Critique et analyse cinématographique

FIFF 2017 – « La Belle et la meute » de Kaouther Ben Hania

Dans son premier long métrage de fiction, Le Challat de Tunis, Kaouther Ben Hania s’attaquait à l’absurdité qui sous-tendait certains aspects de la société tunisienne, et notamment les comportements des hommes envers les femmes. Après la parenthèse enchantée de Zaineb n’aime pas la neige – sorte de Boyhood documentaire, tourné sur une décennie –, présentée l’année passée au FIFF, la réalisatrice revient en quelque sorte à la matière qui faisait sa première fiction et creuse son sujet en adaptant un fait divers duquel fut également tiré un livre de témoignage (Coupable d’avoir été violée).

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Divisés en neuf chapitres qui sont également neuf plans-séquences, La Belle et la meute suit, une nuit durant, la jeune Mariam, laquelle, après avoir subi un viol collectif perpétré par des policiers, tente d’obtenir justice en portant plainte, mais se retrouve enfermée dans un cercle vicieux asphyxiant, les bourreaux étant précisément ceux qui sont censés représenter cette justice.

De ce dispositif découle une sensation de surplace, de stagnation, qui implique une forme d’absurdité, de délire kafkaïen dans lequel le personnage se débat apparemment en vain. Si la figure martyrologique que représente le personnage de Mariam et le calvaire qu’elle endure pourraient être insupportables dans tous les sens du terme, pour le spectateur et en tant que postulats et qu’enjeux, c’est la manière dont Kaouther Ben Hania joue avec ce calvaire, en lui donnant des atours de satire politique et sociétale, qui permet à La Belle et la meute de dépasser un statut de film coup-de-poing sûr de ses effets.

Les thèmes et les situations qu’il charrie, ainsi que sa construction radicale, lui donnent effectivement des aspects de petit film de festival prônant la maîtrise et la toute-puissance de l’auteur, mais la façon qu’a la réalisatrice de constamment prendre ses distances avec un naturalisme pourtant menaçant, par la satire, mais aussi et surtout par le recours à des figures et archétypes issus du cinéma de genre – film noir, film d’horreur et même film de zombie –, permet de dépasser cette façade et de s’affirmer en tant qu’objet singulier, dont le point de vue de son auteur englobe une véritable vision du cinéma et de sa pratique.

Thibaut Grégoire

 

Le FIFF se tient à du 29 septembre au 6 novembre à Namur

Plus d’infos sur le site du FIFF

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