Critique et analyse cinématographique

Cannes 2014 – « Welcome to New York » d’Abel Ferrara

Absent de toutes les sélections, le film autoproclamé scandaleux d’Abel Ferrara s’est finalement invité à Cannes en grande pompe, au Marché du film, et a logiquement été accueilli assez froidement par la critique. Bien qu’il ait indubitablement tendu le bâton pour se faire battre, Ferrara ne mérite peut-être pas ça, d’autant plus que son film, sans proposer de réel point de vue sur l’affaire DSK, brasse des thématiques chères au cinéaste et que l’on y reconnaît son style direct et sans fioritures.

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À l’actif des ses détracteurs les plus virulents, il faut reconnaître que Welcome to New York est un film sale, crapoteux et peu aimable, qui se complaît souvent dans une esthétique de film porno des années 90 lors de ses scènes de parties fines. Il faut également avouer que la prestation éructante et vociférante de son acteur principal ne sert pas forcément le film, même si en dehors de tout scénario et de toute mise en scène, Depardieu peut être considéré comme un grand film malade à lui tout seul. Ce qui rend le film aussi rébarbatif et peu avenant au premier coup d’œil, c’est aussi et surtout qu’il s’applique avec une précision de reportage télévisuel à vouloir suivre l’affaire au plus près sans vraiment la commenter d’un point de vue moral ou politique. Mais c’est justement dans cette description clinique des faits et gestes de Devereaux (alias …) que ce situe tout l’enjeu du film : montrer ce que la télévision et les médias n’ont pas pu.

C’est bien de la fonction et de l’utilité la plus basique du cinéma que Ferrara veut faire état en montrant ce que l’opinion publique et l’inconscient collectif projette sur une affaire autant débattue et rabattue que celle-là. Tout ce que l’on ne peut voir, tout ce qui est supposé caché, le cinéma peut le dévoiler, et c’est ce que fait le film, de manière unilatérale et radicale. Même s’il le fait en passant par des passages obligés parfois lourdauds et en brassant ses éternelles obsessions autour de l’animalité et du pouvoir, Ferrara acte tout de même un geste théorique qui se vaut pour ce qu’il est, qu’il soit ou non dans un film bancal.

Thibaut Grégoire

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