vu en trois fois, pour ma part – ce curieux mix entre un film trash amateur, tendance Jean-Jacques Rousseau, et du faux auteurisme pompeux à base de monologues psycho-vaseux type « dans quel état j’ère », cette Odyssée sanglante du lapin rose – tourné en grande partie dans les murs du cinéma Styx à Bruxelles – renferme tout de même plus de vivacité et d’envie de faire du cinéma que bon nombre de films proprets de cette sélection du BIFFF. Il ne ressemble en tout cas à aucun autre film vu dans ce cadre, même si l’on pourrait arguer qu’il ne ressemble à rien, tout court.

Voice of Silence de Park Jung-hun ⭐⭐

Cette histoire supposément « mignonne » de l’amitié naissante entre une petite fille et son ravisseur, sur fond de kidnappings organisés en Corée du Sud, fait de belles promesses dans ses prémisses mais n’atteint bizarrement à aucune espèce d’émotion dans sa résolution et s’avère au final être passé à côté de toute une série de morceaux de bravoure qui semblaient pourtant assurés, sans non plus prendre une voie « alternative », en mode mineur ou décalé, qui lui aurait attribué une forme d’originalité.

A Divisao de Vicente Amorim 🔴

Apparemment adapté – ou monté à partir – d’une série, ce long film à l’esthétique pompière, dont la manière d’ériger la stature de l’homme fort porteur d’armes rappelle un certain cinéma fasciste et renvoie au funeste Tropa de Elite, film également brésilien dont il se situe dans la « droite » lignée, commet d’irréparables « coups d’éclats » esthétiques, comme ce plan en début de film sur des enfants morts ou encore ses interminables fusillades dans lesquelles les armes sont filmés comme des membres virils et les coups tirés comme des éjaculations. Profondément puant !

Le BIFFF s’est tenu en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (6)

Plus le BIFFF s’éloigne, plus il devient compliqué de tenir ce petit journal de bord maintenant rétrospectif, tant certains films s’estompent voire disparaissent de ma mémoire. Dans ce qu’il reste, quelques images de Hotel Poseidon et de Dick Maas Methode.

Aporia de Rec Revan 🔴

Dans la présentation du film sur son site, le BIFFF prend les devants et nie tout exotisme quant à la présence de ce film labélisé premier film de genre venu d’Azerbaïdjan. Malheureusement, je ne vois pas trop ce qui caractérise Aporia ou en fait l’originalité mis à part cette particularité de provenance. Survival classique, avec une touche de film de zombies pour dire, le film se traîne, accumule les clichés, et les performances approximatives, avant de se clore sans avoir vraiment commencé.

De Dick Maas Methode de Jeffrey De Vore ⭐⭐

Dès le début, certains propos des témoins, venant faire l’éloge de son vivant du réalisateur Dick Maas, peuvent faire bondir n’importe quel cinéphile d’obédience classique ou « cahiers », tant le mépris qui suinte pour le cinéma d’auteur est manifeste. Il faut donc dépasser cette impression de débarquer dans une fête à la saucisse pour, sur la longueur, se sentir malgré tout embarqué dans cette odyssée un peu folle d’un cinéma ultra-populaire hollandais, ayant assumé pleinement son mauvais goût et ayant même fait de celui-ci sa pierre angulaire, voire son sujet. Le documentaire parvient assez bien à capter rétrospectivement quelque chose de cette vitalité et de cette insouciance qui mena in fine à la création d’une œuvre – noble ou pas, peu importe – dont les extraits montrés mettent paradoxalement l’eau à la bouche, le tout dans un esprit « sale gosse » de cinéphile fou en quête de curiosités déviantes.

Seobok de Yong-joo Lee

Thriller de science-fiction incroyablement classique, que l’on a l’impression d’avoir déjà vu des dizaines et des dizaines de fois, Seobok déterre qui plus est une vieille tarte à la crème SF : le clône humain. Propre et convenu, Seobok ne laisse aucune trace après vision.

Violation de Dusty Mancinelli et Madeleine Sims-Fewer

Déplaisant mélange entre un épate-bourgeois coup-de-poing et un film à thèse prétentieux sur le viol, fort de son sujet « choquant » et de son look arty, Violation est un bel attrape-gogos, qui commence plutôt bien avec des scènes contemplatives et quotidiennes bien filmées et bien jouées, mais qui pète littéralement un cable à mi-parcours, lorsqu’il doit choisir entre devenir un revenge-movie cra-cra ou un film indie-bobo, plagiant au détour l’Antichrist de Lars Von Trier.

Keeping Company de Josh Wallace

Dans cette comédie satirique au gros trait, la parodie lourdaude de Psychose côtoie une allégorie drolatique sur la société capitaliste et les abus de toutes sortes, notamment ceux des compagnies d’assurance. Avec ses personnages (volontairement) caricaturaux et ses acteurs (involontairement) insupportables, Keeping Company gâche un petit potentiel d’humour mordant et engagé, qui point par à-coups derrière un grand déballage hystérique et forcément misanthrope.

Hotel Poseidon de Stef Lernous ⭐⭐

Film flamand éminemment bizarroïde, à mi-chemin entre du sous-David Lynch et du théâtre provoc, Hotel Poseidon réserve une seconde partie pas inintéressante du tout, en forme de cauchemar éveillé. Il n’en reste malheureusement pas grand-chose une semaine après vision, si ce n’est l’impression d’avoir vu une tentative inégale mais notable de cinéma fantastique introspectif et foutraque, dans un flux de films interchangeables certes plus maîtrisés formellement mais nettement plus banals.

Le BIFFF s’est tenu en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (5)

Cinquième retour sur les films de ce BIFFF en ligne, désormais clôturé. Gros coup de cœur pour le film brésilien Carro Rei, peut-être le meilleur de cette édition.

The Barcelona Vampiress de Lluís Danés 🔴

Horrible film à thèse sur le mal, doublé d’un film à costumes terriblement pompier, mal joué – l’acteur principal est tout simplement épouvantable – et déguisé derrière un habillage formel – une scène en noir et blanc, une scène en couleur, une scène en noir et blanc… oh tiens, une robe rouge ! – qui pousse certains à crier au chef d’œuvre, The Barcelona Vampiress est la grosse boursouflure de ce festival. Quand on pense que ce navet a récolté une récompense de meilleur film en Catalogne….

Carro Rei de Renata Pinheiro ⭐⭐⭐⭐

Étonnant film brésilien, allégorie politique et poétique débutant presque « bêtement » par un concept qui pourrait donner matière à une comédie familiale – à savoir la connexion bien réelle, et factuelle, entre un enfant et une voiture –, Carro Rei développe tout un monde et une intrigue convoquant avec lyrisme et générosité à la fois le transhumanisme ou encore l’hypothèse d’une connexion spirituelle et/ou fétichiste entre les hommes et les objets, le tout sur fond de fable écolo-sociale. Dans cet univers allégorique où l’homme et la machine communiquent d’égal à égal, où le coffre d’une voiture peut ouvrir sur une grotte secrète, introspective et rétrospective un peu comme la matrice d’une vie humaine, et où la vie peut jaillir sous la forme de plantes rampantes du capot des voitures, tout est sujet à questionnement et à émerveillement, parfois aussi à réticence et à perplexité. Carro Rei est en tout cas sans conteste le film le plus riche, le plus original et le plus intriguant de ce BIFFF.

The Old Ways de Christopher Alender

Film de possession en huis-clos prenant ses bases scénaristiques et mythologique au Mexique, The Old Ways se regarde sans déplaisir mais utilise ses rebondissements attendus comme autant de passages obligés, de croix que l’on coche sur une liste « à faire », et dont il ne reste rien une semaine après vision, dont acte.

Superdeep d’Arseny Sukhin

Une sorte de mix entre les plus grands « hits » de la SF au cinéma – Alien, The Thing, etc. – mais transposé sous terre et en Russie, léché visuellement et particulièrement ennuyeux.

Vera de Verdad de Beniamino Catena ⭐⭐⭐

Vera, une adolescente italienne disparue brusquement, réapparaît deux ans plus tard sous les traits d’une femme adulte bien plus âgée. Parallèlement, au Chili, un homme d’âge mûr récemment réveillé d’un coma, est en quête de sens et semble en avoir trouvé quand il entend parler de la disparition de Vera. Difficilement lisible dans un premier temps – si l’on n’a pas lu de résumé du film a priori – cette histoire de vies parallèles, de réincarnation et de cosmogonie, si elle n’est pas exempte de maladresses et de lourdeurs – notamment dans l’interprétation et les dialogues de la partie italienne du film – propose une hétérogénéité bienvenue, dans le principe de base et dans la narration, que l’on n’a pas spécialement retrouvée dans la plupart des autres films de ce BIFFF, même réussis.

Post Mortem de Péter Bergendy

Extrêmement classique et bavard, ce film hongrois lorgnant sur Les Autres d’Amenabar et sur le genre gothique en général a semble t’il emporté l’adhésion de pas mal de festivaliers. Difficile pourtant de se passionner pour ce classicisme plat, cette lumière tamisée pour créer des ambiances, cette enfant souriante érigée en « sidekick » énervant du héros il est vrai d’une grande fadeur pris à part…. Il y a derrière ce film de spectres en temps de peste espagnole, une allégorie sur les fantômes du passé, à la fois évidente et peu lisible. Ce qui reste et ressort du film, c’est son dernier quart en forme de morceau de bravoure lors duquel – enfin ! – les fantômes se déchaînent et attaquent. Il y a donc au moins une petite demi-heure efficace dans ce film par ailleurs très pépère.

Le BIFFF 2021 s’est tenu en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (4)

Le BIFFF touche déjà à sa fin et mes carnets de bord sont à la bourre…. Vus plus ou moins à mis parcours, ces six films n’auront que peu marqué mon festival, si ce n’est l’intérêt documentaire de Hail Satan ? ou l’aspect intriguant de Lucky.

Shadows de Glenn Chan

Misant tout sur son pitch vendeur – une psy pouvant lire dans l’esprit de ses patients – mais surtout sur la confrontation entre le bien et le mal, personnifiés respectivement par l’héroïne et son ennemi juré, un autre psy dont la barbichette atteste qu’il n’est pas très gentil, Shadows déroule son intrigue assez prenante avec toute l’efficacité nécessaire, mais veut embrasser trop de sous-intrigues à la fois, et finit paradoxalement par laisser un goût de trop peu, après tant d’efforts pour justement remplir la coupe à ras-bord. Ce qu’il en reste n’est que le souvenir d’un film agréable à regarder, jamais ennuyeux, mais profondément superficiel.

Anything for Jackson de Justin G. Dyck

Quasi huis-clos au départ vaguement original – un couple de vieux séquestrent une femme enceinte pour faire renaitre leur petit fils décédé par un rituel satanique – Anything for Jackson mise ensuite principalement sur le physique inquiétant de ses protagonistes et sur ses situations à la limite du loufoque. Pur film d’ambiance qui dégénère tout de même allègrement dans le grand-guignolesque lors de son final, Anything for Jackson laisse en tête quelques images, mais pas grand-chose de bien consistant.

Hail Satan ? de Penny Lane ⭐⭐

Très instructif, ce documentaire édifiant présente un groupe « religieux » se revendiquant sataniste (The Satanic Temple) mais charriant en réalité des actions visant à prôner la laïcité dans l’Amérique puritaine et profonde, qui se radicalise de plus en plus en se réfugiant dans un christianisme sectaire et idéologiquement dangereux. En suivant certains membres de ce groupe d’influence dans leurs combats politiques, le film se constitue plus en tant que document, que témoignage, assez précieux sur les Etats-Unis à un instant t que comme un grand film de cinéma utilisant véritablement son médium en termes esthétiques, ce qui n’est pas le cas.

Méandre de Mathieu Turi

Assez beau visuellement, notamment dans son utilisation des lumières de différentes couleurs et dans sa manière de filmer les méandres du titre, ses tunnels étroits que parcourt à longueur de temps l’héroïne prisonnière, Méandre n’en est pas moins un exercice de style un peu vain, un court étiré en long, réminiscent de beaucoup de films de SF claustrophobique du même acabit – dans la lignée de Cube – et surtout plombé par un psychologisme lourdingue à base de traumatisme fondateur, et patati et patata.

Lucky de Natasha Kermani ⭐⭐

Commençant comme un slasher bizarroïde avec une touche de surréalisme, Lucky déroule son scénario en forme d’énigme dans lequel une femme se retrouve tous les jours harcelée par le même tueur masqué, qu’elle a beau tuer à chaque coup mais qui n’en revient pas moins le lendemain. Dans sa dernière partie, le film dévoile ses cartes et surtout son allégorie sur les violences faites aux femmes, de manière assez appuyée voir lourdingue, gâchant quelque peu le plaisir du mystère qu’entretenait la première partie. N’en reste pas moins un film curieux, intriguant, mais très imparfait.

Bring Me Home de Kim Seung-woo

Film « coup-de-poing » profondément misanthrope dans lequel tous les personnages sont soit mauvais soit cons soit les deux à la fois, Bring Me Home remporte apparemment tous les suffrages des « bifffeurs » en ligne, toujours en quête du dernier polar corréen désespéré. Mais Kim Seung-woo n’est pas Bong Joon-ho, ni même Na Hong-jin, c’est juste un petit malin fort habile pour exhiber sa maîtrise et forcer une noirceur d’apparat, proche de l’épate-bourgeois.

Le BIFFF se tient en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (3)

Troisième vague de six films, toujours évoqués dans l’ordre de vision, avec encore une fois un vrai coup de cœur (Beyond the Infinite Two Minutes) ainsi que deux autres films intéressants (Possessor et Sound of Violence) qui surnagent.

Sound of Violence d’Alex Noyer ⭐⭐

Atteinte de surdité lors de son enfance, Alexis a découvert assez tôt qu’elle pouvait retrouver l’ouïe en s’adonnant à la violence, lors d’un drame familial fondateur. Plusieurs années plus tard, Alexis est étudiante en musique et compose d’étranges symphonies à base de cris de terreurs et de bruits de chair ou d’os broyés, sons qu’elle récolte lors de meurtres assez sanglants. Contrairement à certains films de ce BIFFF qui tentent de se faire plus cons qu’ils ne sont (par exemple, Cyst), Sound of Violence utilise une base et des rebondissements dignes d’une série Z nanardesque mais traite son sujet de manière très sérieuse, ou pour tout le moins au premier degré. Ce qu’il en ressort est un film assez curieux et hypnotique, flottant dans cet entre-deux et traversé de fulgurances visuelles, comme ces flashs accompagnant les fameux « sons de la violence », ou encore un final « hallucinant » dans lequel un corps humain devient au sens littéral une source sonore et musicale.

Possessor de Brandon Cronenberg ⭐⭐

Deuxième long métrage de Brandon Cronenberg (fils de David, donc), Possessor est une nouvelle occasion de se rendre compte que – une fois n’est pas coutume dans ce type de configuration – le fils est clairement influencé artistiquement par le père et chasse plus ou moins sur les mêmes terres que lui. Racontée à la fois simplement et de manière à constamment cultiver l’interrogation et le mystère, cette histoire de tueuse à gage parasitant le corps d’autrui pour commettre son méfait et remplir son contrat est surtout le prétexte pour Brandon Cronenberg à un bel étalage de savoir-faire esthétique. Film de pur formalisme, effectivement très beau à regarder, et souvent hypnotisant, Possessor n’en a pas moins les atours d’une jolie coquille vide, presque aussi dévitalisée et froide que sa protagoniste, en fin de parcours.

Ropes de José Luis Montesinos

Énième huis-clos et pas le dernier de ce BIFFF, Ropes met en scène un classique du genre, une personne handicapée, en fauteuil, aux prises avec une entité malveillante – ici un chien enragé – dans une demeure déserte et sans voisins. Le cahier des charges est plus ou moins rempli mais considérablement alourdi par un psychologisme éreintant et des « astuces » scénaristiques qui font lever les yeux au ciel. Hantée par sa mauvaise conscience, l’héroïne parle avec l’apparition de sa sœur décédée dont elle pense avoir causé la mort, ce qui permet forcément d’amener du dialogue là où il ne devrait pas y en avoir. Plus le film avance, plus il sombre dans l’emphase à la limite du ridicule.

Honeydew de Devereux Milburn

Si ce petit « survival » crapoteux permet d’abord d’admirer la progéniture de Steven Spielberg en la personne de son fils Sawyer – qui interprète ici le rôle principal – et de se rendre compte par la même occasion que le talent n’est pas forcément héréditaire, il parvient aussi tant bien que mal à installer une petite ambiance malaisante dans un cadre propice : une ancienne ferme décrépite toujours habitée par ses vieux propriétaires dégénérés et aux tendances cannibales. Le film est très lent et la partie survival ne commence en réalité que dans sa dernière partie – voire ne commence jamais – mais laisse en tête quelques images inquiétantes, à défaut d’un réel enthousiasme ou de la moindre émotion quelle qu’elle soit.

Beyond the Infinite Two Minutes de Junta Yamaguchi ⭐⭐⭐

Comme pour Host de Rob Savage, c’est de la contrainte induite par son concept que Beyond the Infinite Two Minutes tire son originalité esthétique et ses plus belles idées. Avec son paradoxe temporel unique – deux écrans reliés avec deux minutes de décalage donnant aux personnages la possibilité de voir leur futur (très) proche –, cette comédie met sur pied un rythme et un type de narration jamais ou rarement vus, dans lesquels le bégaiement et la répétition constituent le cœur même de l’action. Filmé en faux plan-séquence, Beyond the Infinite Two Minutes arrive miraculeusement à rendre fluide et linéaire cet effet de va-et-vient scénaristique, créant – dans cette petite capsule spatio-temporelle confinée et réduite à une heure – un microcosme synthétique, une sorte de miniature SF à l’échelle de l’humain et du trivial, à la fois d’une grande modestie et véritablement ambitieuse.

The Closet de Kim Kwang-bin

Intriguant de prime abord, ce thriller fantastique coréen excelle dans un premier temps à créer des ambiances, à placer ses pions et son histoire d’enfant possédé, doublé d’un thriller de disparition à l’encrage plus réaliste, mais déçoit assez vite en cédant aux facilités et au grand-guignolesque, avec spécialiste du paranormal et transe cauchemardesque à la clé. Le climax du film est en cela particulièrement pénible, pompier et interminable.

Le BIFFF se tient en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (2)

Le BIFFF continue en ligne et le seul moyen de se rendre compte de la manière dont sont accueillis les films est de faire un tour sur les réseaux sociaux. Là, on peut y voir que les emballements sont à peu près les même que lors des éditions normales : les comédies horrifiques et les films « à concept » remportent en général le plus de suffrage…. Pour ma part, c’est également un film à concept qui aura retenu mon attention dans ce nouvel échantillon de six films : ni plus ni moins que le premier film réalisé sur Zoom.

Host de Rob Savage ⭐⭐⭐

Mis en valeur comme étant le premier film entièrement réalisé sur Zoom, Host tire de sa forme particulière le meilleur parti possible, de plusieurs manières : d’abord, sur un plan purement esthétique, de mise en scène et de montage, le film parvient à utiliser pleinement son médium comme vecteur de sens et d’horreur, notamment à travers le recours à des filtres pour créer de véritables effets de terreur ; ensuite, dans le caractère « méta » et immersif que produit le film sur son audience, parvenant grâce à ce recours « contraint » à Zoom à créer quelque chose de neuf dans un film de possession, à savoir l’illusion pour le spectateur d’assister – voire de participer – en temps réel à une séance d’invocation des esprits. En cela, Host dépasse le cadre de l’exercice de style efficace mais vain auxquels les détracteurs systématiques du « found footage » voudront assurément le cantonner.

Alien on Stage de Lucy Harvey et Danielle Kummer

Très survendu, ce documentaire au titre alléchant suit une troupe de théâtre amateur composée de chauffeurs de bus ayant eu l’idée saugrenue d’adapter sur scène, pour leur petite œuvre de charité, ni plus ni moins que le Alien de Ridley Scott. Ils y arrivent tant bien que mal à force de persévérance et d’abnégation…. Alien on Stage est exactement le type de film dont il est compliqué de dire du mal, et par déformation (professionnelle ou non) beaucoup semblent se sentir obligés d’en dire du bien…. Disons tout de même que ce documentaire pose quelques questions éthiques quant à sa fabrication et, plus particulièrement, à la manière dont a été « monté » son climax, à savoir la représentation des modestes chauffeurs de bus au Leicester Square Theatre à Londres devant une foule bien trop acquise à leur cause. Quand on comprend à demi-mot – mais ce n’est jamais honnêtement dit – que l’une des deux réalisatrices a grandement œuvré pour cette « mise en valeur », le mot « instrumentalisation » vient subrepticement en tête. Ce fameux climax risque d’ailleurs d’agir à rebrousse-poil de l’effet « épiphanie » qu’il semble vouloir atteindre, puisque la pièce apparaît comme ce qu’elle est probablement : un spectacle de fin d’année, assez mal joué et dont on ne sait trop s’il est volontairement drôle ou pas, quand bien même les rires exagérés de la salle en délire et les éloges du public bobo-londonien en guise d’apothéose attesteraient du génie de cette création.

Cyst de Tyler Russell

Faux nanar esthétiquement assez léché mais délibérément laid dans ses effets, Cyst semble vouloir concourir au concours du film le plus con de l’histoire de l’humanité, avec son pitch « unique » : un kyste géant qui tue, il fallait y penser…. Ces tentatives de séries Z auto-conscientes, dont le but est de « réussir » un mauvais film, sont toujours ambigües, à la fois agaçantes par leur cynisme affiché et impressionnantes par leur débilité jusqu’auboutiste.

Vicious Fun de Cody Calahan

Après Bloody Hell, voici l’autre comédie gentiment horrifique de ce BIFFF, reposant ici sur un concept un peu plus original – quoique – : un sympathique loser se retrouve malgré lui à participer à une réunion nocturne de serials killers anonymes dans un bar après fermeture. Après les premiers quiproquos laborieux, le film dégénère vite en jeu de massacre et en course-poursuite assez banals, que le casting sans grand charisme et un humour tombant souvent à plat ne rehaussent pas vraiment.

Signal 100 de Lisa Takeba ⭐⭐

Adapté d’un manga, Signal 100 est ce qui semble désormais s’appeler « un Battle Royal », à savoir une sorte de plagiat assumé du manga et du film du même nom dans lequel une classe de lycéens luttent pour la survie en devant respecter un certain nombre de règles et/ou éviter des pièges. Ici, de règles, il y en a 100 comme le titre l’indique, 100 choses à ne pas faire pour des lycéens sous l’effet d’une hypnose collective les poussant au suicide en cas de manquement à ces fameuses règles. Évidemment, c’est bien foutu, efficace, ludique, jouissif par moments, légèrement gore, attendu, sans temps morts, insignifiant, sympathique, vite consommé et potentiellement vite oublié.

Son de Ivan Kavanagh

Avec son héroïne dont on ne sait si elle est folle ou pas, sa secte mystérieuse, son enfant démoniaque et son « twist » final convenu, Son semble être un condensé voire un pastiche du parfait petit film de genre s’il fallait expliquer au néophyte ce qu’est un film de genre, avec en prime un peu de cannibalisme…. Voilà un beau film de comptable, qui coche bien toutes les cases, de manière roublarde et non sans brio esthétique, mais désespérément attendu et sans originalité.

Le BIFFF se tient en ligne du 6 au 18 avril 2021

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BIFFF 2021 – Carnet de bord (1)

Après une année de relâche forcée, le BIFFF nous revient enfin, forcément en version « online ». Ne changeons donc pas les bonnes habitudes et reprenons-les là où nous les avions laissées : il est temps d’enchaîner les projec… euh, les streamings, et de chercher les pépites parmi une bonne quarantaine de productions pré et post-covid proposées par les gentils programmateurs. Cette année, pas de cote sur 10 mais plutôt un système d’étoiles (ou de bulle rouge, en cas de navet). Pour chaque publication, les films seront évoqués dans l’ordre où ils auront été vu par votre serviteur.

Caveat de Damian McCarthy 🔴

Sur l’affiche du film et dans les phrases d’accroche utilisées par le festival pour mettre en avant Caveat, l’accent est mis sur cette peluche décrépite figurant un lapin-tambour, lequel est censé faire atrocement peur…. Jugez vous-même d’après photo, mais autant vous dire que le lapin Frank de Donnie Darko est à mon humble avis bien plus flippant que ce pauvre doudou mal conservé. D’autant plus que ce lapinou est en réalité un élément presque anecdotique et à la signification plus que floue dans ce qui n’est au final qu’un huis-clos psychologique d’ambiance, assez mal fagoté et répétitif. Exercice de style vain et terriblement ennuyeux, Caveat est par ailleurs le premier film « de confinement » détecté par mes soins dans cette sélection qui en sera à mon humble avis très riche.

La Stanza de Stefano Lodovichi ⭐⭐

Autre film confiné, La Stanza a presque des allures de théâtre filmé, avec son huis-clos strict dans une maison d’hôte désertée et ses trois personnages. Alors que son mari vient de les abandonner elle et son fils, Stella s’apprête à se suicider lorsqu’un invité inattendu, Giulio, sonne à la porte. Animé par des motivations initialement floues, l’étrange locataire finit par séquestrer Stella et son mari volage Sandro avant de leur révéler son identité et la raison de sa rancune à leur égard. La Stanza est un film à révélation qui bascule assez vite dans le fantastique, lequel basculement permet au film de passer de « théâtre filmé » à quelque chose de plus allégorique et atypique. Sans réellement quitter le domaine de l’exercice de style et en cédant à plusieurs reprises aux sirènes de l’hystérie, le film n’est pas dénué d’un certain charme principalement dû à son « twist » fantastique.

Psycho Goreman de Steven Kostanski ⭐⭐⭐

Curieux mais jouissif mélange entre une série Z gore et un hommage distancié aux productions Amblin, le tout agrémenté d’un esprit légèrement subversif et punk, Psycho Goreman surprend par son ton totalement décomplexé et son esthétique à la limite entre le kitsch et la laideur assumée. Le film est en outre « dominé » par une jeune actrice hors-norme (Nita-Josee Hanna), tour à tour désopilante ou insupportable, mais qui imprime sans aucun doute sa personnalité dans ce film diablement sympathique.

Extro de Naoki Murahashi ⭐⭐⭐

« Mockumentaire » sur les figurants de cinéma, Extro se divise en deux parties finalement assez distinctes : la première suivant l’un de ces « héros de l’ombre », Haginoya dont l’envie de bien-faire est parfois à deux doigts de ruiner les prises sur un tournage ; la seconde se concentrant sur un ressort comique plus classique, le duo de flics maladroits faisant capoter une mission sous couverture, la couverture étant en l’occurrence celle de figurants sur un plateau de tournage. Le film referme quelques morceaux de bravoure comiques qui se savourent en tant que tels, mais c’est surtout dans son épiphanie finale, due – cinéma bis japonais oblige – à un « kaiju », qu’il touche à une dimension toute autre et procure in fine et contre toute attente une véritable émotion cinéphile.

Bloody Hell d’Alister Grierson

Comédie (gentiment) horrifique à base de famille de dingos assoiffés de sang ayant jeté leur dévolu sur la mauvaise victime, Bloody Hell aurait probablement très bien fonctionné en salles, dans l’ambiance bifffesque, et se laisse regarder avec un petit intérêt poli tout en ayant le mérite de ne pas ennuyer. Bénéficiant d’une mise en scène et d’un montage passe-partout, misant tout sur l’efficacité et la rapidité – avec en prime quelques allers-retours scénaristiques assez roublards, le film a tout de la pochade anecdotique, vue sans déplaisir mais très vite oubliée – au point qu’il est actuellement déjà compliqué à l’auteur de ces lignes d’en parler, tant le souvenir s’estompe de plus en plus.

The Shift d’Alessandro Tonda 🔴

Film « coup-de-poing » annoncé comme tel de ce BIFFF, The Shift est une coproduction mettant en scène un attentat kamikaze à Bruxelles mais tournée en partie à Liège par un réalisateur italien et avec dans le rôle principal une actrice française (Kamoulox !). Blague à part, le choc annoncé s’avère être un gros pétard mouillé, un téléfilm « rtbf-esque » digne des meilleures « fulgurances » de mise en scène de La Trêve ou d’Ennemi public. Dans un autre contexte et si le cœur y était, cette tentative de rendre « efficace » un film sur un attentat terroriste pourrait me mettre en colère, mais même pas…. The Shift est juste une petite daube insignifiante qui refoule légèrement.

Le BIFFF se tient en ligne du 6 au 18 avril 2021

Plus d’infos sur le site du festival


Flop 10 de 2020

Ne changeons pas les bonnes habitudes : pas de Top 10 sans son pendant honteux, l’affligeant Flop 10 annuel. Comme à l’accoutumée, il ne s’agit pas à proprement parler des pires films de l’année, mais bien des films qui m’ont le plus agacé pour plusieurs raisons. Faux films d’auteurs hystériques, films à sujets pétris de pathos, comédies pas drôles et laides à faire peur, « tours-de-force » grandiloquents exhibant leur maîtrise comme on bande ses muscles ou encore bluettes « sitcomesques » se faisant passer pour du Rohmer, ces horreurs ont récolté pour la plupart des lauriers fort peu mérités de la critique cinéma toute déboussolée, et peuvent bien endurer ce petit remontage de bretelles somme toute anecdotique.

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1/ ADN (Maïwenn)

2/ Losers Revolution (Thomas Ancora et Grégory Beghin)

3/ Deux (Filippo Meneghetti)

4/ Un fils (Mehdi M. Barsaoui)

5/ Adieu les cons (Albert Dupontel)

6/ Police (Anne Fontaine)

7/ Da 5 Bloods (Spike Lee)

8/ 1917 (Sam Mendes)

9/ Mon cousin (Jan Kounen)

10/ Été 85 (François Ozon)


Top 10 de 2020

Sans aller dans les formules toutes faites, il est maintenant admis que faire un top 10 des films de cette charmante année 2020 fut compliqué pour tout le monde. Mais finalement, ce ne le fut pas tellement pour votre serviteur. Beaucoup de films vus, beaucoup de films aimés, et malgré tout une dizaine qui s’impose, contrairement aux autres années où elle se muait volontiers en douzaine, en quinzaine, voire en vingtaine. Cette petite liste prend en compte des films donc sortis cette année, en France et/ou en Belgique, et sur tous les supports possibles et imaginables (salles, plateformes, VOD, etc.). Certains films ont été vus pour ma part avant – voire bien avant – 2020 dans des festivals, la moitié a été vue en salles, beaucoup ont été revus et même re-revus.

1/ Hotel by the River (Hong Sang-soo)

2/ Les Filles du Docteur March (Greta Gerwig)

3/ Antoinette dans les Cévennes (Caroline Vignal)

4/ Uncut Gems (Benny et Josh Safdie)

5/ Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait (Emmanuel Mouret)

6/ The King of Staten Island (Judd Apatow)

7/ En avant (Dan Scanlon)

8/ Kajillionaire (Miranda July)

9/ Adoration (Fabrice Du Welz)

10/ Ema (Pablo Larraín)


FILM FEST GENT 2020 – « There is No Evil » de Mohammad Rasoulof

Ours d’or à la dernière Berlinale, There is No Evil était présenté hors compétition à Gand. Inégal et démonstratif, il représente à lui seul le triomphe des films à sujets dans les festivals, même s’il présente également certaines qualités ponctuelles.

J’entendais récemment dans un podcast François Bégaudeau – notamment scénariste et acteur de la Palme d’Or Entre les Murs – dire la chose suivante : « Quand on reçoit une palme d’or des mains d’un type qu’on trouve très con, on se dit qu’on doit avoir fait un très mauvais film, ce qui est d’ailleurs peut-être le cas. ». On se souvient que la palme en question avait été attribué à l’unanimité par un jury présidé par Sean Penn. Et cette réflexion de Bégaudeau résonne en moi en parallèle à ma réflexion sur un film vu à Gand mais couronné en début d’année par ni plus ni moins que l’Ours d’Or à Berlin. Le prix lui avait effectivement été remis par un jury dont on peut rétrospectivement se poser des questions sur les membres et leurs goûts cinématographiques – présidé par un acteur, Jeremy Irons, et composé d’autres acteurs pour le moins inégaux, Béjo et Marinelli, de cinéastes médiocres, Jacir et Lonnergan, d’une productrice et tout de même d’un réalisateur intéressant, à savoir Kleber Mendonça Filho.

À la vision du film, je me disais que le film avait à la fois les attributs d’un film à prix – de par son sujet et son aspect programmatique – mais arborait également une construction typique d’un genre de film qui en reçoit généralement peu : le film à sketches. Si qualifier de sketches les quatre parties formant les deux heures et demi de There is No Evil est un peu fallacieux, ces parties n’en restent pas moins distinctes – un peu comme quatre courts métrages mis bout à bout – et ne se relient véritablement que par un seul fil conducteur, à savoir son sujet : les exécutions sommaires de prisonniers politiques en Iran. Plus précisément encore, le film questionne – comme le dit bien son titre – sur les notions de bien et de mal en rapport avec cette problématique, montrant des exécuteurs à visage humains, ou au contraire des soldats ayant refusé d’obéir aux ordres et devant dès lors fuir pour éviter d’être à leur tour exécutés. Bien évidemment, les quatre parties se répondent entre elles, la seconde et la dernière semblant aussi être liées plus intimement, même si rien ne permet de l’affirmer pleinement.

Le film déroute car il s’agit pleinement d’un film à sujet, qui assume celui-ci et le traite parfois assez lourdement, mais également d’un film formaliste et expérimentant pour le coup une forme peu employée traditionnellement par lesdits films à sujets. Il déroute parfois aussi par les chemins que prennent certaines de ses parties – notamment la deuxième, qui s’aventure carrément dans le domaine de l’action et du suspense. Pourtant, There is No Evil ne manque pas de tomber dans les travers du film à thèse, voire du film coup-de-poing, aux moments les plus déterminants. La fin en forme de claque de la première partie – qui pour le coup est en soi un court métrage à part entière, avec sa « chute », son twist final qui a dû bien agir comme l’électrochoc et l’attrape-jurys qu’il est – en est un exemple, tout comme cette manie de retarder à tout bout de champs des révélations que l’on devine cruciales, à la manière d’un mauvais soap-opera.

Il y a aussi beaucoup de symboles dans ce film, forcément. L’un deux est incarné par un renard, à la fin du dernier épisode : il en est d’abord question dans un dialogue, déjà très explicite ; puis il apparaît une première fois, comme un clin d’œil à ce dialogue, avant d’apparaître une seconde fois lors d’une fin « anti-climatique », plus « poétique ». Pourquoi dire une chose clairement une seule fois quand on peut enfoncer le clou de manière répétée et appuyée ? C’est un peu la grande question soulevée par un film traitant le même sujet quatre fois plutôt qu’une. Cet aspect de long film démonstratif, mettant bien les points sur les i, a donc hypnotisé le jury de la Berlinale. Ce n’en est pas un « très mauvais film » pour autant, juste une œuvre forcément inégale par sa construction, parfois réellement surprenante, et parfois réellement lourde.

Thibaut Grégoire

Le Festival de Gand s’est tenu du 13 au 24 octobre 2020

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Bilan critique du 35ème FIFF de Namur

Attendu comme le messie et accompagné de tout un lexique salvateur du courage et de la persévérance, le 35ème FIFF (Festival International du Film Francophone de Namur) a bien eu lieu, évidemment dans des conditions particulières. Puisque la sélection de cette édition singulière a été saluée, notamment par le jury officiel, cela nous donne le champ libre pour en relativiser la qualité et la pertinence, quand bien même elle intervient donc dans un contexte qui restreint l’échantillon de films à la disposition des programmateurs. Si cette sélection nous paraissait peu excitante a priori mais que nous étions prêt à l’explorer sans trop de préjugés et faire des découvertes, force est de constater que nos craintes étaient plus que fondées et que l’écart de qualité avec des éditions précédentes du festival ne peut pas être entièrement justifié par la crise globale – et, dans ce cas-ci, culturelle – liée au covid.

I. Le palmarès du 35ème FIFF de Namur

Palmarès :

Bayard d’Or du Meilleur film : Petit Samedi de Paloma Sermon-Daï.
Bayard spécial du Jury : Josep d’Aurel.
Bayard du Meilleur scénario : Antoaneta Opris & Alexander Nanau pour Collectiv.
Bayard de la Meilleure photographie : Yann Maritaud pour Slalom.
Bayard de la Meilleure interprétation : Virginie Efira dans Adieu les cons.
Prix Agnès : Petit Samedi de Paloma Sermon-Daï.
Deux Mentions spéciales : La Nuit des Rois de Philippe Lacôte et Si le vent tombe de Nora Martirosyan.

Thibaut Grégoire : Comme la remise des prix était retransmise en direct « online », cela me permet de donner à la fois mon avis sur le palmarès mais également sur le déroulement de cette cérémonie. Celle-ci a commencé en beauté avec le prix BeTv – traduction, prix du film populaire et populo – remis à l’épouvantable Un Triomphe, sorte d’ersatz théatro-carcéral du Grand bain, avec un Kad Merad mauvais comme un cochon. Que dire ensuite du prix du public remis au film d’Albert Dupontel. Adieu les cons, c’est plus ou moins ce que j’aurais envie de dire aux spectateurs qui ont voté pour ce film et à un jury qui a apparemment unanimement aimé ce film réac et visuellement hideux. Concernant le palmarès en tant que tel – donc les prix remis par le jury de la compétition officielle –, on se retrouve devant une configuration à la fois consensuelle et tout de même bizarroïde. Ce jury « généreux » a voulu apparemment citer tous les films qu’il a aimé, en donnant notamment deux mentions spéciales, mais a par ailleurs donné deux prix à un film discutable tout en en oubliant un autre, qui me semble être le seul vrai bon film de la sélection. On me rétorquera que les goûts et les couleurs…. Mais ce qui m’a le plus agacé, ce sont les mots choisis pour justifier ces choix et l’autocongratulation qui a suivi. Quand Benchetrit a parlé d’un Bayard d’or remis à l’unanimité à un film d’une pudeur incroyable, je pensais que la victoire était acquise à Heidi en Chine de François Yang, mais ce curieux jury a décidé de remettre son prix de la pudeur à un film qui en a peu. Dans Petit Samedi, Paloma Sermon-Daï fait peut-être preuve d’une certaine pudeur quand elle filme son frère toxicomane lors de ses confessions à sa psychothérapeute, mais n’en a pratiquement aucune quand elle filme sa mère seule, la tournant même carrément au ridicule quand celle-ci fantasme une discussion avec l’animateur d’une radio catholique, ou quand elle insulte une bande de jeunes qui se moque légèrement d’elle. Deux prix pour ce très petit film, c’est en tout cas largement surpayé. D’autant plus quand on sait que l’autre prix reçu est censé récompenser un film qui valorise l’égalité homme-femme, remis ici à un film dont le personnage féminin n’est décrit et montré qu’en tant que mère. À côté de cette double aberration, le jury a également remis un prix du scénario à un autre film documentaire… à la rigueur pourquoi pas, mais ça ne fait que souligner l’aspect surécrit et quasiment hollywoodien du film-dossier Collective. Puis il y a aussi le prix spécial qui devrait probablement récompenser un film audacieux et qui se transforme en prix de la consensualité en revenant au gentil Josep. Après cette remise de prix des plus douteuses, Benchetrit s’est permis de s’autocongratuler, lui et son jury, et a même proposé de manière badine qu’on leur remette un prix du palmarès, tellement celui-ci est fabuleux. À ce degré d’autosatisfaction et de ridicule, il n’y a probablement plus rien à dire et je m’arrête donc là.

Guillaume Richard : Petit Samedi est un film franchement faible (voir la notule ci-dessous) et largement inférieur à un autre documentaire de la compétition, Heidi en Chine, qui est un des rares films qui nous a stimulé dans cette sélection elle aussi faible. Certains se féliciteront peut-être du fait que ce soit une namuroise qui ait gagné le Bayard (et sans doute aussi, bêtise ambiante oblige, parce que c’est une femme) mais il ne faut pas pousser bobonne non plus. Je suis resté de marbre devant Josep, je n’ai donc rien à en dire. Remettre le prix du scénario à un documentaire est toujours compliqué bien qu’il y ait évidemment toujours une forme d’écriture. C’est ici l’efficacité, presque américaine, de Collectiv qui semble être récompensée, car il y a des moments dans le film qui doivent moins à l’écriture qu’au montage et au principe de révélation propre au documentaire. N’est-il pas dommage de remettre le prix d’interprétation à Virginie Efira et à un film qui n’en a pas besoin ? Enfin, le prix Agnès d’une valeur de 5.000 €, décerné « à l’auteur dont l’œuvre témoigne d’un regard original et novateur sur l’égalité homme-femme et d’un imaginaire égalitaire« , autrement dit un prix dont la consistance et la finalité sont discutables, revient là encore à Petit Samedi sans qu’on sache exactement pourquoi au regard d’autres films de la compétition qui semblent bien plus égalitaires à ce niveau là. Bref, ce palmarès n’a ni queue ni tête.

II. La compétition officielle du 35ème FIFF de Namur

-> 1982 de Oualid Mouaness – Fiction – Liban – avec Nadine Labaki, Mohamad Dalli, Rodrigue Sleiman

Thibaut Grégoire : Le début de la guerre du Liban vue par le prisme de l’enfance et d’une classe de primaire devant être évacuée au moment des premiers bombardements. Le film est gentillet, les scènes avec les enfants sont plutôt réussies tandis que celles entre adultes sont innommables, gâchées par des dialogues de soap-opera et par un jeu du même acabit – mention à Nadine Labaki. 1982 est lisse et ennuyeux, mais probablement sauvé du naufrage complet par ses plus jeunes personnages et par un final qui embrasse complètement leur point de vue, notamment par le recours au dessin et la référence au manga.

Guillaume Richard : Rien à signaler dans ce téléfilm laborieux où Nadine Labaki réussit encore à surjouer les émotions les plus intimes. Oualid Mouaness cherche néanmoins par moments à filmer à hauteur d’enfants, notamment lorsque Beyrouth et les attaques militaires sont vues à travers l’imagination d’un jeune garçon incarné par Mohamad Dalli. Cela donne lieu à quelques plans relativement mémorables (épuisants pour nous, mais pourquoi pas…) qui ne parviennent cependant pas à sauver l’ensemble, même si un rapprochement inévitable (et qu’on souhaiterait évité dans la perspective d’une remise de prix) peut être fait avec les événements dramatiques qui ont frappé la capitale du Liban le 4 août dernier. Le film ne fonctionne pas tant Oualid Mouaness peine à filmer et à emboîter aussi bien l’histoire d’amour qui unit Labaki à un autre professeur que celle du garçon qui veut déclarer sa flamme à une fille.

-> Adieu les cons d’Albert Dupontel – Fiction – France – avec Virginie Efira, Albert Dupontel, Nicolas Marié

Thibaut Grégoire : Le cinéma de Dupontel ne m’a jamais plu et ce n’est pas avec cette comédie rance et laide que ça va changer. Le jury a exprimé son amour pour le film, notamment en couronnant Virginie Efira pour son interprétation. Faire triompher une actrice pour un de ces plus mauvais rôles, c’est toujours très embarrassant. Je pensais que ce film allait enfin montrer que Dupontel est un faux gentil, vaguement réac, mais il n’en est apparemment rien. Tout le monde aime Adieu les cons, les professionnels comme le public. Finalement, cet horrible titre est peut-être ironique….

Guillaume Richard : Pas vu, ou plutôt évité (à cause de préjugés, qui apparemment se sont vérifiés).

-> Collectiv d’Alexander Nanau – Documentaire – Roumanie

Thibaut Grégoire : Film à sujet, film-dossier, Collective documente les scandales politiques liés au service de santé en Roumanie ces dernières années. Le film est clairement divisé en deux parties, à la fois structurellement et qualitativement. Suivant des journalistes engagés, clairement habitué à la caméra et déterminés à tirer parti de celle-ci, la première ressemble presque à un film de fiction américain, façon Spotlight, une machinerie bien huilée dont le but principal est de convaincre à tout prix. La seconde s’intéresse au nouveau ministre de la santé, présenté comme atypique et humain, et l’accompagne dans sa découverte pas à pas de magouilles qui l’ébahissent. Lors de cette seconde partie, le film s’éloigne de son chemin balisé et de la démonstration pure et simple. C’est là qu’il peut réellement exister en tant que film de cinéma, même s’il s’avère dans son ensemble être plutôt un document, une pièce de l’histoire politique contemporaine, qu’un véritable film d’auteur.

Guillaume Richard : Ce documentaire roumain s’intéresse à l’incendie du Colectiv Club, une discothèque de Bucarest, causant la mort de plusieurs dizaines de personnes et révélant un scandale sanitaire au sein des hôpitaux du pays. Ce que montre le film est indiscutablement fort, des survivant(e)s de la tragédie à la situation lamentable des soins de santés (nous voyons des cadavres pourrir sur leurs lits), en passant par la corruption généralisée qui gangrène plusieurs niveaux de la société. Co-produit par HBO Europe, Collectiv ressemble ainsi à une machine de guerre hollywoodienne, à mi-chemin du documentaire Netflix et du film d’investigation tel que Spotlight de Tom McCarthy, Oscar du meilleur film en 2016. Le film reste néanmoins connecté au réel en révélant la réalité des mensonges et, fort heureusement, de la survivance et du courage. Il devient moins programmatique lorsque Alexander Nanau cesse de suivre le journaliste qui a révélé les différents scandales pour pénétrer dans le quotidien du nouveau ministre de la santé, un jeune idéaliste qui rêve d’éradiquer la corruption. Collectiv est construit en deux temps et c’est ce qui lui permet d’échapper au schématisme lourd que laissait présager sa première demi-heure.

-> Heidi en Chine de François Yang – Documentaire – Suisse

Thibaut Grégoire : Accompagnant sa mère Heidi sur les traces du passé de sa famille et de la Chine, dans un voyage lui permettant de retrouver des frères et une sœur qu’elle n’a jamais vraiment connus, François Yang déploie un récit humain dans lequel l’intime enrobe et accueille une quête d’identité liée à l’histoire socio-politique d’un pays et parvient à en dire beaucoup sur le sujet qu’il étreint sans jamais tomber dans la démonstration ou le didactisme. La manière dont ce film supplante à mon avis tous les autres au sein de la compétition officielle en dit long sur la cohérence de celle-ci. Évidemment, ce documentaire intimiste n’a pas vraiment été l’objet d’une mise en avant de la part de l’organisation du festival ou des médias le couvrant, on a préféré mettre l’accent sur les films à sujets et/ou coup-de-poing. C’est finalement assez logique qu’il n’ait pas récolté de prix, même si cela me met profondément en colère.

Guillaume Richard : Le film le plus fort vu cette année au festival, alors que son titre m’avait bêtement refroidi ! Merci à Thibaut, dénicheur de talents, pour la découverte. C’est incompréhensible que Heidi en Chine n’ait pas gagné au moins un prix. Le voilà très probablement destiné aux oubliettes. Dès les premières minutes, on est pris par le mystère et l’émotion devant cette femme à l’histoire singulière, qui est la mère du cinéaste et dont les zones obscures de sa vie vont être lentement éclaircies. François Yang filme toujours frontalement (Dieu merci, les plans de dos, sur la nuque, sont minoritaires voire absents) et aux côtés des protagonistes sans avoir besoin d’un dispositif qui aurait pu être aliénant ou inutile. Bien au contraire, en faisant confiance à la magie irréductible du réel et au pouvoir de révélation du documentaire, François Yang parvient à dépasser le cadre de la petite chronique familiale, dont il dresse un portrait à la fois émouvant et complexe, pour toucher quelque chose de plus universel. La dernière partie, qui repose sur la révélation du demi-frère d’Heidi, fonctionne comme une puissante épiphanie où les larmes n’ont rien d’impudique mais en disent beaucoup sur une histoire intime (celle de la famille) et collective (celle de la Chine).

-> Josep d’Aurel – Fiction/Animation – France – avec les voix de Sergi López, Bruno Solo, David Marsais

Thibaut Grégoire : Pour aborder un sujet historique délicat – la guerre d’Espagne et les camps de prisonniers – le dessinateur Aurel a choisi une ligne claire, une animation (très) épurée et un didactisme aplanissant. Pourquoi pas… Mais lorsqu’apparaissent enfin à l’écran les vrais dessins du protagoniste Josep – caricaturiste emprisonné dans un camp – dans toute la brutalité de leurs traits, la fadeur appliquée du reste du film ne ressort que plus flagrante. Là encore – comme dans 1982 – le final vient peut-être sauver quelque chose et justifier l’utilisation du dessin pour raconter cette histoire…. Mais ce n’est pas assez pour imprimer quelque chose durablement dans une mémoire de spectateur à mon avis, en tout cas pas dans la mienne puisque les estampes s’estompent déjà peu à peu.

Guillaume Richard : Vu deux fois, avec la même impossibilité de me laisser affecter. Si le film jouit d’un consensus critique qui me paraît exagéré (il faut consulter les critiques presses sur Allociné, certaines sont bien sucrées), je suis resté absolument sur le carreau, et je fixe donc rendez-vous au film plus tard pour une nouvelle rencontre.

-> La Déesse des mouches à feu d’Anaïs Barbeau-Lavalette – Fiction – Québec – avec Kelly Dépeault, Éléonore Loiselle, Caroline Néron

Thibaut Grégoire : L’indéniable navet de cette sélection : une espèce de caricature boursoufflée de l’idée fausse que l’on pourrait se faire d’un film québécois hystérique. C’est un peu comme si un monteur fou avait réalisé une compile de tout ce qu’il y a de pire et exaspérant dans le cinéma de Xavier Dolan – cinéaste par ailleurs apprécié – tout en grossissant le trait jusqu’à en faire une parodie. On en revient encore à la pudeur, à ce qu’il faut filmer ou pas, ce que l’on choisit de montrer et comment on le fait. Dans le cas présent, est-il nécessaire de faire un film sur des jeunes drogués en n’omettant dans aucun plan – presque littéralement – de montrer des jeunes filles et des jeunes garçons en train de se remplir le pif allègrement. Si le film est involontairement parodique, il prend en tout cas volontairement ses spectateurs pour des idiots auxquels il faut bien bourrer le mou et enfoncer le clou.

Guillaume Richard : Vingt ans plus tard, la scène culte de Titanic où Leonardo DiCaprio porte Kate Winslet les bras levés dans le vent fait encore des émules. Ici, elle est même saupoudrée d’un peu de Dolan pour mieux la lisser encore : le ridicule peut tuer, malheureusement. Et il atteint des sommets dans ce navet intersidéral venu du Québec. Catherine, dont on se demande comment elle n’est pas déjà morte d’une overdose, rencontre un bad boy pas si paumé et plutôt mélancolique. Il la ramène chez elle en vélo et c’est là qu’elle monte à l’arrière et profite de l’air en levant les bras horizontalement. Pour ceux qui n’avaient pas encore compris, elle se sent libre, ou plutôt elle trouve une forme de liberté en fuyant ses problèmes. L’adolescence, ça peut être beau et destructeur à la fois. Comment Catherine en est-elle arrivée là ? Ses parents ont des disputes violentes. Elle regarde aussi avec envie un groupe de jeunes marginaux. Et là bam, tabarnak, comme tous les gens qui rencontrent des problèmes, la pauvre petite sombre dans la drogue ! Le film s’ouvre sur un horrible plan de sa nuque où on l’entend respirer (par pitié, quand en finira-t-on avec ce cliché épuisant ?) et plus tard, quand ça ne va pas, elle plonge sous l’eau, vraisemblablement dans une piscine (?), au cas où on ne comprendrait pas qu’elle étouffe. Le film est donc très convenu et, comme Slalom, il clignote beaucoup. On suit ainsi la déchéance programmée de Catherine et on sait exactement à quelles scènes s’attendre. Quand son chum se suicide à la fin, Anaïs Barbeau-Lavalette a le mauvais goût de filmer et de monter des séquences où le garçon semble radieux, tel un ange qu’on aurait crucifié trop tôt. À ce moment, malheureusement (encore), j’ai ri, ce n’était plus possible de se retenir.

-> La Nuit des Rois de Philippe Lacôte – Fiction – Côte d’Ivoire – avec Koné Bakary, Steve Tientcheu, Rasmané Ouédraogo

Thibaut Grégoire : Il a fallu dépasser les premières scènes et un style de jeu très « télénovelas » pour entrer dans ce film qui embrasse dans son esthétique et sa narration des influences du théâtre africain et de la tradition orale. Les rites de croyance empruntant constamment à la théâtralité qui sont montrés dans le film font à la fois l’intérêt et la limite du film, le délimitant dans un carcan défini. La Nuit des rois exerce néanmoins un certain pouvoir de fascination, qu’il est difficile d’expliquer, mais échoue dans son dernier tiers à porter son discours sur la croyance et le pouvoir des histoires vers une dimension métaphysique et/ou fantastique qui ne se devine qu’entre les lignes.

Guillaume Richard : Dans une prison d’Abidjan, un jeune prisonnier est désigné comme nouveau « Roman », un rituel qui consiste à l’obliger de raconter des histoires toute une nuit. Durant celle-ci, une événement des plus improbables se produit : Barbe Noire, le chef des prisonniers, meurt et se réincarne en Bambi dans la forêt qui entoure la prison ! Ce postulat grotesque est renforcé par les chorégraphies des prisonniers qui jouent les histoires que raconte Roman et d’autres passages fulgurants qui n’ont peur de rien (un éléphant numérique qui passe à l’attaque !). Malgré cet ésotérisme fumeux, La Nuit des Rois tente un pari résolument anti-naturaliste avec honnêteté et persévérance. Comme nous aimons les films poreux, on ne peut pas lui reprocher cette dimension conceptuelle plutôt minoritaire dans le cinéma actuel où dominent la psychologie, le réalisme et le naturalisme.

-> La Troisième Guerre de Giovanni Aloi – Fiction – France – avec Anthony Bajon, Karim Leklou, Leïla Bekhti

Thibaut Grégoire : On peut apparemment voir dans ce film une immersion existentielle dans le vide patriotique et la paranoïa de jeunes hommes et femmes sans repères, lesquels se réfugient dans l’armée suite à un électrochoc – ici les attentats de novembre 2015 en France. Je n’y ai pour ma part vu qu’un film coup-de-poing extrêmement naïf qui enfile des lieux communs sur le non-interventionnisme de l’armée et le sentiment d’impuissance des soldats. J’aurais effectivement aimé que la mise en scène nous place plus dans la tête des protagonistes mais ce que l’on voit n’est qu’une enfilade de scènes « à faire » montrant leur impuissance sur le terrain. Peut-être que je suis passé à côté de ce film, que je n’y ai pas vu ce qu’il fallait y voir…. Ce que j’ai vu et entendu m’a fortement déplu : des pistes scénaristiques lâchées dans le vent puis rattrapées en cours de route pour servir de « deus ex-machina », une voix-off laborieuse et échouant à mon avis à saisir le basculement psychologique qui mène le héros à ses actes de la fin du film, une bande son plutôt assommante et un casting inégal duquel il faut tout de même sauver le prometteur Anthony Bajon, au jeu et à la personnalité singulière.

Guillaume Richard : La Troisième Guerre, le deuxième film que j’ai aimé durant le festival, s’intéresse à ce qui se passe dans la tête de trois militaires engagés dans les rues de Paris pour endiguer la menace terroriste. La force du film réside moins dans le portrait résolument psychologique des personnages que dans la description du vide absurde et presque métaphysique qui l’entoure. Les trois militaires, comme des machines tournant à vide, sont en effet livrés à eux-mêmes et obligés de se raconter des histoires dans lesquelles le mal à combattre doit trouver une place. Ils voient littéralement le mal partout et en même temps, comme on le sait, ils ne peuvent pas intervenir en dehors de leurs missions. Le film montre bien cela, et va parfois plus loin sans pour autant aller là où on pouvait l’attendre : dans la science fiction, où une troisième guerre aurait pu éclater. Léo (Anthony Bajon) y fait pourtant allusion dans un monologue. Le film postule plutôt que la troisième guerre est déjà en cours contre Daech mais aussi peut-être, plus maladroitement, dans les affrontements entre les casseurs ayant intégrés la lutte des gilets jaunes et la police. C’est clairement la limite politique du film, qui est ici plutôt contradictoire. Car lorsque la Marseillaise retentit et est chantée par les militaires d’une façon un peu retenue et saccadée, on se dit que le film réussit quand même à faire ressentir toute l’absurdité d’une guerre difficile à mener.

-> Petit Samedi de Paloma Sermon-Daï – Documentaire – Belgique

Thibaut Grégoire : J’ai toujours du mal avec ce type de dispositif documentaire qui consiste pour un réalisateur ou une réalisatrice à filmer des membres de sa famille frontalement, dans la quotidienneté, pour exposer un « problème » qui les travaille intimement. Dans Petit Samedi, Paloma Sermon-Daï filme son grand-frère, Damien, qui souffre de toxicomanie, et ses rapports avec sa mère, laquelle semble se dédier exclusivement à surveiller et prendre soin de ce fils fragile – qui en retour prend également soin d’elle –, parfois au détriment de ses autres enfants. Puisque de pudeur il a été question au moment ou le Bayard d’Or a été remis à ce film, parlons-en plus longuement. Le film est à mon avis à la fois déséquilibré et intéressant quant à son degré de pudeur, justement. Premièrement, concernant certaines scènes, il est difficile de dire ce qui est rejoué et ce qui a été pris sur le vif. Dans un cas comme dans l’autre, ce qu’il en ressort, c’est que les scènes où la réalisatrice filme son frère seul ou face à sa psy, dans la manière de filmer et dans ce qui est dit et montré, referment il est vrai une certaine dose de retenue, quand bien même le personnage se place tout de même dans une démarche confessionnelle, directe et sans beaucoup de filtres par rapport à ce qu’il déballe. Par contre, d’autres scènes, avec la mère, sont d’après moi beaucoup plus problématique. Là encore, qu’il s’agisse de scènes rejouées ou non, le résultat est dans les faits nettement plus impudique, se rapprochant même par moments de la sinistre émission « Strip-Tease ». La pudeur ne relève pas seulement ce que les personnes sont prêtes à donner devant la caméra, c’est aussi la manière dont ceci est capté par celui qui filme, et aussi ce que le spectateur est prêt à recevoir de ce qui est donné et capté. La question de la pudeur et du malaise doit à mon avis prendre en compte ces trois parties prenantes du film (filmé / filmeur / spectateur).

Guillaume Richard : Beaucoup de films, qu’ils soient de fiction ou de documentaire, reposent aujourd’hui sur une équation bien connue : « mettre en place un dispositif de distanciation = éviter le pathos ». Sauf qu’à force de prendre des distances, on peut en arriver à ne plus rien raconter du tout. C’est l’impression que m’a laissé Petit Samedi avec ses longs plans fixes léchés et toujours cadrés à plusieurs mètres des protagonistes, soit tout l’inverse de Heidi en Chine qui est aux côtés de ses personnages tout en réussissant à éviter le pathos et à dépasser le cadre de la petite chronique familiale. Il y a dans Petit Samedi une artificialité créée par ce respect de la distance, qui se double d’une sorte de vacuité puisque peu de choses émergent des séquences. Celles avec la mère sont ainsi gênantes, on la voit par exemple parler à des jeunes qui se moquent d’elle dans une scène qu’on dirait maladroitement prédisposée. Le dispositif fonctionne un peu avec le frère, qui est le véritable sujet du film, mais l’ensemble reste conventionnel.

-> Si le vent tombe de Nora Martirosyan – Fiction – Arménie – avec Grégoire Colin, Hayk Bakhryan, Arman Navasardyan

Thibaut Grégoire : Il y a quelques idées et quelques images qui me plaisent et qui me restent de ce film dont je ne peux par ailleurs pas dire grand-chose. C’est peut-être le fait d’avoir vu trop de (mauvais) films en peu de temps et d’essayer de concevoir un avis et/ou un ressenti sur chacun, qui m’empêche de comprendre pourquoi j’apprécie celui-ci. J’en vois les défauts – certains dialogues martelés, un maniérisme parfois embarrassant, – mais j’ai préféré en garder les qualités, que je n’arrive malheureusement pas à verbaliser. Au lieu de me lancer dans des lieux communs, je préfère donc ne pas dire plus que ceci.

Guillaume Richard : Pas vu.

-> Slalom de Charlène Favier – Fiction – France – avec Noée Abita, Jérémie Renier, Muriel Combeau

Thibaut Grégoire : Encore un « grand » film à sujet au sein de cette compétition, cette fois-ci sur l’emprise et les abus sexuels – en l’occurrence dans le sport. Slalom est un film-démonstration, qui veut retracer le parcours d’une ado sous emprise, du début des abus jusqu’au moment où elle trouve la force de dire « Non » – c’est le dernier mot prononcé à la fin du film, qui sonne comme un « CQFD » conclusif. Malheureusement, le film échoue à capter tous les moments de cette trajectoire, ces « slaloms » qui devraient pourtant constituer le cœur du film, qui sont bien là visuellement mais que la mise en scène échoue à théoriser et/ou à élever émotionnellement en les mettant en parallèle avec ce que vit l’héroïne. Reste Noée Abita dans le rôle principal, qui n’aurait sans doute pas volé un prix d’interprétation….

Guillaume Richard : Tronquant une paire de ski offrant légèreté et agilité pour se chausser de très gros sabots, Slalom prolonge la tradition du film coup de poing, maîtrisé au millimètre près, qui ne cesse de clignoter en appuyant sur de nombreux détails afin de bien suggérer au spectateur ce qui l’attend. En l’occurrence, une agression sexuelle suivie d’une relation toxique d’emprise d’un moniteur de ski sur une jeune skieuse talentueuse. Si le film évite une chute fracassante grâce à ses 20 dernières minutes, la montée comme la descente furent pénibles à force de mâchouiller un seul et même sujet, sans surprises ni autres perspectives, ce qui est le problème de bien des films dits « à sujet ». La preuve avec le personnage de Maximilien, l’ado bien coiffé que Lyz (Noée Abita) embrasse sans suite. Mention spéciale également aux plans de montagnes dont on ne sait s’ils ont été imposés par la région Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma qui a co-produit le film ou s’ils évoquent quelque chose de précis.

-> Une vie démente d’Ann Sirot & Raphaël Balboni – Fiction – Belgique – avec Jo Deseure, Jean Le Peltier, Lucie Debay

Thibaut Grégoire : Au sein d’une sélection très faible, on en vient à surévaluer et réévaluer des films pour ce que j’appellerais des qualités négatives. Une vie démente n’est selon moi pas à proprement un film à sujet car son sujet – Alzheimer – n’est finalement qu’une manière de parler des personnages qu’il met en scène et d’observer les acteurs dans leur jeu. Le film n’est également pas obscène dans sa représentation de la maladie car il parvient à détourner cette obscénité par un « décalage poétique » plus ou moins réussi. Au-delà de ce que le film n’est pas, il s’avère plutôt honnête et humble, et permet surtout à ses acteurs d’exister et de créer ensemble. Le prix d’interprétation pour un ou plusieurs membres du casting n’aurait là non plus pas été démérité, d’autant plus quand on sait où il a fini par atterrir – je vise là le rôle et le film, pas l’actrice.

Guillaume Richard : Vous n’avez pas d’idées de cadeaux pour Noël ? Ann Sirot et Raphaël Balboni peuvent vous aider grâce à la ligne de vêtements qu’ils semblent avoir développée autour du thème floral et verdoyant qu’on retrouve dans Une vie démente, décliné à la fois en masque, t-shirts ou jeu de lit (personnellement, je commanderai(s) ce dernier). La présentation du film par l’équipe s’accompagnait ainsi d’un mini défilé de mode. Est-ce qu’ils fabriqueront également une autre gamme de vêtements inspirée des séquences où les personnages se rendent chez le médecin ou le banquier ? Durant celles-ci, la couleur de leurs habits, chaque fois différente, s’accorde avec celle de la pièce sans qu’on en comprenne réellement la finalité, si ce n’est peut-être d’apporter une touche décalée à la belge. Celle-ci est sous-entendue dans le titre qui joue sur son double sens, et le film, par moments, parvient à être dément sans oser creuser dans ce sillon. Il opte au contraire pour un portrait sensible et attendu d’une femme atteinte d’une maladie neurodégénérative. Le programme est connu : petit à petit, la situation va se dégrader jusqu’à atteindre des moments parfois éprouvants. Même si le film s’intéresse aux relations des quatre personnages principaux (les acteurs sont très bons, aidés par la liberté octroyée par la mise en scène), il peine à montrer autre chose que les dégâts causés par la maladie. Le choix de filmer les séquences frontalement et en une prise n’apporte pas grand chose, et laisse peu de place au spectateur pour respirer. Et lorsque c’est le cas, et que l’émotion monte, une musique additionnelle envahissante vient parfois tartiner les scènes. Dommage.

-> Vaurien de Peter Dourountzis – Fiction – France – avec Pierre Deladonchamps, Ophélie Bau, Sébastien Houbani

Thibaut Grégoire : Là aussi, il s’agit d’un film qui repose pour moi sur une qualité négative. Ce n’est pas du tout un film à sujet et j’imagine que c’est ça qui ne m’a pas déplu. C’est un film de personnage. On suit un protagoniste qui n’est pas attachant, pas sympathique, qui s’avère même être une ordure. On le suit, c’est tout. La dimension arbitraire de cette démarche peut agacer ou intéresser. Dans le flux de films à thèses et à grands sujets de société, terminer le FIFF – c’était le dernier film que j’ai vu en salles cette année – par un film qui ne parle de rien sinon d’un homme et de sa trajectoire, et qui le fait de manière déterminée, voire bornée, n’était pas désagréable même si le film en tant que tel n’est certainement pas agréable.

Guillaume Richard : Pas vu.

III. Les films « hors-compétition »

-> Un triomphe d’Emmanuel Courcol – Fiction – France – avec Kad Merad, David Ayala, Sofian Khammes (Film de clôture)

Thibaut Grégoire : Comme dans Le Grand bain de Gilles Lellouche, le « feel-good movie » rassembleur dissimule ici également quelque chose d’un peu rance sur la masculinité retrouvée à travers une activité (re)valorisante. Un triomphe, dans ce qu’il raconte, est vraiment très curieux et pervers, car il met en scène un « loser » – un acteur raté – qui entraînent d’autres « losers » – des détenus – dans un projet de pièce de théâtre censé les aider dans leur parcours, alors qu’au final, c’est lui – le mauvais acteur professionnel, donc – qui va tirer profit de cette « aventure humaine » pour se mettre en valeur. À cet égard, le climax du film est tout simplement insupportable, d’autant plus qu’il est « porté » par un monologue surjoué par le cabotin Kad Merad, qui est effectivement un mauvais acteur.

-> La Francisca, une jeunesse chilienne de Rodrigo Litorriaga – Fiction – Belgique – avec Javiera Gallardo, Aatos Flores, Francisco Ossa (Les Pépites)

Thibaut Grégoire : Derrière la chronique vendue par le titre et l’aspect monotone d’un film classique se cache en réalité un déplaisant film à twist, ou la banalité du quotidien et l’arrière fond socio-politique dissimule un secret qui permet de terminer le film en forme de claque administrée au spectateur. Rodrigo Litorriaga manipule ses spectateurs et les endort pour mieux leur révéler avec fracas ce qu’ils auraient été trop bête pour découvrir d’eux-mêmes. Cette « pépite » pue trop pour être de l’or.

-> Ailleurs, partout d’Isabelle Ingold et Vivianne Perelmuter – Documentaire – Belgique (Place au doc belge)

Thibaut Grégoire : Difficile d’émettre un avis de cinéphile sur ce genre de documentaire d’installations : le récit en voix-off d’un réfugié iranien en errance posé sur des images de caméras de surveillance venues des quatre coins du monde. Comme concernant un court-métrage vu également cette année au FIFF – Nuit debout, avec un dispositif en trois écrans, destiné aux musées mais ici projeté en salles –, le film échappe à l’analyse car, soit il s’auto-suffit conceptuellement, soit son contenu est trop flou pour ne pas devoir être accompagné d’une solide note d’intention en amont de sa vision.

-> China Dream de Hugo Brilmaker et Thomas Licata – Documentaire – Belgique (Place au doc belge)

Thibaut Grégoire : Couronné de manière incompréhensible d’un prix du public du documentaire, ce reportage léché et maniériste terminera probablement sur La Trois. Que ce film-ci ait été préféré à Heidi en Chine, voire même à Collective ou Petit Samedi, en dit long sur la manière dont la majorité des spectateurs conçoivent le documentaire. Tant que celui-ci sera représenté par ces productions belges qui passent à la télé, « documentaire » sera toujours synonyme de « reportage » dans la tête du grand public.

-> Douce France de Geoffrey Couanon – Documentaire – France (FIFF Campus)

Thibaut Grégoire : Dans ce documentaire « engagé », des adolescents mènent l’enquête sur l’utilité et les potentiels dangers de l’installation d’un nouveau complexe commercial sur des champs d’agriculture dans la région parisienne. Difficile de savoir à la vision de ce film à quel point les adolescents filmés sont autonomes dans leur démarche, tant ils semblent plutôt être instrumentalisés – par leurs professeurs et/ou par l’équipe du film – pour choisir la « bonne » voie et adopter la « bonne » opinion sur le sujet. Un documentaire qui ne donne à ce point aucune clé sur sa fabrication et tente de gommer toute trace de la méthode utilisée ne peut que s’exposer à des interrogations sur l’honnêteté de sa démarche.

Le 35ème FIFF s’est déroulé du 2 au 9 octobre 2020 à Namur


Top dix des années 10

Et puisque la fin de l’année est aussi celle d’une décennie, autant faire les choses bien et également proposer modestement un échantillon de ce qui a pu me marquer et forger ma cinéphilie pour la suite des événements….

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1. L’Etrange affaire Angelica (Manoel de Oliveira – 2011)
2. Mektoub My Love : Canto Uno (Abdellatif Kechiche – 2018)
3. Oncle Boonmee (Apichatpong Weerasethakul – 2010)
4. The Tree of Life (Terrence Malick – 2011)
5. Once Upon a Time in Hollywood (Quentin Tarantino – 2019)
6. Paterson (Jim Jarmusch – 2016)
7. Un jour avec, un jour sans (Hong Sang-soo – 2016)
8. Melancholia (Lars von Trier – 2011)
9. La Villa (Robert Guédiguian – 2017)
10. Under The Skin (Jonathan Glazer – 2014)

(PS : Il y a des gros absents dans cette liste. Bruno Dumont notamment, duquel j’ai longtemps hésité à inclure P’tit Quinquin. Mais le statut fluctuant de cette œuvre (film ou série ?) aura fait pencher la balance d’un côté. J’ai également décidé de ne pas mettre deux films d’un même auteur : exit donc La Vie d’Adèle et The House that Jack Built.)


Top 2019

Peu de commentaires à faire sur ce top, si ce n’est que l’année a permis de rendre sa conception compliquée et fluctuante au fil des visions, des « re-visions », des réévaluations et dévaluations….

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  1. Once Upon a Time in Hollywood (Quentin Tarantino)
  2. Glass (M. Night Shyamalan)
  3. La Flor (Mariano Llinás)
  4. It Must Be Heaven (Elia Suleiman)
  5. L’Heure de la sortie (Sébastien Marnier)
  6. Douleur et gloire (Pedro Almodóvar)
  7. Parasite (Bong Joon-ho)
  8. Synonymes (Nadav Lapid)
  9. Le Daim (Quentin Dupieux)
  10. Us (Jordan Peele)

(Bonus : 11. Ad Astra (James Gray), 12. Joker (Todd Phillips), 13. Les Éternels (Jia Zhang-ke), 14. Les Oiseaux de passage (Ciro Guerra, Cristina Gallego), 15. Le Mystère des pingouins (Hiroyasu Hishida))


Flop 2019

Comme à l’accoutumée, ce petit florilège du pire de ce qu’il ma été donné de voir lors de l’année écoulée ne reflète certainement pas une vérité objective. Il est comme souvent majoritairement composé de films qui se retrouveront probablement dans les tops de quelques observateurs patentés de la production cinématographique actuelle. Le premier de ce flop figure même parmi les cinq meilleurs films de l’année ainsi désignés par la confrérie des critiques de mon petit pays…. Il n’y a par ailleurs que deux comédies françaises dans cette liste – dont l’une a d’ailleurs été largement adoubée par les détenteurs du bon goût. Nul doute que bien d’autres représentants du genre mériteraient probablement d’y figurer, mais il se trouve que j’ai décidé de ne plus – ou plus trop – m’infliger ce qui m’afflige.

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  1. L’Œuvre sans auteur (Forian Henkel von Donnersmarck)
  2. Fatwa (Mahmoud Ben Mahmoud)
  3. The Good Liar (Bill Condon)
  4. Les Hirondelles de Kaboul (Zabou Breitman, Eléa Gobbé-Mévellec)
  5. Papicha (Mounia Meddour)
  6. Ibiza (Arnaud Lemort)
  7. Rocketman (Dexter Fletcher)
  8. Yesterday (Danny Boyle)
  9. Hors Normes (Eric Toledano, Olivier Nakache)
  10. Sorry We Missed You (Ken Loach)

FILM FEST GENT 2019 – Journal de bord

Petit retour sur les films vus lors de cette sélection du Film Fest Gent. Classement et cotations….

 

1/ Zeroville de James Franco (7/10)

2/ Les Siffleurs de Corneliu Porumboiu (6/10)

3/ Little Joe de Jessica Hausner (6/10)

4/ The Art of Self-Defense de Riley Stearns (6/10)

5/ A Girl Missing de Kôji Fukada (6/10)

6/ The Dead Don’t Die de Jim Jarmusch (6/10)

7/ Knives Out de Rian Johnson (6/10)

8/ Light of My Life de Casey Affleck (5/10)

9/ Le Lac des oies sauvages de Yi’nan Diao (5/10)

10/ Les Misérables de Ladj Ly (5/10)

11/ Atlantique de Mati Diop (5/10)

12/ Il Traditore de Marco Bellocchio (5/10)

13/ The Lighthouse de Robert Eggers (4/10)

14/ Never Grow Old de Ivan Kavanagh 4/10)

15/ Ghost Tropic de Bas Devos (4/10)

16/ Vivarium de Lorcan Finnegan (4/10)

17/ Instinct de Halina Reijn (2/10)

 

La 46ème édition du Festival du Film de Gand s’est tenue du 8 au 18 octobre 2019

Plus d’infos sur le site du festival


FILM FEST GENT 2019 – Palmarès

Les membres du Jury de cette édition 2019 du Film Fest Gent, Joachim Lafosse, Guy Lodge, Midge Costin, Radu Jude, Fiorella Moretti et Dora Bouchoucha Fourati, ont rendu leur verdict,et ont attribué le Grand Prix du festival au film mongol Öndög de Quan’an Wang.

Grand Prix du meilleur film : Öndög de Quan’an Wang

Prix George Delerue de la meilleure musique : Monos d’Alejandro Landes

Prix spécial du jury pour la meilleure réalisation : Martin Eden de Pietro Marcello

La 46ème édition du Festival du Film de Gand s’est tenue du 8 au 18 octobre 2019

Plus d’infos sur le site du festival


FIFF 2019 – Carnet de bord (3)

Dernier regard dans le rétro vers le FIFF, avant de se tourner vers d’autres horizons. Si cette fin de festival aura été parsemés de films académiques et/ou opportunistes, ce sont heureusement le retour en grâce de Xavier Dolan ou encore la bonne surprise Adam qui auront marqué notre esprit.

 

Noura rêve de Hinde Boujemaa

Derrière l’appel au rêve et à l’évasion sous-entendu par son titre, Noura rêve dissimule en réalité un très déplaisant film coup-de-poing qui ne fait qu’enfermer et torturer son personnage principal en la regardant benoîtement se débattre dans une relation toxique avec un mari menteur et violent, tout en lui faisant miroiter – et au spectateur par la même occasion – une sortie possible, l’espoir d’un salut. Dans ce genre d’entreprise cynique, l’évocation d’un bonheur possible n’est qu’une diversion pour mieux préparer l’impact d’une claque sadique administrée au spectateur.

Note : 1/10

 

Matthias et Maxime de Xavier Dolan

Texte à venir sur Le Rayon Vert

Note : 7/10

 

Le Choc du futur de Marc Collin

Premier film théâtral et prétentieux qui se pique de rendre hommages aux « pionnières » de la musique électronique dans un faux huis-clos parsemé de tirades didactiques et appuyées qui réécrivent l’histoire de manière rétrospective à la lumière d’une pensée et de mouvements actuels.

Note : 2/10

 

Adam de Maryam Touzani

Si, sur le papier (et dans le programme du festival), Adam faisait très peur, avec ses allures de film à sujet lourd de sens, il s’agit en réalité plutôt d’un film de personnages, qui décrit ceux-ci et les fait vivre de manière consciente et bienveillante en les laissant s’épanouir dans un récit et une mise en scène qu’ils – ou plutôt elles – guident.

Note : 6,5/10

 

Le Milieu de l’horizon de Delphine Lehericey

Téléfilm académique destiné à une diffusion en prime-time sur la RTBF, suivi d’un débat. Tout respire le « pittoresque » régional dans cette petite chronique campagnarde parsemée de « beaux » acteurs.

Note : 2/10

 

Revenir de Jessica Palud

Jessica Palud a donc dû convoquer les talents conjugués de Diastème et de Philippe Lioret pour accoucher d’un scénario d’une rare indigence, donnant logiquement lieu à un téléfilm insipide ressassant le sempiternel retour du fils dans son village natal pour y affronter toute une série de secrets familiaux « pesants ». Que des acteurs par ailleurs intéressants et prometteurs – Schneider, Exarchopoulos ou encore Patrick d’Assumçao – aient accepté un projet aussi vide laisse songeur.

Note : 2/10

 

Le FIFF s’est tenu du 27 septembre au 4 octobre à Namur

Plus d’infos sur le site du festival


FIFF 2019 – Carnet de bord (2)

Tandis que Fabrice du Welz livre l’un de ses meilleurs films à ce jour, Donzelli revient à la fausse légèreté de ses débuts et César Diaz s’érige comme nouveau petit maître du film à sujet. Deuxième compte-rendu des films vus au FIFF…

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Les Héros ne meurent jamais de Aude-Léa Rapin

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Il faut passer outre l’aspect rebutant du premier film d’Aude-Léa Rapin, sa forme ingrate de « mockumentaire » mal dégrossi, ses saillies parfois grossières dignes d’un ersatz notoire de C’est arrivé près de chez vous, sa manière déplaisante de faire la morale, de juger son personnage principal en lui opposant la « misère du monde » – en l’occurrence les fantômes de la guerre, à Sarajevo -, ou encore supporter la prestation cabotine d’Adèle Haenel, qui risque ici d’agrandir largement le panel de ses détracteurs. La liste est longue mais il faut peut-être effectivement dépasser tout ça… car Les Héros ne meurent jamais referme au moins une idée forte qui peut potentiellement le faire basculer dans une autre dimension, lui donner une ampleur inattendue, pour autant que l’on puisse en saisir la portée et ne pas se laisser parasiter par les tares apparentes du film. Si, dès la première scène, on comprend que le film tend à parler de réincarnation, ce qui éveille immédiatement notre intérêt, le chemin qu’il emprunte laisse penser que cette piste est tout simplement niée, balayée par une scène du film lors de laquelle la croyance du personnage principal est tournée en ridicule. Puis cette piste revient en filigranes lors d’une scène finale qui vient littéralement « sauver » le personnage et le film, les faisant accéder à une forme de grâce inespérée, néanmoins bâtie sur des bases bancales. En cela, le film peut être réévalué après coup car on peut dès lors l’intellectualiser en partant d’une réelle émotion ressentie. Cette émotion que peut procurer la surprise de la fin agit ainsi comme une véritable clé, une pierre de rosette permettant de décrypter un film auquel on était précédemment hermétique.

Note : 5/10

 

Nuestras madres de César Diaz

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Sacré « meilleur premier film » (Caméra d’Or) lors du dernier Festival de Cannes, Nuestras madres est probablement voué à devenir un mètre-étalon de la manière dont le sous-genre du film à sujet « engagé » et « personnel » est en train de se substituer tout doucement à un cinéma d’auteur porté par le point de vue et le regard singulier d’un cinéaste sur son art. Puisqu’il faut l’appréhender à l’aune de ce qu’il est, donc un film à sujet mixant un récit fictionnel à une démarche alternativement documentaire, on peut donner comme argument « contre » le film, en dehors de tout emballement ou d’une position tranchée sur ce type de cinéma, le déséquilibre qui le traverse entre une distance d’apparat, cette manière d’en dire le moins, de surjouer la suggestion, et ses débordements de sentimentalité exacerbée, soulignés par des plans clichés censés « sublimer » la dignité des personnages.

Note : 3/10

 

Notre Dame de Valérie Donzelli

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En revenant à la fantaisie teintée de désenchantement qui était à l’œuvre dans son premier long métrage (La Reine des pommes), Valérie Donzelli livre avec Notre Dame un film moins léger qu’il n’y paraît de prime abord, dissimulant derrière son vernis de comédie « feel good » un sous-texte insidieux sur un Paris paralysé par une peur sourde et une névrose se manifestant occasionnellement par des accès de violence traités de manière burlesque. Comme si le conte « gentil » et débridé que déroule bel et bien le film était contaminé par une angoisse diffuse. Et la coïncidence de l’actualité concernant Notre Dame – le tournage a eu lieu avant l’incendie – ne fait qu’accentuer ce sentiment.

Note : 6/10

 

Un fils de Mehdi M. Barsaoui

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Avec son suspense douteux sur la vie ou la mort d’un enfant, ses « twists » scénaristiques opportunistes et ses « performances » démonstratives dont celle de Sami Bouajila est la plus ostentatoire, Un fils a tout du film « coup-de-poing » qui, fort de son scénario roublard misant sur l’efficacité, entend bien administrer une petite claque bien sentie à son spectateur, notamment en lui rappelant – grâce à l’un de ses fameux rebondissements putassiers – que pour une souffrance, une misère, il y en a encore bien d’autres de par le monde.

Note : 2/10

 

Adoration de Fabrice du Welz

Alors qu’Adoration prend l’apparence du film le plus simple et le plus sage de Fabrice du Welz, il se pourrait bien qu’il s’agisse en réalité du plus complexe, ou en tout cas de celui qui recèle le plus de secrets et propose le plus de pistes d’interprétation. Derrière l’échappée romantique et l’évocation de contes macabres se cachent aussi une réflexion sur le pouvoir des histoires et la capacité qu’elles ont de s’influencer entre elles, de s’interpénétrer. Fabrice du Welz prend également soin, comme à son habitude, de semer des graines, de placer des indices pour que son spectateur trace son propre chemin, qu’il développe sur le terreau du film son propre fantasme, sa propre pensée.

Note : 7/10

 

La Longue marche de Matti Do

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À la fois film de fantômes, de voyage dans le temps, allégorie assez absconse de la situation politique au Laos, et même thriller psychologique dans sa dernière partie, La Longue marche embrasse beaucoup de registres tout en restant bien ancré dans une logique de genre. Sans vraiment que l’on sache par quel bout aborder ce film ni quel sens lui accorder, il affirme nettement sa singularité, d’autant plus dans le cadre d’un festival comme le FIFF, qui a tendance à plutôt favoriser un cinéma du scénario surécrit et du sujet très défini. Nous préférons de loin à ceux-ci la position médiane d’un film comme La Longue marche, qui fait le choix délibéré de refouler son sujet derrière des formes et des figures purement fictionnelles, purement cinématographiques.

Note : 6/10

 

Le FIFF s’est tenu du 27 septembre au 4 octobre à Namur

Plus d’infos sur le site du festival


FIFF 2019 – Carnet de bord (1)

Le FIFF a ouvert ses portes vendredi dernier, en même temps que celle de la Chambre 212 de Christophe Honoré. Retour sur les premiers films découvert lors de cette édition, une première salve timide.

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Chambre 212 de Christophe Honoré

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Si le cinéma de Christophe Honoré a tendance à agacer, par son snobisme chic et sa prétention constante au « bon goût », Chambre 212 ne fait pas vraiment exception à la règle. Mais cette fantaisie poético-vaudevillesque parvient tout de même à faire surnager « sa » bonne idée, celle de créer une bulle autour de ses personnages au bord de la rupture pour leur faire vivre ou revivre des sensations qu’ils pensaient perdues ou oubliées.

Note : 5/10

 

Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin

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Voir le texte publié sur Le Rayon Vert

Note : 5/10

 

Mes jours de gloire de Antoine de Bary

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Dans cette comédie de la dépression à l’esthétique de téléfilm, Vincent Lacoste est ramené aux fantômes de ses anciens rôles, condamné à rejouer le garçon fragile et maladroit. Dans sa dernière partie, la comédie se mue bizarrement en récit de la peur de la perte de virilité due aux mères castratrices. Quand un film est déstabilisé par sa propre inconsistance et qu’il emprunte des voies encore plus banales et rebattues pour tenter de se sortir de la médiocrité….

Note : 3/10

 

Une colonie de Geneviève Dulude-De Celles

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Au-delà de « l’honnêteté » d’un film qui traite ses personnages avec intérêt et sensibilité, et de la bonne direction des jeunes acteurs, difficile d’éprouver autre chose qu’un ennui poli devant cette chronique « douce-amère » de la petite adolescence, doublée et lourdement sous-lignée par un parallélisme pas toujours heureux avec l’histoire du Québec et le traitement des autochtones par les colons.

Note : 4/10

 

Jeune Juliette de Anne Émond

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Semblant être coulé dans le même moule que toute une série de « teen movies » récents – Eighth Grade, Booksmart, Lady Bird, ou encore Good Boys – ce « film d’adolescence » rejoue des situations connues et met en scène des archétypes du genre – l’héroïne boulotte, la copine lesbienne, le « sidekick » surdoué et inadapté,…. Jeune Juliette est un peu comme un grand melting-pot pompier de tout un pan du cinéma « indépendant » international qui aurait mal digéré ses influences, et est en outre plombé par une trop grande victimisation, un écrasement constant de son héroïne, laquelle met beaucoup trop de temps à s’affirmer quand bien même l’on sait depuis le début que cette acceptation de soi est l’unique but dramaturgique du film.

Note : 4/10

 

Le FIFF se tient à Namur du 27 septembre au 4 octobre

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« Douleur et gloire », le remède filmé d’Almodóvar

Dans une des premières scènes de Douleur et gloire, le personnage de Salvador Mallo, interprété par Antonio Banderas, et double fictionnel de Pedro Almodóvar, énumère en voix-off, graphiques et animations à l’appui, toutes les douleurs physiques et psychiques, accumulées avec les années, dont il souffre. À travers cette scène d’exposition, à la fois atypique et programmatique, Almodóvar présente de manière détournée le projet de son film : celui de se pencher sur lui-même, sur son passé et sur son état d’esprit à l’heure actuelle, en étant très précis et honnête dans sa démarche mais également en ayant recours à des moyens cinématographiques et en faisant appel à son propre cinéma, aux images et aux grandes figures qui le traversent. C’est peut-être en cela que le film se démarque du reste de la filmographie du cinéaste et de ses différents courants, qu’il apparaît à la fois comme synthétique et différent, comme une somme, parce qu’il est livré comme nu, avec une forme de sincérité débarrassée d’artifices et de folklores parfois systématiques auxquels Almodóvar avait habitué son spectateur. Douleur et gloire arbore donc une apparente simplicité mais revêt en fait une construction extrêmement complexe et des subtilités narratives qui ne peuvent être comprises qu’a posteriori de la première vision, voire lors de la seconde.

Souvenirs et cinéma, le statut des images

Comme souvent chez Almodóvar, on peut noter dans Douleur et gloire une construction dramatique qui opère un changement de genre à mi-parcours. Pour ne citer que quelques exemples, Attache-moi commence comme un thriller pour se terminer en comédie romantique, La Mauvaise éducation démarre comme un mélodrame pour s’achever en film noir. Douleur et gloire, quant a lui, s’épanouirait d’abord dans sa première heure en tant que comédie, avant de prendre lors de sa seconde un virage plus mélodramatique. Comme souvent également, Almodóvar semble prendre un malin plaisir à tâtonner lors de son premier acte, afin d’égarer gentiment son spectateur, surprendre ses attentes. Alors qu’il orchestre d’abord un désopilant va et vient amical entre son double fictionnel et un acteur avec lequel il était en froid depuis son premier film – les deux hommes se réconcilient puis se brouillent à nouveau avant de définitivement se réconcilier, le tout sur fond de discutions sur la création et de prises de drogues –, le film s’ouvre enfin, après cette première heure de surplace dramaturgique, à une progression dramatique et émotionnelle à la fois métronomique et ample. Après un monologue dit par le personnage de l’acteur mais dont on sait que les mots et l’histoire viennent du cinéaste, Salvador, trois autres personnages et événements viennent se succéder dans la vie et les souvenirs de celui-ci : son premier grand amour, sa mère, et son premier désir. Tandis que cette seconde partie est également traversée par l’enjeu de la santé de Salvador – surmonter la douleur, quitter l’addiction aux drogues, etc. –, le film entier est parsemé des souvenirs de jeunesse de Salvador, des flashbacks le mettant en scène enfant en compagnie de sa mère (jouée par Penélope Cruz) dans une maison caverne à ciel ouvert.

Ce que le film ne dit pas explicitement, du moins pas jusqu’à son plan final, apparaissant dès lors comme une véritable révélation – voire comme une pierre de rosette permettant de décrypter le film, d’en révéler un sens caché – c’est que ces souvenirs, ces flashbacks, sont en réalité des extraits d’un film qui, dans la diégèse, n’a pas encore été tourné par Salvador au moment où ils apparaissent. Les scènes de l’enfance sont mises en scènes et agencées par le montage comme si elles étaient des réminiscences rêvées de Salvador mais le plan final montre que ce sont des images du film qu’il tirera de ces souvenirs. Si l’on peut un moment prendre en considération l’hypothèse que ces séquences sont la projection mentale que se fait Salvador de ce que sera son prochain film, des images qu’il crée, ça ne peut clairement pas être le cas pour deux raisons : d’abord parce que, à ces moments-là de la narration, Salvador n’a pas de projet de film, il a dans l’idée de ne plus tourner, de ne pas faire de prochain film ; ensuite parce que le personnage de la mère, dans les souvenirs de Salvador, apparaît rétrospectivement comme ne pouvant qu’être une actrice qui joue le rôle de sa mère. La « vraie » mère, comme on la verra dans la deuxième partie, a les yeux vert clair, tandis que l’actrice qui la joue (Penélope Cruz), a les yeux foncés. Cette petite différence peut éventuellement passer pour un détail anecdotique, voire même ne pas être remarquée mais, si on la remarque, elle prend une autre signification lorsqu’il est révélé lors du dernier plan que les images du passé sont en réalité les images du film de Salvador.

Ce n’est pas la première fois que Pedro Almodóvar use de ce type d’enchâssement, de cette manière d’intégrer par extraits un « film dans le film », mais il semblerait que c’est la première fois qu’ils se cachent ainsi dans la fluidité du récit, pour finalement n’apparaître comme ce qu’ils sont qu’à la fin de celui-ci, lors du dernier plan. Dans La Mauvaise éducation, par exemple, il y a déjà cette idée que l’on puisse confondre des images d’un film tourné par les personnages de la diégèse avec de véritables évènements de celle-ci. Mais leur véritable nature est dévoilée assez vite dans le déroulé narratif, après seulement une ou deux occurrences. Il y est également fait usage d’un changement de format, qui permet au spectateur le plus attentif de déjà préalablement deviner quel statut revêtent ces images au moment où il les voit pour la première fois. Dans Douleur et gloire, au contraire, tout est fait pour que le spectateur croie, jusqu’au plan final, que les flashbacks sont les souvenirs de Salvador. Ils se coulent dans le récit par l’intermédiaire de ses méditations sous influences – de prises de drogues ou de médicaments.

L’acteur, incarnation du désir et vecteur de sens

Le choix d’avoir donné à Penélope Cruz le rôle de la mère, lors de ces scènes de flashback au statut fluctuant n’est évidemment pas anodin. L’actrice est en effet inconsciemment associée par le spectateur, d’une manière ou d’une autre, au cinéma d’Almodóvar. Et si celui-ci aborde, dans Douleur et Gloire, des questions intimes liées à sa vie privée et à son passé familial, il convoque également toute une réflexion sur son propre cinéma, par l’intermédiaire de moyens cinématographiques, de recours à des figures emblématiques de sa propre filmographie, notamment les acteurs. Si l’on retrouve donc dans le film toute une série de motifs du cinéma d’Almodovar, parsemés comme autant de marqueurs et de déclencheurs aux saveurs familières, tels des madeleines de Proust, on retrouve surtout ces deux acteurs – Penélope Cruz et surtout Antonio Banderas – qui représentent à eux seuls des piliers de cet univers. Le choix le plus significatif et émouvant opéré par le film et par Almodóvar est probablement d’avoir pris comme double, comme alter ego, un acteur qui fut, dans la majeure partie de leur filmographie commune, l’incarnation du désir. Cela voudrait-il dire qu’Almodóvar est devenu celui qu’il désirait ? Ou bien qu’il le désirait parce qu’il se reconnaissait en lui ?

L’utilisation d’Antonio Banderas et la transformation radicale de son jeu, entre les films des années 80 tournés avec Almodóvar et celui-ci, prennent aussi du sens dans la manière dont Douleur et gloire joue avec les notions de douleur et d’apaisement, de façon assez retorse. Si l’on pourrait conclure un peu hâtivement au sortir de la vision du film que celui-ci se clôt sur une certaine forme d’apaisement de son personnage sur le plan personnel et professionnel, apaisement des douleurs physiques et psychiques qu’il éprouvait mais aussi apaisement quant à la question de savoir ce qu’il allait faire de sa vie – la réponse que semble donner le film étant : tourner, encore –, l’examen approfondit de certains éléments et de certaines scènes – notamment toute la partie avec la mère en fin de vie, reprochant à Salvador de ne pas en avoir été un bon fils – vient contredire cette lecture simpliste et béate. Et tandis que l’interprétation très débonnaire de Banderas, même dans les moments les plus tendus, douloureux, du film, va dans le sens de cette notion d’apaisement, tout ce que convoque la simple réunion de cet acteur et de ce réalisateur, les films qu’ils ont en commun dans leurs bagages, et les interprétations précédentes de l’acteur – principalement dans Matador, La Loi du désir et Attache-moi – entrent en conflit avec cette fausse impression de complétude qui pourrait s’imposer de manière un peu trop envahissante. Ce sont les fantômes des personnages passés, ceux créés de concert par Almodóvar et Banderas, qui viennent apporter un contrepoint salvateur à la perception de l’ensemble.

Thibaut Grégoire


BIFFF 2019 – Carnet de bord (9)

Le BIFFF s’est clôturé dimanche passé sur un palmarès dont nous comprenons certains prix et d’autres moins. Mais il s’était déjà terminé pour nous la veille, sur un film méta (encore un) et sur une très bonne impression, malgré la fatigue accumulée tout le long de cette dense et intense édition.

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Red Letter Day de Cameron Macgowan

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Tout comme Assassination Nation de Sam Levinson (également présenté lors du BIFFF), Red Letter Day entend s’attaquer à l’eau qui dort sous les belles façades lisses des banlieues américaines – ou canadiennes, en l’occurrence. C’est ici par de mystérieuses lettres enjoignant tout un voisinage de s’entretuer que la violence sous-jacente d’une société policée va faire surface. Malheureusement, le film n’est pas à la hauteur de ses promesses, d’abord à cause d’un casting globalement mauvais et d’une mise en scène plus qu’académique – on se croît souvent dans une sitcom ou dans un soap –, puis par la propension du film à cacher derrière quelques effets gores et une violence « comique » un discours très politiquement correct et protectionniste, notamment sur les valeurs de la famille.

 

Extra Ordinary de Enda Loughman et Mike Ahern

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Coproduction entre l’Irlande et la Belgique, cette comédie fantastique à l’humour hybride à fait son petit effet lors de sa projection publique. Reposant principalement sur l’implication de ses acteurs (dont l’excellent Barry Ward dans un rôle protéiforme), le film doit aussi beaucoup à un final d’anthologie, mêlant possession, exorcisme, accouchement et orgie…. Extra Ordinary représente le « bon moment » par excellence, un film dont la vision est plus qu’agréable mais dont il ne reste pas grand-chose à la sortie de la salle.

 

The Pool de Ping Lumprapleng

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Que le jury de la critique ait cette année choisi de récompenser un film qui est non seulement une pub même pas déguisée pour Pizza Hut (il y a le numéro d’appel pour commander des pizzas dans le générique d’ouverture !) mais également un plaidoyer contre l’avortement est symptomatique de la manière dont sont aujourd’hui reçus les films par les professionnels, en dehors de toute réflexion et uniquement dans le ressenti évaluateur (« Est-ce que je m’ennuie ? », « Est-ce que c’est ‘fun’ ? », etc.). Maintenant, on peut tout à fait reconnaître que The Pool est effectivement « fun », qu’il repose sur toute une série de pirouettes scénaristiques bien trouvées et ludiques – qui ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les enchaînements malencontreux d’événements menant invariablement à la mort dans la série des Final Destination – et sur une mise en scène qui tire bien parti de l’exercice de style qu’elle s’impose (huis-clos dans une piscine sans eau…). Plongé dans le bain du BIFFF, le film est sans nul doute appréciable. Il devient plus qu’ambigu une fois qu’on l’en extirpe.

 

Freaks de Adam B. Stein de Zach Lipovsky

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Sorte de X-Men à la sauce Sundance, Freaks suinte par tous les pores l’envie de crier haut et fort son originalité. Il est d’ailleurs vendu comme tel un peu partout. Il s’agit en réalité d’un film assez classique, mêlant comme d’habitude un récit fantastique sur des êtres différents amenés à cohabiter avec l’espèce humaine et une allégorie socio-politique sur l’altérité. Freaks s’aventure donc sur des terrains largement balisés. Il contient cependant une idée vraiment forte, celle que certains personnages « mutants » puissent se téléporter d’un endroit à un autre tout en restant dans la même pièce, ou plus précisément qu’ils peuvent importer un endroit dans un autre tout en pouvant interagir avec le lieu importé. Ce concept de « projection interactive » est assez intrigant pour apporter au film une petite partie de l’originalité dont il se réclame.

 

Ghost Master de Paul Young

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Cette édition du BIFFF avait ses thèmes, ses récurrences, et l’une d’elle était assurément la mise en abyme, la réflexion sur la pratique du cinéma, sur la réception, le jeu des acteurs ou les codes du genre. Après avoir vu One Cut of the Dead, Antrum, You Might Be the Killer ou encore No dormirás, il était presque naturel de terminer ce BIFFF par la vision d’un autre film méta et réflexif. Dans Ghost Master, le tournage d’une bluette adolescente, dans les murs d’une ancienne école désaffectée, tourne au massacre gore quand l’acteur principal se fait posséder par le scénario d’un autre film, un film d’horreur, le poussant à pulvériser ses collègues acteurs et tous les membres de l’équipe. Hommage à plusieurs grands noms du film de genre – dont le plus cité est Tobe Hooper – le film pioche ça et là ses références et ses influences pour donner naissance à une sorte de potée gore et jouissive, traversée de véritables morceaux de bravoure. Parmi les scènes les plus hallucinantes : ce scénario-grimoire voulant à tout prix « habiter » un acteur, par tous les moyens possibles ; et surtout ce final empruntant largement à Cronenberg où le corps humain et les moyens de captation et de projection cinématographiques ne font plus qu’un, dans un climax étourdissant.

 

Le BIFFF s’est tenu du 9 au 21 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2019 – Carnet de bord (8)

Encore des découvertes lors de ce 37ème BIFFF : le sympathique The Furies, film « bifffesque » par excellence, et surtout le film-concept Antrum, gros morceau de cette édition.

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The Furies de Tony D’Aquino

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Derrière des allures de survival extrêmement classique, ce film australien à petit budget parvient à amener une certaine originalité dans des terrains battus et rebattus. Délicieusement gore, bis et ludique, The Furies est ce que d’aucun nommerait un « plaisir coupable », mais c’est aussi et surtout un film typique du BIFFF, difficilement visible ailleurs, et qui prend une saveur supplémentaire dans ces conditions-là, dans cette ambiance si particulière.

 

Feedback de Pedro C. Alonso

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Huis-clos de prise d’otage promettant son lot de révélations et de règlements de comptes en tous genres, Feedback met un animateur radio bien installé et sûr de lui face à des « petits » en quête de justice. Avec son sous-texte politique pas très subtil sur le Brexit et MeToo, le film donne l’impression qu’il va s’adonner à un grand jeu de massacre en vue de destituer les indéboulonnables « vieux de la vieille », mais fini simplement en queue de poisson sans que rien n’ait vraiment bougé ni dans le monde des puissants ni dans cet imaginaire sans aspérités de récits clairement genrés et de noirceur d’apparat.

 

Play or Die de Jacques Kluger

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Production exclusivement belge, cette adaptation d’un roman de Franck Thilliez est un « Escape Film » de plus, reposant sur la mécanique désormais bien rôdée d’une énigme par pièce. Dans le genre, le récent Escape Room est bien plus ludique et original. Mais là où Play or Die se moque carrément un peu de son monde, c’est dans son versant Shutter Island, ce moment où les mots magiques « schizophrénie » et « œdipien » viennent bien évidemment pointer le bout de leur nez. Désespérément prévisible !

 

Blood Fest d’Owen Egerton

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Après You Might Be the Killer, Blood Fest est l’autre « grande » proposition faite cette année par le BIFFF dans le domaine du slasher « méta ». Se basant sur une idée « fun » – des fans d’horreur pensant assister à une convention du genre se retrouvent pris au piège dans ce qui est en fait un massacre géant organisé par un producteur fou –, le film s’avère incapable de développer ce concept autrement que par l’hystérie et par un second degré en mode « clin d’œil » qui est décidément devenu une plaie planant de manière menaçante sur tout film de genre s’attaquant à un public cible avec pour seule volonté celle d’être « cool ».

 

Antrum : The Deadliest Film Ever Made de David Amito et Michael Laicini

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Film-concept par excellence, Antrum : The Deadliest Film Ever Made se présente d’abord comme un documentaire dans lequel des « spécialistes » parlent face-caméra d’une sorte de rumeur courant dans le milieu des festivals de cinéma concernant un film-maudit dont les rares spectateurs seraient tous morts dans d’étranges circonstances après la vision. Puis, après dix minutes de ce « documentaire », le film s’arrête pour montrer ni plus ni moins que le film-maudit en question, le fameux Antrum, non sans nous avoir adressé un message de précaution. Antrum : The Deadliest Film Ever Made est donc une incroyable poupée russe, un film dans le film, au sein duquel existe encore d’autres images, parasites, prétendument ajoutées à l’unique pellicule retrouvée. L’exercice est malin et procure un vertige certain. Quant au fameux film en lui-même : il s’agit d’une sorte de melting-pot de plusieurs références horrifiques (Blair Witch Project, Simetierre, Wicker Man, entre autres) mais qui fonctionne plutôt bien en l’état. Quant au générique final, retournant sur le terrain du documentaire (ou du « mockumentaire »), il interroge de manière toujours aussi intelligente sur la croyance du spectateur et sur l’impact que peut avoir un objet filmique sur quelqu’un, selon le degré d’adhésion et de crédulité qu’il est prêt à lui accorder.

 

Le BIFFF s’est tenu du 9 au 21 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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