Critique et analyse cinématographique

FIFF 2013 – « Grigris » de Mahamat-Saleh Haroun

Avec Grigris, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, le tchadien Mahamat-Saleh Haroun continue son travail d’observation de la société de son pays, par le prisme du film noir teinté de vérité documentaire.

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Pour la partie ancrée dans le réel, Haroun fait appel à un jeune danseur handicapé d’une jambe, Souleymane Démé, qu’il a découvert par hasard, et lui fait donc endosser un rôle proche du sien dans des scènes de chorégraphies belles et nocturnes, dans les rues et les bars de N’Djamena. Il y greffe une histoire de trafiquants d’essence, phénomène qu’il a pu observer dans la capitale tchadienne, et qui est l’impulsion de départ de son scénario. En mêlant son personnage de danseur courageux à ce trafic, il crée de la fiction à partir de deux réalités, et y ajoute une troisième dimension, plus mythologique, celle de la rencontre amoureuse entre Grigris le danseur et Mimi la prostituée au grand cœur.

Le film s’articule sur deux axes : l’un, nocturne, regroupe les scènes de danse et de trafic d’essence, et l’autre, plus solaire, suit la relation entre Grigris et son beau-père, qui tient une boutique de photos, ainsi que celle entre Grigris et Mimi – dont une très belle scène de rencontre, dans laquelle Mimi pose pour Grigris, devant un papier peint de plage paradisiaque. Les deux axes esthétiques et narratifs se font écho et s’emboîtent de manière très fluide, tous deux à la frontière entre réalisme social et envoûtement quasi-surréaliste.

Suite à la trahison de Grigris – pour des raisons nobles – envers les trafiquants d’essence, le scénario prend une tournure sèche dans laquelle la dimension de film noir semble prendre le dessus sur toutes les autres de ce film pluriel. Mais ce n’est que pour mieux éloigner le couple naissant Grigris-Mimi de la pression sociale qui empêche ces deux êtres marginaux de trouver leur voie à deux. C’est dans une dernière partie dégagée de tout carcan scénaristique ou de genre que le film révèle son vrai sujet. Si la domination des hommes en milieu urbain oppressait les deux héros, c’est la retraite dans un village organisé par un régime matriarcal qui leur permettra de s’épanouir. Et au vu de ce que la congrégation de femmes fait subir à l’un des caïds venu arracher Grigris au calme de sa retraite, il apparaît clairement qu’il ne s’agit pas non plus du cliché de la douceur opposée à la dureté du patriarcat.

Thibaut Grégoire

 

Le Festival International du Film Francophone de Namur se déroule du 27 septembre au 4 octobre

Plus d’infos sur le site du festival

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