Critique et analyse cinématographique

« Situation amoureuse : c’est compliqué » de Manu Payet et Rodolphe Lauga : Éternelle adolescence

Dans le paysage global de la comédie populaire française, la tentative de Manu Payet se révèle bien plus réussie que la moyenne d’une production dominée par des impératifs télévisuels et complexée par l’exemple américain, qu’elle semble constamment regarder comme une sorte de Graal inatteignable. S’il puise bien ses influences dans la comédie romantique US et l’école Apatow, Payet semble les avoir mieux digérées que ses congénères et sort un film à l’écriture précise et à l’arrière-fond mélancolique.

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L’acteur-réalisateur incarne Ben, un trentenaire sur le point de se marier mais incapable de prendre lui-même des responsabilités. Les plans qu’il a laissé les autres tracer pour lui se voient quelque peu bouleversés lorsque débarque son amour d’adolescence, à qui il n’a jamais osé révéler sa flamme. La prémisse est certes attendue, et les premières minutes du film, rythmées par une voix-off qui joue la carte de la complicité avec le spectateur, conforte dans l’idée que l’on se trouve là devant une comédie « à l’américaine » de plus.

Mais c’est aussi dans ces premières répliques, dans les gags furtifs et la tendresse discrète de cette introduction, que le film capte l’attention et s’inscrit dans une relation de sympathie non-commerçante avec son spectateur. On est donc purement ici dans un cinéma de divertissement, qui repose entièrement sur ses personnages et ses dialogues. La mise en scène illustrative – mais malgré tout élégante (pas trop de gros plans…) – s’efface derrière le scénario, ou plus précisément l’écriture, la justesse de ton que le film s’est trouvé. Si le film rayonne, c’est bien grâce à un équilibre instable, une dynamique d’ensemble dans laquelle chaque acteur – y compris les femmes, d’habitude négligée dans les comédies d’hommes – apporte sa contribution et a son quart d’heure de gloire, grâce à des rôles bien écrits et définis.

Dans cette comédie générationnelle, dont le ciment est fait d’expériences et de références communes à ceux qui la font et ceux qui la voient, Manu Payet campe un éternel adolescent que la mélancolie et la nostalgie poussent dans des retranchements et des situations qu’il n’a pas vu venir. C’est encore une fois par l’écriture et les trouvailles scénaristiques qu’il crée le trouble autour de lui-même. C’est dans les rencontres avec d’autres personnages, dans les regards qu’il porte et qui lui sont portés, dans ses attitudes et son rapport au corps qu’il opère une connexion avec son spectateur, sans en faire des tonnes ni non plus jouer l’introspection. Il est un peu comme un personnage de dessin animé en chair et en os, qui cristallise toutes les réminiscences d’un imaginaire collectif de l’adolescence.

Thibaut Grégoire

3 Réponses

  1. Pingback: Sorties Cinéma – 19/03/2014 | CAMERA OBSCURA

  2. Pas la comédie du siècle mais pas la catastrophe qu’on m’annonçait aussi. On passe un bon moment, j’ai bien souris et c’est déjà pas mal 🙂

    avril 1, 2014 à 22:11

  3. Pingback: Tops et flops de 2014 | CAMERA OBSCURA

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