Quinzaine des Réalisateurs 2014 – « Tu dors Nicole » de Stéphane Lafleur

Pour son troisième long métrage, le canadien Stéphane Lafleur s’essaye au noir et blanc mais reste fidèle à ses thèmes et son style, entre réel décalé et surréalisme subtil.

Nicole est une jeune femme qui passe son temps à glander en attendant de pouvoir partir en Islande avec son inséparable meilleure amie, pour « ne rien faire mais ailleurs ». Entretemps, elle occupe donc ses journées d’été entre des balades sans buts avec sa copine, les sessions de répétitions de son frère guitariste et un petit boulot de trieuse de dons. Voilà pour l’ancrage réel de ce quotidien fantasmé, dans lequel l’étrangeté peut intervenir à tout moment dans le déroulé des événements ou dans les attitudes des personnages. Qu’il s’agisse des échanges entre Nicole et son collègue attardé, des musiciens qui s’isolent chacun dans une pièce pour avoir le meilleur son, ou surtout de cet enfant de douze ans, amoureux transi de Nicole, dont la voix a muri prématurément – base d’un gag de répétition irrésistible – tout ces glissements vers l’absurde se font à la fois de manière naturelle et avec une détente de comédie, sans vraiment y toucher.

Cette petite musique lancinante qui constitue le style de Lafleur est aussi unique que fragile. Son originalité repose réellement sur un alliage incertain entre décalage et chronique du quotidien et sur un équilibre instable qui semble toujours menacer de tomber d’un côté ou de l’autre. Ce n’est qu’à la toute dernière seconde du film que celui-ci bascule totalement du côté d’une surréalité qui réclame enfin ses droits, mais pour si peu de temps. Comme le soupir de soulagement d’un funambule qui a su garder le cap tout le temps de sa traversée et se permet enfin une sortie de route remarquée avant de retomber sur ses pattes.

Thibaut Grégoire

 

La reprise de la Quinzaine des Réalisateurs a lieu du 20 au 26 juin à la Cinematek de Bruxelles

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