Critique et analyse cinématographique

Divers

L’eau qui (en)dort

En sortant du film El Agua d’Elena López Riera, l’on se demande légitimement qui peut bien aimer un film comme celui-là. La réponse ? Les programmateurs de la Quinzaine des Réalisateurs, plus quelques critiques parisiens peut-être soudoyés, dont le jadis fiable Jean-Marc Lalanne.

Rappelons que le triste sire a récemment recommandé des chefs d’œuvre tels que Les Cyclades ou encore Mon crime, alors qu’il crache allègrement sur Paul Thomas Anderson et notamment sur son dernier film en date, Licorice Pizza. Il est parfois bon de remettre l’église au milieu du village.

El Agua est une purge inimaginable vendue comme un grand film féministe, un téléfilm vaseux, pseudo chronique d’une jeunesse qui s’emmerde, entrecoupé de face caméra aux velléités documentaires mais dont on peine à croire à la véracité. Même les images « réelles » d’inondations n’apportent pas le moindre intérêt car elles n’entrent pas une seconde en dialogue avec les images et l’intrigue de la fiction, d’une platitude inouïe.

Il aurait fallu sortir de la salle, ce n’est pas faute d’y avoir été poussé, mais notre stupide persévérance et ce fameux espoir de trouver des choses à sauver, nous aura contraint à rester en place… fichu syndrome de Stockholm ! Jusqu’au grotesque plan final, de nouveau un face caméra « lourd de sens », comme une espèce de pied de nez au spectateur qui s’est fait avoir, qui n’est pas sorti et qui ne s’est pas endormi, les limites du supportable furent largement franchies. Quand il n’y a rien à sauver, la messe est dite, même si de faux prophètes continuent de nous exhorter à nous polluer les rétines.


Reprise des hostilités

Ce qu’il y a de bien avec les films de la saga John Wick, c’est qu’ils sont complètement débiles. Ce qu’il y de pas bien dans la saga John Wick, c’est que de nombreux crétins en parlent comme s’il s’agissait de véritables films, sérieux, ambitieux, le tout sous le prisme de la réussite technique et/ou de mise en scène, confondue là avec de la mise en place ou de la chorégraphie.

Dans la série des gogos, l’inénarrable Merej, youtubeur notoire, a commis une vidéo, comme tous les jours, dans laquelle il pointe quelques films qui seraient « meilleurs que John Wick »…. Et le plus étonnant, c’est que la vidéo ne dure pas plusieurs années, temps qu’il faudrait pour énumérer tous les films qui sont meilleurs que John Wick.

Parmi les films ainsi pointés, il y a notamment The Mission de Johnnie To, film que je n’avais pas vu et que je me suis donc empressé de rattraper, comme possédé, comme si la parole de Merej avait la moindre importance. C’est un film culte pour pas mal de geeks qui se prennent pour des cinéphiles, ça je le savais déjà.

Étonnamment, le film est plus intéressant qu’il n’en a l’air, parce que, contrairement à ce que laissait entendre le vidéaste à casquette, il ne s’agit pas d’un film d’action chorégraphique dans lequel, parfois, il ne se passe rien, mais plutôt d’un petit film de gangster contemplatif et intimiste, qui fait plus grand cas de l’amitié entre ses protagonistes que de leurs missions absurdes. Mais pas sûr que les fans de la première heure de ce film y voient la comédie d’amitié viril qu’il est pourtant.

Les John Wick sont des comédies aussi, bien évidemment, involontaires ou non peu importe, mais leur manière de jouer avec le passif d’acteur de Keanu Reeves et de faire du Matrix « cheap » est tout bonnement hilarante. Ils réussissent néanmoins l’exploit de passer de « revenge movie » clinquant, à film de combats expérimental et sans intrigue dans son troisième opus. En attendant les trois heures dont on imagine déjà la teneur hautement philosophique du quatrième épisode…. Wait and see mais ça promet. (À suivre… ou pas)


Flop 10 de 2020

Ne changeons pas les bonnes habitudes : pas de Top 10 sans son pendant honteux, l’affligeant Flop 10 annuel. Comme à l’accoutumée, il ne s’agit pas à proprement parler des pires films de l’année, mais bien des films qui m’ont le plus agacé pour plusieurs raisons. Faux films d’auteurs hystériques, films à sujets pétris de pathos, comédies pas drôles et laides à faire peur, « tours-de-force » grandiloquents exhibant leur maîtrise comme on bande ses muscles ou encore bluettes « sitcomesques » se faisant passer pour du Rohmer, ces horreurs ont récolté pour la plupart des lauriers fort peu mérités de la critique cinéma toute déboussolée, et peuvent bien endurer ce petit remontage de bretelles somme toute anecdotique.

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1/ ADN (Maïwenn)

2/ Losers Revolution (Thomas Ancora et Grégory Beghin)

3/ Deux (Filippo Meneghetti)

4/ Un fils (Mehdi M. Barsaoui)

5/ Adieu les cons (Albert Dupontel)

6/ Police (Anne Fontaine)

7/ Da 5 Bloods (Spike Lee)

8/ 1917 (Sam Mendes)

9/ Mon cousin (Jan Kounen)

10/ Été 85 (François Ozon)


Top dix des années 10

Et puisque la fin de l’année est aussi celle d’une décennie, autant faire les choses bien et également proposer modestement un échantillon de ce qui a pu me marquer et forger ma cinéphilie pour la suite des événements….

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1. L’Etrange affaire Angelica (Manoel de Oliveira – 2011)
2. Mektoub My Love : Canto Uno (Abdellatif Kechiche – 2018)
3. Oncle Boonmee (Apichatpong Weerasethakul – 2010)
4. The Tree of Life (Terrence Malick – 2011)
5. Once Upon a Time in Hollywood (Quentin Tarantino – 2019)
6. Paterson (Jim Jarmusch – 2016)
7. Un jour avec, un jour sans (Hong Sang-soo – 2016)
8. Melancholia (Lars von Trier – 2011)
9. La Villa (Robert Guédiguian – 2017)
10. Under The Skin (Jonathan Glazer – 2014)

(PS : Il y a des gros absents dans cette liste. Bruno Dumont notamment, duquel j’ai longtemps hésité à inclure P’tit Quinquin. Mais le statut fluctuant de cette œuvre (film ou série ?) aura fait pencher la balance d’un côté. J’ai également décidé de ne pas mettre deux films d’un même auteur : exit donc La Vie d’Adèle et The House that Jack Built.)


Top 2019

Peu de commentaires à faire sur ce top, si ce n’est que l’année a permis de rendre sa conception compliquée et fluctuante au fil des visions, des « re-visions », des réévaluations et dévaluations….

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  1. Once Upon a Time in Hollywood (Quentin Tarantino)
  2. Glass (M. Night Shyamalan)
  3. La Flor (Mariano Llinás)
  4. It Must Be Heaven (Elia Suleiman)
  5. L’Heure de la sortie (Sébastien Marnier)
  6. Douleur et gloire (Pedro Almodóvar)
  7. Parasite (Bong Joon-ho)
  8. Synonymes (Nadav Lapid)
  9. Le Daim (Quentin Dupieux)
  10. Us (Jordan Peele)

(Bonus : 11. Ad Astra (James Gray), 12. Joker (Todd Phillips), 13. Les Éternels (Jia Zhang-ke), 14. Les Oiseaux de passage (Ciro Guerra, Cristina Gallego), 15. Le Mystère des pingouins (Hiroyasu Hishida))


Flop 2019

Comme à l’accoutumée, ce petit florilège du pire de ce qu’il ma été donné de voir lors de l’année écoulée ne reflète certainement pas une vérité objective. Il est comme souvent majoritairement composé de films qui se retrouveront probablement dans les tops de quelques observateurs patentés de la production cinématographique actuelle. Le premier de ce flop figure même parmi les cinq meilleurs films de l’année ainsi désignés par la confrérie des critiques de mon petit pays…. Il n’y a par ailleurs que deux comédies françaises dans cette liste – dont l’une a d’ailleurs été largement adoubée par les détenteurs du bon goût. Nul doute que bien d’autres représentants du genre mériteraient probablement d’y figurer, mais il se trouve que j’ai décidé de ne plus – ou plus trop – m’infliger ce qui m’afflige.

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  1. L’Œuvre sans auteur (Forian Henkel von Donnersmarck)
  2. Fatwa (Mahmoud Ben Mahmoud)
  3. The Good Liar (Bill Condon)
  4. Les Hirondelles de Kaboul (Zabou Breitman, Eléa Gobbé-Mévellec)
  5. Papicha (Mounia Meddour)
  6. Ibiza (Arnaud Lemort)
  7. Rocketman (Dexter Fletcher)
  8. Yesterday (Danny Boyle)
  9. Hors Normes (Eric Toledano, Olivier Nakache)
  10. Sorry We Missed You (Ken Loach)

FIFF 2019 – Carnet de bord (3)

Dernier regard dans le rétro vers le FIFF, avant de se tourner vers d’autres horizons. Si cette fin de festival aura été parsemés de films académiques et/ou opportunistes, ce sont heureusement le retour en grâce de Xavier Dolan ou encore la bonne surprise Adam qui auront marqué notre esprit.

 

Noura rêve de Hinde Boujemaa

Derrière l’appel au rêve et à l’évasion sous-entendu par son titre, Noura rêve dissimule en réalité un très déplaisant film coup-de-poing qui ne fait qu’enfermer et torturer son personnage principal en la regardant benoîtement se débattre dans une relation toxique avec un mari menteur et violent, tout en lui faisant miroiter – et au spectateur par la même occasion – une sortie possible, l’espoir d’un salut. Dans ce genre d’entreprise cynique, l’évocation d’un bonheur possible n’est qu’une diversion pour mieux préparer l’impact d’une claque sadique administrée au spectateur.

Note : 1/10

 

Matthias et Maxime de Xavier Dolan

Texte à venir sur Le Rayon Vert

Note : 7/10

 

Le Choc du futur de Marc Collin

Premier film théâtral et prétentieux qui se pique de rendre hommages aux « pionnières » de la musique électronique dans un faux huis-clos parsemé de tirades didactiques et appuyées qui réécrivent l’histoire de manière rétrospective à la lumière d’une pensée et de mouvements actuels.

Note : 2/10

 

Adam de Maryam Touzani

Si, sur le papier (et dans le programme du festival), Adam faisait très peur, avec ses allures de film à sujet lourd de sens, il s’agit en réalité plutôt d’un film de personnages, qui décrit ceux-ci et les fait vivre de manière consciente et bienveillante en les laissant s’épanouir dans un récit et une mise en scène qu’ils – ou plutôt elles – guident.

Note : 6,5/10

 

Le Milieu de l’horizon de Delphine Lehericey

Téléfilm académique destiné à une diffusion en prime-time sur la RTBF, suivi d’un débat. Tout respire le « pittoresque » régional dans cette petite chronique campagnarde parsemée de « beaux » acteurs.

Note : 2/10

 

Revenir de Jessica Palud

Jessica Palud a donc dû convoquer les talents conjugués de Diastème et de Philippe Lioret pour accoucher d’un scénario d’une rare indigence, donnant logiquement lieu à un téléfilm insipide ressassant le sempiternel retour du fils dans son village natal pour y affronter toute une série de secrets familiaux « pesants ». Que des acteurs par ailleurs intéressants et prometteurs – Schneider, Exarchopoulos ou encore Patrick d’Assumçao – aient accepté un projet aussi vide laisse songeur.

Note : 2/10

 

Le FIFF s’est tenu du 27 septembre au 4 octobre à Namur

Plus d’infos sur le site du festival


FIFF 2019 – Carnet de bord (2)

Tandis que Fabrice du Welz livre l’un de ses meilleurs films à ce jour, Donzelli revient à la fausse légèreté de ses débuts et César Diaz s’érige comme nouveau petit maître du film à sujet. Deuxième compte-rendu des films vus au FIFF…

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Les Héros ne meurent jamais de Aude-Léa Rapin

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Il faut passer outre l’aspect rebutant du premier film d’Aude-Léa Rapin, sa forme ingrate de « mockumentaire » mal dégrossi, ses saillies parfois grossières dignes d’un ersatz notoire de C’est arrivé près de chez vous, sa manière déplaisante de faire la morale, de juger son personnage principal en lui opposant la « misère du monde » – en l’occurrence les fantômes de la guerre, à Sarajevo -, ou encore supporter la prestation cabotine d’Adèle Haenel, qui risque ici d’agrandir largement le panel de ses détracteurs. La liste est longue mais il faut peut-être effectivement dépasser tout ça… car Les Héros ne meurent jamais referme au moins une idée forte qui peut potentiellement le faire basculer dans une autre dimension, lui donner une ampleur inattendue, pour autant que l’on puisse en saisir la portée et ne pas se laisser parasiter par les tares apparentes du film. Si, dès la première scène, on comprend que le film tend à parler de réincarnation, ce qui éveille immédiatement notre intérêt, le chemin qu’il emprunte laisse penser que cette piste est tout simplement niée, balayée par une scène du film lors de laquelle la croyance du personnage principal est tournée en ridicule. Puis cette piste revient en filigranes lors d’une scène finale qui vient littéralement « sauver » le personnage et le film, les faisant accéder à une forme de grâce inespérée, néanmoins bâtie sur des bases bancales. En cela, le film peut être réévalué après coup car on peut dès lors l’intellectualiser en partant d’une réelle émotion ressentie. Cette émotion que peut procurer la surprise de la fin agit ainsi comme une véritable clé, une pierre de rosette permettant de décrypter un film auquel on était précédemment hermétique.

Note : 5/10

 

Nuestras madres de César Diaz

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Sacré « meilleur premier film » (Caméra d’Or) lors du dernier Festival de Cannes, Nuestras madres est probablement voué à devenir un mètre-étalon de la manière dont le sous-genre du film à sujet « engagé » et « personnel » est en train de se substituer tout doucement à un cinéma d’auteur porté par le point de vue et le regard singulier d’un cinéaste sur son art. Puisqu’il faut l’appréhender à l’aune de ce qu’il est, donc un film à sujet mixant un récit fictionnel à une démarche alternativement documentaire, on peut donner comme argument « contre » le film, en dehors de tout emballement ou d’une position tranchée sur ce type de cinéma, le déséquilibre qui le traverse entre une distance d’apparat, cette manière d’en dire le moins, de surjouer la suggestion, et ses débordements de sentimentalité exacerbée, soulignés par des plans clichés censés « sublimer » la dignité des personnages.

Note : 3/10

 

Notre Dame de Valérie Donzelli

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En revenant à la fantaisie teintée de désenchantement qui était à l’œuvre dans son premier long métrage (La Reine des pommes), Valérie Donzelli livre avec Notre Dame un film moins léger qu’il n’y paraît de prime abord, dissimulant derrière son vernis de comédie « feel good » un sous-texte insidieux sur un Paris paralysé par une peur sourde et une névrose se manifestant occasionnellement par des accès de violence traités de manière burlesque. Comme si le conte « gentil » et débridé que déroule bel et bien le film était contaminé par une angoisse diffuse. Et la coïncidence de l’actualité concernant Notre Dame – le tournage a eu lieu avant l’incendie – ne fait qu’accentuer ce sentiment.

Note : 6/10

 

Un fils de Mehdi M. Barsaoui

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Avec son suspense douteux sur la vie ou la mort d’un enfant, ses « twists » scénaristiques opportunistes et ses « performances » démonstratives dont celle de Sami Bouajila est la plus ostentatoire, Un fils a tout du film « coup-de-poing » qui, fort de son scénario roublard misant sur l’efficacité, entend bien administrer une petite claque bien sentie à son spectateur, notamment en lui rappelant – grâce à l’un de ses fameux rebondissements putassiers – que pour une souffrance, une misère, il y en a encore bien d’autres de par le monde.

Note : 2/10

 

Adoration de Fabrice du Welz

Alors qu’Adoration prend l’apparence du film le plus simple et le plus sage de Fabrice du Welz, il se pourrait bien qu’il s’agisse en réalité du plus complexe, ou en tout cas de celui qui recèle le plus de secrets et propose le plus de pistes d’interprétation. Derrière l’échappée romantique et l’évocation de contes macabres se cachent aussi une réflexion sur le pouvoir des histoires et la capacité qu’elles ont de s’influencer entre elles, de s’interpénétrer. Fabrice du Welz prend également soin, comme à son habitude, de semer des graines, de placer des indices pour que son spectateur trace son propre chemin, qu’il développe sur le terreau du film son propre fantasme, sa propre pensée.

Note : 7/10

 

La Longue marche de Matti Do

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À la fois film de fantômes, de voyage dans le temps, allégorie assez absconse de la situation politique au Laos, et même thriller psychologique dans sa dernière partie, La Longue marche embrasse beaucoup de registres tout en restant bien ancré dans une logique de genre. Sans vraiment que l’on sache par quel bout aborder ce film ni quel sens lui accorder, il affirme nettement sa singularité, d’autant plus dans le cadre d’un festival comme le FIFF, qui a tendance à plutôt favoriser un cinéma du scénario surécrit et du sujet très défini. Nous préférons de loin à ceux-ci la position médiane d’un film comme La Longue marche, qui fait le choix délibéré de refouler son sujet derrière des formes et des figures purement fictionnelles, purement cinématographiques.

Note : 6/10

 

Le FIFF s’est tenu du 27 septembre au 4 octobre à Namur

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FIFF 2019 – Carnet de bord (1)

Le FIFF a ouvert ses portes vendredi dernier, en même temps que celle de la Chambre 212 de Christophe Honoré. Retour sur les premiers films découvert lors de cette édition, une première salve timide.

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Chambre 212 de Christophe Honoré

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Si le cinéma de Christophe Honoré a tendance à agacer, par son snobisme chic et sa prétention constante au « bon goût », Chambre 212 ne fait pas vraiment exception à la règle. Mais cette fantaisie poético-vaudevillesque parvient tout de même à faire surnager « sa » bonne idée, celle de créer une bulle autour de ses personnages au bord de la rupture pour leur faire vivre ou revivre des sensations qu’ils pensaient perdues ou oubliées.

Note : 5/10

 

Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin

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Voir le texte publié sur Le Rayon Vert

Note : 5/10

 

Mes jours de gloire de Antoine de Bary

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Dans cette comédie de la dépression à l’esthétique de téléfilm, Vincent Lacoste est ramené aux fantômes de ses anciens rôles, condamné à rejouer le garçon fragile et maladroit. Dans sa dernière partie, la comédie se mue bizarrement en récit de la peur de la perte de virilité due aux mères castratrices. Quand un film est déstabilisé par sa propre inconsistance et qu’il emprunte des voies encore plus banales et rebattues pour tenter de se sortir de la médiocrité….

Note : 3/10

 

Une colonie de Geneviève Dulude-De Celles

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Au-delà de « l’honnêteté » d’un film qui traite ses personnages avec intérêt et sensibilité, et de la bonne direction des jeunes acteurs, difficile d’éprouver autre chose qu’un ennui poli devant cette chronique « douce-amère » de la petite adolescence, doublée et lourdement sous-lignée par un parallélisme pas toujours heureux avec l’histoire du Québec et le traitement des autochtones par les colons.

Note : 4/10

 

Jeune Juliette de Anne Émond

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Semblant être coulé dans le même moule que toute une série de « teen movies » récents – Eighth Grade, Booksmart, Lady Bird, ou encore Good Boys – ce « film d’adolescence » rejoue des situations connues et met en scène des archétypes du genre – l’héroïne boulotte, la copine lesbienne, le « sidekick » surdoué et inadapté,…. Jeune Juliette est un peu comme un grand melting-pot pompier de tout un pan du cinéma « indépendant » international qui aurait mal digéré ses influences, et est en outre plombé par une trop grande victimisation, un écrasement constant de son héroïne, laquelle met beaucoup trop de temps à s’affirmer quand bien même l’on sait depuis le début que cette acceptation de soi est l’unique but dramaturgique du film.

Note : 4/10

 

Le FIFF se tient à Namur du 27 septembre au 4 octobre

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BIFFF 2019 – Carnet de bord (9)

Le BIFFF s’est clôturé dimanche passé sur un palmarès dont nous comprenons certains prix et d’autres moins. Mais il s’était déjà terminé pour nous la veille, sur un film méta (encore un) et sur une très bonne impression, malgré la fatigue accumulée tout le long de cette dense et intense édition.

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Red Letter Day de Cameron Macgowan

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Tout comme Assassination Nation de Sam Levinson (également présenté lors du BIFFF), Red Letter Day entend s’attaquer à l’eau qui dort sous les belles façades lisses des banlieues américaines – ou canadiennes, en l’occurrence. C’est ici par de mystérieuses lettres enjoignant tout un voisinage de s’entretuer que la violence sous-jacente d’une société policée va faire surface. Malheureusement, le film n’est pas à la hauteur de ses promesses, d’abord à cause d’un casting globalement mauvais et d’une mise en scène plus qu’académique – on se croît souvent dans une sitcom ou dans un soap –, puis par la propension du film à cacher derrière quelques effets gores et une violence « comique » un discours très politiquement correct et protectionniste, notamment sur les valeurs de la famille.

 

Extra Ordinary de Enda Loughman et Mike Ahern

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Coproduction entre l’Irlande et la Belgique, cette comédie fantastique à l’humour hybride à fait son petit effet lors de sa projection publique. Reposant principalement sur l’implication de ses acteurs (dont l’excellent Barry Ward dans un rôle protéiforme), le film doit aussi beaucoup à un final d’anthologie, mêlant possession, exorcisme, accouchement et orgie…. Extra Ordinary représente le « bon moment » par excellence, un film dont la vision est plus qu’agréable mais dont il ne reste pas grand-chose à la sortie de la salle.

 

The Pool de Ping Lumprapleng

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Que le jury de la critique ait cette année choisi de récompenser un film qui est non seulement une pub même pas déguisée pour Pizza Hut (il y a le numéro d’appel pour commander des pizzas dans le générique d’ouverture !) mais également un plaidoyer contre l’avortement est symptomatique de la manière dont sont aujourd’hui reçus les films par les professionnels, en dehors de toute réflexion et uniquement dans le ressenti évaluateur (« Est-ce que je m’ennuie ? », « Est-ce que c’est ‘fun’ ? », etc.). Maintenant, on peut tout à fait reconnaître que The Pool est effectivement « fun », qu’il repose sur toute une série de pirouettes scénaristiques bien trouvées et ludiques – qui ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les enchaînements malencontreux d’événements menant invariablement à la mort dans la série des Final Destination – et sur une mise en scène qui tire bien parti de l’exercice de style qu’elle s’impose (huis-clos dans une piscine sans eau…). Plongé dans le bain du BIFFF, le film est sans nul doute appréciable. Il devient plus qu’ambigu une fois qu’on l’en extirpe.

 

Freaks de Adam B. Stein de Zach Lipovsky

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Sorte de X-Men à la sauce Sundance, Freaks suinte par tous les pores l’envie de crier haut et fort son originalité. Il est d’ailleurs vendu comme tel un peu partout. Il s’agit en réalité d’un film assez classique, mêlant comme d’habitude un récit fantastique sur des êtres différents amenés à cohabiter avec l’espèce humaine et une allégorie socio-politique sur l’altérité. Freaks s’aventure donc sur des terrains largement balisés. Il contient cependant une idée vraiment forte, celle que certains personnages « mutants » puissent se téléporter d’un endroit à un autre tout en restant dans la même pièce, ou plus précisément qu’ils peuvent importer un endroit dans un autre tout en pouvant interagir avec le lieu importé. Ce concept de « projection interactive » est assez intrigant pour apporter au film une petite partie de l’originalité dont il se réclame.

 

Ghost Master de Paul Young

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Cette édition du BIFFF avait ses thèmes, ses récurrences, et l’une d’elle était assurément la mise en abyme, la réflexion sur la pratique du cinéma, sur la réception, le jeu des acteurs ou les codes du genre. Après avoir vu One Cut of the Dead, Antrum, You Might Be the Killer ou encore No dormirás, il était presque naturel de terminer ce BIFFF par la vision d’un autre film méta et réflexif. Dans Ghost Master, le tournage d’une bluette adolescente, dans les murs d’une ancienne école désaffectée, tourne au massacre gore quand l’acteur principal se fait posséder par le scénario d’un autre film, un film d’horreur, le poussant à pulvériser ses collègues acteurs et tous les membres de l’équipe. Hommage à plusieurs grands noms du film de genre – dont le plus cité est Tobe Hooper – le film pioche ça et là ses références et ses influences pour donner naissance à une sorte de potée gore et jouissive, traversée de véritables morceaux de bravoure. Parmi les scènes les plus hallucinantes : ce scénario-grimoire voulant à tout prix « habiter » un acteur, par tous les moyens possibles ; et surtout ce final empruntant largement à Cronenberg où le corps humain et les moyens de captation et de projection cinématographiques ne font plus qu’un, dans un climax étourdissant.

 

Le BIFFF s’est tenu du 9 au 21 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

Plus d’infos sur le site du festival


BIFFF 2019 – Carnet de bord (8)

Encore des découvertes lors de ce 37ème BIFFF : le sympathique The Furies, film « bifffesque » par excellence, et surtout le film-concept Antrum, gros morceau de cette édition.

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The Furies de Tony D’Aquino

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Derrière des allures de survival extrêmement classique, ce film australien à petit budget parvient à amener une certaine originalité dans des terrains battus et rebattus. Délicieusement gore, bis et ludique, The Furies est ce que d’aucun nommerait un « plaisir coupable », mais c’est aussi et surtout un film typique du BIFFF, difficilement visible ailleurs, et qui prend une saveur supplémentaire dans ces conditions-là, dans cette ambiance si particulière.

 

Feedback de Pedro C. Alonso

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Huis-clos de prise d’otage promettant son lot de révélations et de règlements de comptes en tous genres, Feedback met un animateur radio bien installé et sûr de lui face à des « petits » en quête de justice. Avec son sous-texte politique pas très subtil sur le Brexit et MeToo, le film donne l’impression qu’il va s’adonner à un grand jeu de massacre en vue de destituer les indéboulonnables « vieux de la vieille », mais fini simplement en queue de poisson sans que rien n’ait vraiment bougé ni dans le monde des puissants ni dans cet imaginaire sans aspérités de récits clairement genrés et de noirceur d’apparat.

 

Play or Die de Jacques Kluger

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Production exclusivement belge, cette adaptation d’un roman de Franck Thilliez est un « Escape Film » de plus, reposant sur la mécanique désormais bien rôdée d’une énigme par pièce. Dans le genre, le récent Escape Room est bien plus ludique et original. Mais là où Play or Die se moque carrément un peu de son monde, c’est dans son versant Shutter Island, ce moment où les mots magiques « schizophrénie » et « œdipien » viennent bien évidemment pointer le bout de leur nez. Désespérément prévisible !

 

Blood Fest d’Owen Egerton

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Après You Might Be the Killer, Blood Fest est l’autre « grande » proposition faite cette année par le BIFFF dans le domaine du slasher « méta ». Se basant sur une idée « fun » – des fans d’horreur pensant assister à une convention du genre se retrouvent pris au piège dans ce qui est en fait un massacre géant organisé par un producteur fou –, le film s’avère incapable de développer ce concept autrement que par l’hystérie et par un second degré en mode « clin d’œil » qui est décidément devenu une plaie planant de manière menaçante sur tout film de genre s’attaquant à un public cible avec pour seule volonté celle d’être « cool ».

 

Antrum : The Deadliest Film Ever Made de David Amito et Michael Laicini

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Film-concept par excellence, Antrum : The Deadliest Film Ever Made se présente d’abord comme un documentaire dans lequel des « spécialistes » parlent face-caméra d’une sorte de rumeur courant dans le milieu des festivals de cinéma concernant un film-maudit dont les rares spectateurs seraient tous morts dans d’étranges circonstances après la vision. Puis, après dix minutes de ce « documentaire », le film s’arrête pour montrer ni plus ni moins que le film-maudit en question, le fameux Antrum, non sans nous avoir adressé un message de précaution. Antrum : The Deadliest Film Ever Made est donc une incroyable poupée russe, un film dans le film, au sein duquel existe encore d’autres images, parasites, prétendument ajoutées à l’unique pellicule retrouvée. L’exercice est malin et procure un vertige certain. Quant au fameux film en lui-même : il s’agit d’une sorte de melting-pot de plusieurs références horrifiques (Blair Witch Project, Simetierre, Wicker Man, entre autres) mais qui fonctionne plutôt bien en l’état. Quant au générique final, retournant sur le terrain du documentaire (ou du « mockumentaire »), il interroge de manière toujours aussi intelligente sur la croyance du spectateur et sur l’impact que peut avoir un objet filmique sur quelqu’un, selon le degré d’adhésion et de crédulité qu’il est prêt à lui accorder.

 

Le BIFFF s’est tenu du 9 au 21 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2019 – Classement des films vus

Avant de connaître le palmarès de cette 37ème édition du BIFFF, il est temps pour moi de mettre un peu d’ordre dans ce qui a été vu. Même si l’exercice peut sembler dérisoire, il me permet d’avoir et de donner une vue d’ensemble de ce qui reste ou pas, de ce qui aura marqué et de ce qui est déjà oublié. Sur 45 films vus : 12 aimés (à des degrés différents), 12 appréciés malgré leurs défauts (et parfois en relation avec les conditions de réception), 20 pas aimés pour des raisons variées, et un détesté car tout simplement honteux.

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Top 12 (aimés) :

1/ One Cut of the Dead

2/ The Beach Bum

3/ Tumbbad

4/ Antrum : The Deadliest Film Ever Made

5/ La Deuxième

6/ Ghost Master

7/ No dormirás

8/ Braid

9/ The Golem

10/ Assassination Nation

11/ The Room

12/ Zoo

 

Appréciés :

13/ Tous les dieux du ciel

14/ The Unthinkable

15/ The Pool

16/ Freaks

17/ Aniara

18/ Extra Ordinary

19/ Hellboy

20/ The Furies

21/ You Might Be the Killer

22/ Abrakadabra

23/ The Quake

24/ The Sonata

 

Pas aimés :

25/ American Animals

26/ Red Letter Day

27/ Terminal

28/ Dreamland

29/ Aurora

30/ Crime Wave

31/ Cities of Last Things

32/ Feedback

33/ Play or Die

34/ Rock Steady Row

35/ Pet Sematary

36/ I Trapped the Devil

37/ Go Home

38/ Blood Fest

39/ Level 16

40/ X – The Exploited

41/ Rampant

42/ Achoura

43/ Superlópez

44/ The Dead Center

 

Détesté :

45/ Finale

 

Le BIFFF se tient du 9 au 21 avril au Palais des Beaux-Arts

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BIFFF 2019 – Carnet de bord (7)

Le spectacle continue au BIFFF : films de fantômes réflexifs, slashers métas et exercices de style appliqués sont au programme.

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Level 16 de Danishka Esterhazy

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Huis-clos dystopien situé dans une école pour jeunes filles élevées comme du bétail et selon des règles strictes et rétrogrades, Level 16 est apparemment thématiquement très proche du roman et de la série Handmaid’s Tale (pas vu ni lu, désolé) et est en cela minorisé par ceux qui savent de quoi ils parlent…. Mais même sans avoir la connaissance requise ni sans porter le flambeau du savoir « indiscutable », on peut tout à fait se rendre compte de l’indigence de ce film rejouant des situations vues et revues et tirant très mal parti – que ce soit sur le plan scénaristique ou sur le plan visuel – de son huis-clos probablement autant dû à des impératifs budgétaires qu’a une véritable exigence artistique.

 

No dormirás de Gustavo Hernández

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Derrière un aspect classique de film hispanophone de fantômes, No dormirás propose une belle allégorie du métier d’actrice, qui s’incarne et s’intègre naturellement dans un récit par ailleurs fluide. Dans une maison marquée par un drame et potentiellement hantée, une metteuse en scène maintient deux actrices dans un état d’insomnie afin de provoquer chez elle des ressentis inédits et induire une performance unique. L’idée du corps de l’acteur ou de l’actrice comme vaisseau d’esprits et de fantômes du passé le visitant dans un état de transe augmente le film d’horreur classique attendu d’une dimension théorique et réflexive inespérée, qui continue à interroger a posteriori et indépendamment de l’honnête film dans lequel elle est inclue.

 

You Might Be the Killer de Brett Simmons

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Comédie horrifique « méta » s’il en est, You Might Be the Killer repose sur deux idées vraiment originales et vertigineuses : la première est de mettre en communication téléphonique, tout le film durant, le personnage principal – jouant un rôle déterminant dans un massacre au sein d’un « Summer Camp » – avec un personnage extérieur à l’action et possédant une connaissance distanciée de ce qui pourrait bien se passer dans un film d’horreur tel que celui-ci ; l’autre est de bousculer l’ordre des scènes au gré d’u récit que fait le « héros » au téléphone, de sorte que le spectateur ait l’impression de se balader de manière arbitraire et aléatoire dans un script en constant mouvement. Si l’on s’en tenant strictement au concept sur lequel tient le film, celui-ci ne serait pas loin d’être un chef-d’œuvre du genre. Malheureusement, il se heurte violemment au mur cruel du résultat que l’aspect visuel repoussant, le jeu cataclysmique de certains comédiens – dont l’acteur principal, épouvantable – et la banalité fourre-tout du récit en tant que tel (la malédiction du tueur masqué trucidant des crétins à tour de bras) rendent particulièrement bancal.

 

Abrakadabra de Luciano et Nicolás Onetti

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Troisième film d’une trilogie consacrée au giallo par les frères Onetti, Abrakadabra est un exercice de style pur, poussant à l’extrême le souci du détail. Recréant un style visuel et un grain particulier aux années 70, tourné en espagnol mais doublé en italien afin de coller au plus près à l’aspect que revêtirait un film de ce genre et de cette époque, retrouvé et redécouvert aujourd’hui, le film est un objet de curiosité, sympathique mais finalement assez vain. Il est difficile d’y trouver un intérêt autre que celui de l’anecdote, du « bon moment » et du pastiche. D’autant plus que le récit qu’il propose est une sorte de melting-pot d’un scénario « giallesque » tel qu’on se le représente de manière caricaturale, charriant son lot de retournements de situations abracadabrantes (le film porte bien son titre) et d’allusions pataudes à des tartes à la crèmes psycho-œdipiennes.

 

Le BIFFF se tient du 9 au 21 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2019 – Carnet de bord (6)

En ce mardi de BIFFF, si Snoop Dogg et Matthew McConaughey nous ont plongé dans un état de transe « cool », deux films de genre « politiques » ont failli jouer les trouble-fêtes, heureusement sans y parvenir.

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Go Home de Luna Gualano

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Faire un film de zombies dans l’Italie contemporaine en faisant se côtoyer néo-fascistes et demandeurs d’asile était à priori une idée intéressante et convoquant presque inévitablement la référence à George Romero, lequel a érigé la rencontre entre les zombies et l’allégorie politique au rang de genre cinématographique à part entière. Mais Go Home est un exemple type de décalage entre le résultat et les intentions, peut-être par manque de moyens. Toujours est-il que les dialogues ineptes, le jeu d’acteurs médiocre et l’aspect globalement amateur de l’ensemble rendent le film presque irregardable en l’état, d’autant qu’il ne fait que convoquer des stéréotypes pour faire passer on ne sait quel « message » à la fois misanthrope et schématique.

 

The Beach Bum de Harmony Korine

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Trip sous substances, éloge de la marginalité ou encore portrait libre d’un grand homme échappant aux conventions, le nouveau film d’Harmony Korine est difficile à cerner et à décrire, d’autant plus que lui coller telle ou telle étiquette ne ferait que lui enlever sa spécificité et empêcher de l’appréhender par tous les bouts possibles et imaginables, ce qu’il permet a priori. Objet protéiforme et flamboyant, à l’image de son personnage principal, The Beach Bum reprend quelques-uns des « jingles » visuels et thématiques déjà à l’œuvre dans Spring Breakers, mais pour un résultat nettement moins théorique et plus ambigu. Le film joue aussi avec des codes hollywoodiens, en les déformant largement, et avec un casting hétéroclite composé d’écorchés vifs et d’incontrôlables de tous poils (McConaughey, Snoop Dogg, Efron, Lawrence), qu’il est toujours agréable de (re)voir au cinéma, en dehors de tout diktat de bon goût ou de formatage.

 

Aurora de Yam Laranas

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Hasard (ou pas) de la programmation, le BIFFF projetait lors de la même journée deux films de genres à fort sous-texte politique. Après Go Home, c’est donc Aurora qui venait occuper ce terrain avec son histoire de bateau fantôme venant « dénoncer » de manière allégorique une réalité socio-politique. Mais là encore, le film a du mal à choisir ce qui le travaille vraiment et ce qu’il veut raconter. Comme Aurora revêt un esprit de sérieux constant et que le récit semble aller crescendo, on ne peut que s’étonner de la pauvreté esthétique et scénaristique de l’histoire de fantôme en tant que telle, qui ne semble au final qu’être plaquée là à des fins opportunistes et se révèle assez grotesque dans son exécution.

 

Terminal de Vaughn Stein

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Pétri de références et autres clins d’œil aux romans et aux films noirs, ainsi qu’à Lewis Carroll et Alice au pays des merveilles, Terminal est un curieux produit, à la fois clinquant et dont on devine continuellement les limites budgétaires. Probablement régi par les agendas chargés des quelques acteurs connus qui le parsèment (Margot Robbie, Simon Pegg, Mike Myers), il revêt des aspects de film à sketchs remonté pour lui donner un semblant de cohérence et d’homogénéité. Avec sa photographie tape-à l’œil, toute en néons et en clairs-obscurs appuyés, Terminal apparaît comme un exercice de style surjoué, également handicapé par un aspect « sous-tarantinesque » dû à ses dialogues surécrits mais creux. Le « twist » final du film le fait en outre entrer dans la catégorie « revenge movie », rajoutant encore une couche au copieux mille-feuille. Néanmoins, le film garde un tout petit charme dû à sa manifeste volonté de bien faire et à son goût appréciable du kitsch et du grotesque.

 

Le BIFFF se tient du 9 au 21 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2019 – Carnet de bord (5)

Plusieurs choses intéressantes lundi au BIFFF : quelques visions transcendantes dans une esthétique « franco-belge » malheureusement encore balisée, un film de scénario reposant sur quelques idées fortes, et un film indien aux bases mythologiques et à l’ampleur inespérée.

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X – The Exploited de Károly Ujj Mészáros

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Polar noir à forte tendance doloriste, ce film hongrois en fait des caisses et semble décrire Budapest comme une sorte de « no man’s land » gangréné par la corruption, tout en copiant un modèle américain déjà passé de mode (le thriller « sérieux » des années 90 : Copycat, Se7en, etc.). Esthétisant à souhait, le film propose par exemple un « parti pris » lourd de sens et représentatif de l’ensemble de la démarche : celui de filmer la ville « la tête en bas » lors de panoramiques scandant le film. Si l’on n’avait pas bien compris l’aspect grave du film, la performance victimaire de l’actrice principale (Mónika Balsai, les yeux humides et les cheveux gras) est là pour enfoncer le clou.

 

Tous les dieux du ciel de Quarxx

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En adaptant son court métrage Un ciel bleu presque parfait avec les deux mêmes acteurs principaux (Jean-Luc Couchard et Mélanie Gaydos), Quarxx tente des choses dans la porosité des genres et propose des images que l’on n’a pas l’habitude de côtoyer dans un cinéma franco-belge naturaliste qui n’ose jamais rien, et surtout pas de s’aventurer en dehors de ses terrains balisés. Les ovnis, les « crop circles » et la difformité physique viennent ici gangréner une esthétique plus attendue de « film rural » et un récit psychologique à base de traumatisme fondateur et de culpabilité. Le résultat n’est pas totalement réussi et maîtrisé, dans la mesure ou l’inattendu ne parvient pas à supplanter l’attendu et que les visions véritablement originales que referme le film s’avèrent in fine relever de l’anecdotique dans le déroulé d’un récit peut-être trop littéral. Mais Tous les dieux du ciel aura tout de même marqué les rétines et les esprits, et constitue probablement l’une des surprises de ce BIFFF.

 

The Room de Christian Volckman

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Film de scénario par excellence, The Room repose sur un concept fort duquel il essaie de tirer tous les partis possibles. Malheureusement le film pâtit de quelques problèmes de… scénario, probablement dû à des réécritures. Le principal souci semble se situer dans le pacte de croyance qui devrait être clair et net dès l’exposition du concept (une chambre mystérieuse pouvant procurer à ses occupants tous les objets de leur désir) mais dont les règles et les bases fluctuent à longueur de script. Malgré ce sentiment d’imperfection, on retiendra tout de même du film quelques idées et visions, malheureusement pas suffisamment exploitées : l’idée même de la chambre comme expression des désirs ; les entrailles de la « machine » représentée par des entrelacs infinis de fils dissimulés dans les murs de la maison, et que le héros finira par traverser pour pénétrer dans une chambre devenue l’inconscient d’un autre personnage ;  la dimension « poupée russe » d’un climax privilégiant malheureusement le suspense primaire au vertige organique. Impression mitigée donc – mais toujours susceptible d’évoluer –, quant à The Room.

 

Tumbbad de Adesh Prasad et Rahi Anil Barve

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Divisé en trois chapitres, Tumbbad propose une fable morale aux bases mythologiques fortes et prend de par ces prérequis une ampleur assez inespérée, tout en se heurtant tout de même à certaines limites. Il est en effet difficile d’éprouver la moindre once d’empathie pour les personnages principaux et le propos du film sur l’appât du gain – très premier degré – se montre assez cynique et misanthrope. Mais le traitement et l’aspect des monstres du film et l’attachement à des bases mythologiques et a des règles définissant un imaginaire très clair et palpable, en font une expérience assez notable dans le déroulé quotidien de ce BIFFF.

 

Le BIFFF se tient du 9 au 21 avril au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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BIFFF 2019 – Carnet de bord (4)

Un « torture-porn » danois, des zombies coréens, un délire américain et de la SF suédoise étaient au programme de ce dimanche de BIFFF.

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Finale de Søren Juul Petersen

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Heureusement que le réalisateur était là avant la séance pour préciser que son film était plus qu’un « torture-porn » et que la « touche scandinave » quant au genre était d’apporter une critique de la société…. Parce que, autant le dire tout de suite, nous n’avons vu dans cet effroyable ersatz de torture-porn au premier degré, derrière lequel se dissimule bien entendu une bonne petite leçon de morale bien culpabilisante mais bête comme ses pieds (oui, internet et la télé-réalité, c’est le mal, on a bien compris), qu’un infâme navet laborieux et prétentieux.

 

Braid de Mitzi Peirone

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Derrière les focales déformantes, les « dutch angles » et le jeu outré des trois comédiennes, donc derrière toutes ces choses énervantes qui n’engagent pas vraiment à aimer Braid, se cachent certaines idées plus intéressantes, à creuser. Si l’on n’est pas tout à fait certain d’avoir compris le film et ce qu’il tentait de nous raconter, de nous communiquer, deux pistes soulevées nous semblent stimulantes : celle du jeu de rôle répété indéfiniment par trois jeunes femmes qui ont l’habitude de jouer ensemble depuis l’enfance, avec des codes et des règles bien à elles ; et celle du rêve partagé, là encore reposant sur un univers commun, un imaginaire créé en collaboration par les trois personnages principaux.

 

Rampant de Kim Sung-hoon

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Petit parangon d’opportunisme, ce blockbuster coréen réunit deux concepts en vogue (le film médiéval et les zombies) pour en faire un produit clinquant et extrêmement grand public. Avec son humour lourdingue, ses dialogues appuyés et ses personnages clichés, Rampant ne semble pouvoir être vu ici que comme un échantillon type, un exemple représentatif de ce que peut bien être le divertissement coréen à un instant t, quand bien même celui-ci ne serait qu’une application béate à une culture et des archétypes donnés de recettes qui ont fait leurs preuves (économiques) ailleurs.

 

Aniara de Hugo Lilja et Pella Kågerman

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Présenté ici comme un « chef d’œuvre » de la SF, Aniara ne pouvait que pâtir de cette survente excessive. Derrière la chronique sur plusieurs années d’un vaisseau spatial à la dérive, le film ne referme ni plus ni moins qu’une allégorie – très lourde de sens – de la condition et de l’attitude de l’espèce humaine, condamnée en sursis qui continue à vivre dans le déni de son inévitable disparition. Aniara ne laisse donc pas de doute une seule seconde sur ses intentions : on n’est pas là pour rigoler. Au-delà de son aspect pesant, le film développe quelques idées fortes, comme la naissance au sein du vaisseau d’un culte voué à une intelligence artificielle disparue et érigée en martyr. Mais l’expérience proposée par Aniara se révèle globalement plus plombante et cynique que stimulante.

 

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BIFFF 2019 – Carnet de bord (3)

Premier grand choc de ce BIFFF, le faux film de zombies One Cut of the Dead n’a pas eu trop de mal à se démarquer lors de cette quatrième et intense journée de festival.

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Dreamland de Bruce McDonald

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Coproduit notamment par la Belgique, le dernier film de Bruce McDonald (Pontypool) arbore fièrement les traces d’un tournage wallon, ce qui constitue pour le spectateur belge une petite curiosité permettant de passer le temps lors d’une projection globalement pénible. Melting-pot informe biberonné aux références hétéroclites – dont la plus évidente et la plus maltraitée n’est ni plus ni moins que Twin Peaks –, Dreamland jette dans un mixer vampires pédophiles, doppelgängers perruqués et mafieux hystériques pour obtenir une sorte de potée informe potentiellement ressentie par son auteur comme quelque chose d’éminemment personnel et « arty ». Même s’il a le mérite d’essayer des choses, de tordre les principes d’un cinéma narratif au sein d’une vraie série B, la médiocrité ambiante qui plane sur l’ensemble – que ce soit par le jeu des acteurs, par un scénario peu travaillé ou par l’aspect racoleur de certains passages – rendent le film presque irregardable en l’état.

 

One Cut of the Dead de Shinichiro Ueda

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Déstabilisant et virtuose, ce film double voire triple qu’est One Cut of the Dead propose ni plus ni moins qu’une véritable réflexion méta sur la pratique du cinéma à travers une mise en abyme dont la disposition est, de mémoire, totalement inédite. Après un plan séquence de 37 minutes proposant un film de zombies immersif mais remplis de blancs, d’hésitations et d’un amateurisme feint, la seconde partie du film vient répondre à toutes les interrogations suscitées par la première, en proposant une sorte de making-of – fictionnel – du plan-séquence en question. Parler aussi succinctement d’un film véritablement « trop plein » et protéiforme ne lui rend assurément pas justice, mais que ces quelques lignes servent au moins à susciter la curiosité car One Cut of the Dead le mérite amplement, d’autant plus qu’il peut procurer à son spectateur un vertige aussi impactant que stimulant.

 

The Sonata d’Andrew Desmond

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Remplissant le minimum syndical de ce que l’on peut attendre d’un film d’horreur autour d’une possession ou d’une malédiction, The Sonata semble cocher les cases d’une liste fournie par un manuel du style « L’horreur pour les nuls ». S’y retrouvent donc la grande bâtisse isolée, la jeune fille trop naïve, les symboles du démon et la fameuse malédiction, qui prend ici donc la forme d’une mystérieuse sonate. Le tout est fait de manière carrée, avec le professionnalisme nécessaire pour garder son spectateur éveillé et revêtir un aspect fini, mais transpire désespérément le déjà-vu et l’académisme.

 

Superlópez de Javier Ruiz Caldera

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Esthétiquement aussi excitant qu’un film de Dany Boon, ce nouvel opus d’un « héros » du BIFFF (deux fois prix du public avec Ghost Graduation et Anacleto) en expose clairement les limites. Avec son concept ringardissime, ses blagues éculées de patronage et son acteur vedette insupportable, cette comédie pas drôle laisse pantois durant la majorité de sa vision. Un climax final, entre le super-héros espagnol et un robot tout droit issu des Indestructibles, laisse tout de même entrevoir le potentiel cartoonesque du film, lequel n’aura malheureusement jamais été exploité auparavant.

 

Rock Steady Row de Trevor Stevens

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Difficile de se passionner pour cette histoire brouillonne de vol de vélo sur fond de conflit entre fraternités dans un monde dystopique. Rock Steady Row est le genre de film qui dissimule son peu d’idées et la confusion manifeste de son scénario derrière un montage « punchy » et une « coolitude » feinte de série B branchée. Pénible de bout en bout, le film a l’avantage de ne durer qu’une heure quart mais aurait facilement pu se limiter à un court métrage de dix minutes.

 

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BIFFF 2019 – Carnet de bord (2)

Au programme de cette deuxième tournée : un golem œdipien, des zombies hors-champ, un collectif suédois, un monstre marocain et un Kad Merad américain.

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The Golem de Doron et Yoav Paz

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Avec ses airs de resucée judaïque du Village de Shyamalan et son allégorie pesante de l’histoire du peuple juif, The Golem revêt des aspects classiques et pompiers qui l’alourdissent considérablement. Mais derrière cet apparat peut-être peu engageant se cache une très belle idée, la relation entre le golem du titre – cette créature d’argile tenant dans sa bouche le nom de Dieu – et sa créatrice. Façonné à l’image d’un enfant perdu, la créature et sa « mère » partagent les mêmes douleurs et les mêmes colères. La manière dont le film inclut ce lien dans une trame et un habillage de film horrifique en costumes le transcende, malgré une trop grande propension à la grandiloquence surjouée.

 

Zoo de Antonio Tublen

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Promettant une sorte de « home invasion » intimiste sur le modèle de Funny Games ou de Borgman – avec lequel il partage d’ailleurs un acteur emblématique, Jan Bijvoet – le tout sur fond de contamination « zombiesque », Zoo casse les attentes et les détourne en proposant en réalité un film de dialogues sur le couple, dont le hors-champ est effectivement un film de zombie. Le film comporte de grosses lourdeurs notamment sur la manière dont le couple en fin de course reprendra du poil de la bête, comment l’homme émasculé pourra regagner sa virilité et ce genre de banalités vues et revues. Mais – tout comme The GolemZoo contient une idée qui peut changer quelque peu la perception qu’on en a. Pour survivre à leur quarantaine forcée, et pour tuer le temps, le couple cloîtré dans son appartement se construit une bulle de marginalité, hors du monde et hors du temps, par le biais de la prise de drogues et de psychotropes. Si les effets desdites substances ne sont pas vraiment montrés avec excès par la mise en scène ou le jeu des acteurs – ce qui est plutôt une bonne chose –, cette idée de cocon formé par des personnages autour d’eux-mêmes pour éviter de rentrer en collision avec un « dehors » menaçant, suffit à susciter l’intérêt et engage à voir le film sous son meilleur jour.

 

Cities of Last Things de Wi Ding Ho

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Réalisateur de produits formatés, Wi Ding Ho signe avec Cities of Last Things le premier film dont il est le seul auteur – scénariste et également producteur. On sent dans cet étrange film l’envie de bien faire, de se placer dans la lignée d’illustres références telles que Wong Kar-wai ou encore Jia Zhang-ke. Et la déception que suscite le film n’en est que plus cruelle. Pourquoi vouloir construire un film en trois parties distinctes, pourquoi raconter la vie d’un personnage à rebours, pourquoi convoquer trois genres cinématographiques différents, si ce n’est que pour raconter ces histoires rebattues de tromperies en tout genre, de frustrations masculines et d’humiliations quotidiennes ? Parsemé de personnages clichés – le pauvre gars trop naïf, l’épouse volage, le flic ripoux, la prostituée au grand cœur –, le film s’étouffe sous le poids de son incapacité à être la hauteur de son ambition.

 

The Unthinkable de Crazy Pictures

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Réalisé par un collectif suédois avec un budget réuni par le « crowdfunding », relativement bas pour un film du genre auquel il s’attaque, The Unthinkable est un film catastrophe choral, calqué sur un modèle américain – principalement Roland Emmerich – mais filmé sur un mode plus naturaliste. Si le film surprend, au-delà de son intrigue plutôt très classique et de son respect appliqué du cahier des charges, c’est par une certaine naïveté décomplexée avec laquelle il compose. Quelques flashbacks lourdauds et une histoire d’amour filmée comme une pub pour shampoing se fondent bizarrement dans le décor, sans dénaturer l’ensemble, que l’on accepte plus ou moins dans toutes ses bizarreries et avec son côté hétéroclite. Mais le principal intérêt du film réside avant tout dans ses séquences d’action et ses effets visuels assez époustouflants, intérêt qui se révèle a posteriori, avec une bonne vue globale, assez minime.

 

I Trapped the Devil de Josh Lobo

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Démarrant comme un vaudeville trash et donc presque inévitablement comme du théâtre filmé, I Trapped the Devil met en scène un sosie de Kad Merad, persuadé de détenir dans sa cave le diable en personne. Après une première partie bavarde lors de laquelle le personnage principal tente de convaincre son frère et sa belle sœur du bien fondé de sa démarche de séquestration, le film s’essaie in fine à l’horreur atmosphérique à tendance paranoïaque. Il échoue malheureusement sur tous les tableaux, ne parvenant jamais à faire exister quoi que ce soit, qu’il s’agisse de dialogues un minimum consistants, de personnages intéressants ou d’une tension un tant soit peu palpable.

 

Achoura de Talal Selhami

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Présenté comme le premier film de monstre marocain – ce qui semble discutable –, Achoura copie allègrement le modèle de Ça – un aller-retour entre deux pistes narratives dont l’une met en scène des personnages enfants et l’autre les mêmes personnages à l’âge adulte – et est un peu la caricature d’un film de fan, du style « le film que je rêvais de faire, gamin, quand je regardais Les Goonies ». Forcément, le résultat doit beaucoup plaire à son réalisateur mais attendre qu’il séduise quiconque a vu plus d’un film d’horreur dans sa vie est beaucoup plus compliqué.

 

Hellboy de Neil Marshall

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Au premier degré, cette nouvelle version de Hellboy, sans arriver à la cheville de celles de Guillermo del Toro, fait en quelque sorte « le boulot » en proposant un bestiaire gratiné, un humour lourdingue mais de bon aloi et une vilaine méchante de série B en la personne de Milla Jovovich. Mais la comparaison entre le film de Neil Marshall et ceux de del Toro est malgré tout intéressante car elle permet de déceler une différence fondamentale dans le traitement : chez Marshall, les monstres ne sont qu’un prétexte à exhiber des effets spéciaux précis, travaillés au détail près, mais mettant surtout l’accent sur l’aspect horrifique et dégoûtant des sujets ; chez del Toro, c’était un véritable amour des monstres et la mise en place d’un univers qui se déployaient derrière l’efficacité du divertissement.

 

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BIFFF 2019 – Carnet de bord (1)

Et c’est reparti pour deux semaines de BIFFF dans les couloirs tortueux et les salles obscures du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Une édition qui promet déjà plusieurs temps forts mais qui s’ouvre pour nous en douceur avec quelques films mineurs, et avec un séisme (littéralement).

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Simetierre de Kevin Kölsch et Dennis Widmyer

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Alors que la première adaptation du roman de Stephen King (par Mary Lambert, en 1989) demeure à ce jour un nanar bizarroïde étrangement et obsessionnellement fidèle au bouquin, ce nouveau Simetierre semble vouloir en être une sorte de remake « plus classe ». Conservant certaines modifications qu’avait opérées le premier film par rapport au livre, il en amène de nouvelles dont on se demande sincèrement où en réside l’utilité. Aussi désincarné que ses personnages de morts-vivants, le Simetierre de Kölsch et Widmyer est une série B de luxe – avec en vedette un acteur montant (Jason Clarke) et une caution cinéphile (John Lithgow) –, sans invention et conçue uniquement pour surfer sur le succès récent de Ça.

 

Ola de crímenes (Crime Wave) de Gracia Querejeta

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Comédie espagnole à base d’humour noir et de rebondissements vaudevillesques, Ola de crímenes est plus ou moins dans la moyenne basse de ce que l’on peut attendre de ce type de produits formatés. Accumulant les pistes scénaristiques et les personnages superflus pour mieux embrumer une intrigue par ailleurs basique et convoquer au cacheton quelques stars espagnoles (Luis Tosar, Raúl Arévalo, Javier Cámara entre autres), le film fait sourire quelques fois mais baigne malheureusement dans une esthétique neutre de téléfilm ou de théâtre filmé. Il propose pourtant au moins un très bon personnage, un grand dadais adolescent excité par la MILF Maribel Verdú et joué avec bonheur par un excellent Miguel Bernardeau.

 

The Dead Center de Billy Senese

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Dans le programme du BIFFF, un rédacteur inspiré a décrit The Dead Center comme étant la rencontre improbable entre Videodrome et Urgences. Loin de cette saillie culottée, nous préférerons parler d’un Grey’s Anatomy sous Prozac, filmé par Jean-Pierre Mocky et dans lequel se serait égaré un mort-vivant amnésique. Avec ses airs de faux films d’auteur façon Sundance, son esthétique pseudo-naturaliste passe-partout et son sérieux de pape parfois véritablement embarrassant de ridicule, The Dead Center s’impose comme la première grosse purge de cette édition.

 

The Quake de John Andreas Andersen

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Très lente au démarrage – une grosse heure d’exposition pour seulement trente minutes de climax – cette suite assez improbable de The Wave (Roar Uthaug, 2015) n’a – de mémoire – pas la même efficacité que son prédécesseur. Si le postulat que la même petite famille norvégienne se retrouve à deux reprises au cœur d’une catastrophe « naturelle » – un tsunami dans un fjord et un séisme à Oslo – est a priori difficile à avaler, le pacte du divertissement fait rapidement passer la pilule. Mais l’accumulation de dialogues plats et de clichés servie par la première partie du film a vite fait de décourager le spectateur le plus enthousiaste et « dans l’attente » par rapport à cette suite. Heureusement, le grand spectacle au premier degré proposé par la dernière demi-heure redonne un peu foi dans le film d’action primaire et mâtiné de bons sentiments qu’est au final cet inégal The Quake.

 

Le BIFFF se tient du 9 au 21 avril, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

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FILM FEST GENT 2018 – « Werk ohne Autor » de Florian Henkel von Donnersmarck

Apparemment, le nouveau film de Florian Henkel Von Donnersmarck (La Vie des autres, The Tourist) a fait forte impression à la dernière Mostra de Venise, où il a remporté l’adhésion du public et où une partie de la critique lui prédisait une place de choix au palmarès – qu’il n’a heureusement pas collectée. Concernant un film de trois heures, affreusement classique et filmé comme un épisode de Plus belle la vie, il y a de quoi se poser des questions….

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Déjà, quand un film de cette longueur arrive, dans sa première demi-heure, à faire figurer une scène d’une rare abjection, dont on pensait le sort réglé à tout jamais – à savoir une scène de chambre à gaz montrée sans aucune distance, en pleine lumière, et avec moult gros plans sur les visages des victimes – on peut dire que ça part très mal. Le film est donc enterré une première fois mais puisque des mauvaises raisons nous poussent à rester dans la salle, nous en avons encore pour deux heures et demi à pleurer sur ses restes.

Et là, un étrange phénomène se produit, proche du syndrome de Stockholm. Malgré le geste inadmissible qu’a commis le film, on se prend à le suivre malgré tout, à finir par le trouver moins pire, à attendre le dénouement… tout en gardant à l’esprit que l’on est en train de voir une daube néo-classique de la pire espèce.

Il faut dire que, alors qu’il ne se pose aucune question sur sa manière de représenter le nazisme et l’holocauste, le film se pique de s’en poser sur l’art en général. On croit rêver ! Et la position qu’il véhicule sur l’art contemporain est particulièrement gratinée. Faisant d’abord mine de le défendre, en opposition à la censure de tous bords – d’abord du nazisme, puis du communisme – le film s’achemine ensuite vers une satire moqueuse de celui-ci, avant de tout bonnement le nier, puisqu’il revient à l’éloge d’un certain vérisme, à travers les œuvres que finit par peindre le héros, des copies conformes de photos, donc du photoréalisme.

Et le discours alambiqué sur l’œuvre d’art que fait la dernière partie du film colle finalement très bien au projet. Non seulement, il fait l’éloge du classicisme et du naturalisme, mais il dit carrément qu’en art, rien ne vaut l’impersonnalité, d’où le titre : Werk ohne Autor (une œuvre sans auteur). Cela nous permettra de dire de manière assez roublarde que le film porte bien son titre, mais c’est surtout particulièrement édifiant quant à la manière dont ce type de production, ce type de réalisateur, conçoivent le cinéma, comme quelque chose devant être dévitalisé, objectivisé, dénué de personnalité. En fait, Florian Henkel von Donnersmarck est lui-même son pire détracteur. Il met au sein même de son film le discours qui permet de le ramener à ce qu’il est réellement : une non-œuvre, un grand « rien » artistique.

Thibaut Grégoire

 

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