Critique et analyse cinématographique

FILM FEST GENT 2016 – « Moi, Daniel Blake » de Ken Loach

Le dernier Ken Loach fait l’ouverture du Festival de Gand. Aurait-il occupé cette place s’il n’avait pas remporté la Palme d’Or à Cannes en mai dernier ? Il y a peu de chances. Il est en effet difficile de différencier ce film du tout venant de la production du réalisateur, dont le travail se résume depuis longtemps à filmer de la manière la plus limpide possible des scénarios écrits par Paul Laverty.

danielblakephoto4-1462279770

Le film suit Daniel Blake dans son combat contre l’état et les caisses de chômages quand, victime d’une attaque cardiaque, il est jugé inapte à l’emploi par son médecin traitant. Les autorités, ne prenant pas en compte cet avis, l’obligent à chercher du travail sous peine de se voir retirer ses allocations et lui refusent des revenus supplémentaires de maladie. En plus de son combat personnel, Daniel se met en tête d’aider une mère célibataire dans une situation similaire à survenir à ses besoins et à ceux de ses deux enfants.

Nous sommes donc ici dans un récit édifiant, revendiqué comme tel, qui se veut révolutionnaire dans son propos – thèse d’ailleurs appuyée par le discours militant de Ken Loach lors de l’acceptation de sa Palme d’Or. Le gros problème est que la « révolution » chez Loach n’est plus que la réaction à des situations et des états de fait qui le dépassent, accompagnée d’une exhortation à un retour en arrière. Le cinéma de Loach est de gauche car il défend les « petites gens » de manière unilatérale – souvent très manichéenne – mais est aussi profondément réactionnaire, dans le sens où il ne trouve aucune solution dans la société telle quelle est actuellement.

Si le scénario de Laverty est profondément démonstratif – n’hésitant pas à répéter plusieurs fois la même scène pour bien enfoncer le clou, plaçant son personnage impuissant devant des injustices flagrantes dont il semble le seul à s’émouvoir –, la mise en scène désespérément plate de Loach ne fait que mettre en lumière ses faiblesses. Il est d’ailleurs incroyable qu’un cinéaste qui clame haut et fort vouloir résister, faire la révolution, propose aussi peu de révolutions formelles et s’inscrit pleinement dans l’académisme le plus institutionnel.

Mais ce qui agace le plus dans Moi, Daniel Blake, c’est que le film est si caricatural, si schématique et naïf dans les accusations qu’il porte, dans les coups de gueules qu’il pousse, qu’il en devient gênant et contre-productif pour la cause qu’il tend à défendre. Ce naturalisme déterministe et poussé à l’extrême, dans lequel les pauvres sont tous solidaires et les décisionnaires tous insensibles, et dans lequel un personnage malmené ne peut s’en sortir que par la mort, participe de la décrédibilisation complète d’un film qui s’excite tout seul et qui tourne en rond sans se rendre compte de son inaptitude à prendre à bras le corps un combat qui le dépasse.

Thibaut Grégoire

 

Le Festival de Gand se déroule du 11 au 21 octobre 2015

Plus d’infos sur le site du festival

Laisser un commentaire