Critique et analyse cinématographique

« Malavita » de Luc Besson : Tourner avec De Niro – Check, faire un film de mafia – Check, …

Adapté d’un roman de Tonino Benacquista – par ailleurs assez agréable à lire – le nouveau Besson tente un hommage appuyé aux films de gangsters new-yorkais, et plus particulièrement à ceux de Martin Scorsese, en leur empruntant leur figure de proue, l’acteur-cachetonneur Robert De Niro.

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En octroyant à Scorsese le titre honorifique de producteur exécutif, Luc Besson se donne par la même occasion la légitimité pour le pasticher allégrement. Mais c’est également là qu’il se vautre, puisqu’il n’arrive jamais à rendre ne serait-ce qu’un minimum de justice à son modèle et livre un résultat d’une effarante platitude.

Il y avait pourtant matière à une correcte comédie noire dans les mésaventures de la famille Manzoni/Blake, contrainte de se terrer dans un bled perdu de Normandie sous un nom d’emprunt, dans le cadre d’un programme de protection des témoins. Giovanni Manzoni, alias Fred Blake (De Niro), a en effet trahi son clan et se retrouve donc dans la ligne de mire de tous les tueurs à gages assoiffés de sang, à la solde de son ancien patron. Placé sous la protection de l’agent Stansfield (Tommy Lee Jones), il doit se battre avec ses pulsions psychopathes et son envie irrépressible de s’épancher sur son passé de tueur, afin de faire bonne figure devant ses nouveaux voisins, tandis que sa femme pyromane (Michelle Pfeiffer), son fils magouilleur et sa fille violente mènent la vie dure à de vieilles habitudes embarrassantes.

De ce pitch en or, Besson parvient à ne rien tirer, et accouche d’une sorte de sitcom très politiquement correcte. Tout est finalement très lisse, et aucune réelle aspérité ne dépasse de ce tableau convenu d’une famille mafieuse comme la décrirait une série télé de prime-time, tandis que la profusion de clichés honteux sur la France en ferait presque oublier que c’est un français qui est aux manettes. Mais pour atteindre un public le plus large et international possible, Besson n’a finalement que peu de scrupules à décrire son pays comme une nation de mangeurs de camemberts idiots.

Abandonnant ses personnages en cours de route, ou oubliant carrément de les traiter – le personnage de la fille se transforme comme par magie en amoureuse éplorée, Tommy Lee Jones n’a strictement rien à défendre,… – Besson enchaîne les scènes à faire comme on coche les cases d’une fiche d’impôts. Dans son application de fonctionnaire, il parvient même à rater une scène qui aurait au mieux pu être fabuleuse, au pire au moins efficace. Quand Manzoni se retrouve à devoir commenter Les Affranchis de Scorsese, devant un ciné-club local, il n’y finalement rien qui se passe. Alors que De Niro aurait pu se retrouver confronté à sa propre image des années plus tôt, alors que la mise en abyme aurait pu être vertigineuse, aucun plan de Scorsese ne surgit et d’ignobles ellipses tuent dans l’œuf ce qui aurait pu apporter au film un minimum de sympathie.

Alors que rien ne s’est passé, tant sur le plan narratif que cinématographique, le film se termine à la va-vite dans un climax bâclé qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Il ne subsiste donc strictement rien suite à la vision de ce travail d’un faiseur même pas virtuose, si ce n’est la désagréable impression d’avoir été floué… une fois de plus.

Thibaut Grégoire

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