Critique et analyse cinématographique

« Dans la maison » de François Ozon

Après trois films globalement mauvais, le plus irrégulier des cinéastes français revient avec un opus plus enlevé. Alors que l’on s’attendait à un thriller psychologique au premier degré, Ozon surprend en gardant le ton léger et désinvolte de son précédent film, Potiche. Mais là où il échouait a transcender le vaudeville de Barillet et Grédy par une allégorie féministe des plus lourdingues, Ozon parvient ici à faire de l’ironie et du second degré – habituel apanage des œuvres sans profondeur – la force de son film, qu’un trop grand sérieux aurait sans doute plongé dans le ridicule.

Une nouvelle fois, Ozon s’empare d’une pièce de théâtre – Le Garçon du dernier rang de l’Espagnol Juan Mayorga – en espérant y insuffler un ton qui lui est propre. C’est là son principal handicap car, si l’on peut reconnaître aisément qu’Ozon soit un cinéaste éclectique qui se renouvelle couramment, il est plus difficile de déceler dans son œuvre une véritable homogénéité ou un style personnel. Il reste néanmoins que le postulat de la pièce est suffisamment fort pour susciter l’intérêt. Quand un professeur de lycée demande à ces élèves de lui raconter leur week-end sous forme de rédaction, il se retrouve avec la copie de Claude, jeune solitaire énigmatique, qui lui raconte comment il s’est introduit subrepticement dans le quotidien de la famille d’un de ses condisciples. Au fil des rédactions, l’élève parvient à intéresser son professeur, par sa plume et son récit feuilletonnesque, à cette intrusion malsaine dont il est le héros.

Fleurant bon la satire bourgeoise et lorgnant volontiers du côté de Chabrol, Ozon parvient à s’éloigner de cette influence trop envahissante, justement en ne la prenant pas trop au sérieux. Ce qui fait la singularité du récit est sa double vitesse. En effet, à chaque épisode supplémentaire de la chronique de Claude, vient s’ajouter le commentaire sur la fiction par le professeur et sa femme (Fabrice Luchini et Kristin Scott Thomas), dans des scènes apportant un contrepoint comique à l’arrière-goût malsain que laissent les manigances de Claude. C’est dans cette alternance entre le huis clos de la maison et les scènes d’école ou d’appartement, que le film finit par captiver, malgré son grand classicisme.

Quand un espace se met à envahir l’autre et que le professeur s’immisce dans les scènes décrites par Claude, Ozon trouve le ton de son film, faute d’un ton personnel. La légèreté dans laquelle le sujet délicat est emballé fait paradoxalement l’attrait du film et l’humour grinçant, qui aurait pu être agaçant, se révèle d’une efficacité redoutable. C’est ce côté « mauvais esprit », cette immoralité latente, qui donne du sel à l’ensemble. Il est dommage, dès lors, de s’apercevoir en cours de route que le film s’achemine vers une fin plus convenue et moralisatrice, dans laquelle le méchant professeur moqueur sera puni, sur le mode du « tel est pris qui croyait prendre ».

Thibaut Grégoire

Une Réponse

  1. Je redoutais effectivement un trop Gand classicisme. Entre Luchini, le titre et l’affiche du film, il y avait sérieusement de quoi s’inquièter. Mais votre post m’a donné envie de faire le détour et Finalement, je vais peut être jeter un coup d’oeil dans cette fameuse maison.

    octobre 14, 2012 à 01:31

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