Critique et analyse cinématographique

« Compliance » de Craig Zobel

A partir d’un fait divers survenu en 2004 aux Etats-Unis, Craig Zobel, pour son deuxième film, s’attelle à une description froide et cruelle des dérives de l’autorité et des petites bassesses qui régissent les rapports humains.

Lorsqu’elle reçoit l’appel téléphonique d’un officier de police incriminant l’une de ses employées dans une affaire de vol, la gérante d’un fast-food, aidée de quelques autres employés, se met à répondre aux requêtes les plus farfelues de son interlocuteur. Allant de la fouille poussée jusqu’à un viol pur et simple, les ordres de l’homme au téléphone sont exécutés l’un après l’autre par toutes les personnes qui se succèdent au bout du fil, jusqu’à ce que l’une d’entre elles réagisse enfin devant l’abjection des demandes. En cours de récit, il est révélé au spectateur que le policier n’en est pas un, et qu’il s’agit d’un pervers qui manipule ses victimes par combiné interposé.

De son point de vue omniscient – qu’il daigne partager avec son spectateur, pour mieux en faire un témoin passif des tortures mentales qui sont perpétrées – Zobel regarde et dépeint ses personnages comme une irrécupérable bande d’idiots, tellement bêtes qu’ils sont capables de se faire manipuler des heures durant par quelqu’un qu’ils ne verront jamais. D’autant plus que le marionnettiste use de ficelles grossières pour parvenir à ses fins. La gérante, en particulier, bénéficie d’un traitement de défaveur de la part de Zobel, tant celle-ci semble trouver « disgrâce » à ses yeux. Dès le début, elle est jugée comme étant condescendante et malsaine envers ses employés. Le coup de fil décisif sonne comme une sentence sur ce personnage, comme s’il était condamné à un destin de tortionnaire et voué aux gémonies par l’accusateur en chef Zobel.

En affichant ainsi son profond mépris – voire son dégoût – pour quasiment tous ses personnages issus de l’Amérique profonde, Craig Zobel dévoile une misanthropie crasse. Certains esprits masochistes voudront peut-être faire passer cette misanthropie pour un point de vue d’auteur, mais il n’empêche que Compliance n’est rien moins que le film le plus déplaisant de l’année.

Thibaut Grégoire

 

Compliance

Réalisé par Craig Zobel

Avec Ann Dowd, Dreama Walker, Pat Healy, Bill Camp

 

(Compliance est présenté en compétition officielle au 39ème Festival de Gand)

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