Critique et analyse cinématographique

FILM FEST GENT 2016 – « Le Secret de la chambre noire » de Kiyoshi Kurosawa

Premier film en France et en français pour le japonais Kiyoshi Kurosawa. Ce qui frappe une nouvelle fois dans cette incursion du cinéma d’un auteur accompli dans un environnement qui ne lui est pas familier, c’est la manière dont le casting et le passif du cinéma français peuvent être transcendés par un regard extérieur. Malheureusement, cette règle ne vaut pas pour tous les acteurs du film….

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Avec ce scénario original, belle histoire de fantômes dont il a le secret, Kurosawa réussit un film totalement schizophrène sur la schizophrénie, dont la scission est le maître-mot. Scission du film en deux parties : une première partie assez réaliste mais baignée d’étrangeté sur un photographe reclus qui essaie de recréer des daguerréotypes dans les conditions de l’époque, son jeune apprenti juste débarqué qui découvre son environnement en même temps que le spectateur du film, et sa fille Marie, modèle presque contraint des photos, qui essaie tant bien que mal de gagner sa liberté ; puis une seconde partie amorcée par un événement traumatique qui fait basculer le film dans le polar. Scission de cette deuxième partie en deux pôles contradictoires qui ne cessent de se mêler : une dimension de polar familial – plus « simenonien » qu’hitchcockien –, et une dimension fantastique déjà annoncée par les ambiances de la première partie. Scission enfin entre les acteurs du trio de tête : d’un côté Constance Rousseau et Olivier Gourmet, l’une dans une pure présence à la fois évanescente et charismatique, l’autre redécouvert à travers la caméra d’un cinéaste étranger, qui lui donne une puissance d’acteur massif et inquiétant, en dehors de tout artifice et de tout déguisement ; de l’autre côté, le plus mauvais acteur du monde, Tahar Rahim, phénoménale erreur de casting qui n’a aucun moyen de jouer de manière crédible le trouble et la schizophrénie. La dernière partie manque de virer dans le délire hystérique, uniquement à cause de Rahim et de son jeu démesuré. Le Secret de la chambre noire courait dès lors le risque de sombrer dans le ridicule, par la faute de ce surjeu affecté, mais il se révèle au contraire être un des rares exemples de grands films qui résistent à la médiocrité de leur acteur principal.

Thibaut Grégoire

 

Le Festival de Gand se déroule du 11 au 21 octobre 2016

Plus d’infos sur le site du festival

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