Critique et analyse cinématographique

Gros plan sur : « Le Cabinet du docteur Caligari » de Robert Wiene

Considéré par beaucoup comme le film-manifeste de l’expressionnisme allemand – avec le Nosferatu de Murnau – Le Cabinet du docteur Caligari peut également être vu comme le seul grand film d’un cinéaste par ailleurs mineur. S’il a influencé de par son esthétique tout un pan du cinéma mondial – dont celui de Tim Burton –, sa vision aujourd’hui peut décevoir, notamment parce qu’il repose essentiellement sur son effet de manche final. Mais le film reste un incroyable pourvoyeur d’images et de visions de cinéma, dont la plus frappante n’est pas forcément la plus connue.

caligari

Dans l’un des récits enchâssés de ce film « poupée russe », le personnage principal découvre comment un directeur d’asile est devenu le fameux docteur Caligari, parcourant les villages avec son somnambule meurtrier. C’est dans une scène visuellement époustouflante et d’une grande modernité que l’on voit le directeur être gagné par la folie. Jouant avec les contraintes techniques du média de l’époque, le film détourne la scène obligée dans laquelle le fou serait censé entendre des voix, pour en faire un « climax » visuel. Au lieu d’entendre ces voix lui intimer l’ordre de commettre ses crimes, ce sont avec des phrases écrites que le futur Caligari se débat. Assailli de toute part par la phrase « Du musst Caligari werden », il finit par quitter le cadre, chassé par la puissance des mots. La scène est magnifique pour au moins deux raisons. D’abord parce qu’elle donne une place prépondérante aux mots dans l’esthétique même d’un film muet, ensuite parce qu’elle crée une image de cinéma imparable et réflexive, qui n’a jamais été recrée avec la même force.

Thibaut Grégoire

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