Critique et analyse cinématographique

Comparatif : « No » de Pablo Larrain / « Promised Land » de Gus Van Sant

Voici deux films qui n’ont a priori rien à voir l’un avec l’autre. L’un est chilien et relate un épisode important de l’histoire de son pays, l’autre est un film indé américain tournant autour d’un sujet écologique plutôt actuel. Le grand point commun du film, s’il en est un, est qu’il s’agit bel et bien de deux films « politiques », dans le sens le plus noble du terme. Tous deux posent des questions aussi intéressantes que dérangeantes sur la fin et les moyens et tous deux utilisent la prise de conscience de leur personnage principal pour aborder des sujets plus vastes. Décryptage.

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Le fond

Dans No, un publicitaire roublard se voit confier la campagne du « Non », ayant pour but de déloger le dictateur Augusto Pinochet du pouvoir, lors du référendum de 88 au Chili. Utilisant des codes et des procédés commerçants et propagandistes, il se heurte aux véritables défenseurs du non, pour qui la dénonciation du pouvoir en place et la prise de conscience du peuple comptent le plus.

Dans Promised Land, un représentant humaniste mais au service d’une multinationale sans scrupules, doit faire face à la conscientisation progressive d’une petite bourgade face à l’extraction du gaz de schiste, qu’il promeut.

Si Promised Land met en scène un homme bien au service d’une mauvaise cause, No propose quasiment la configuration contraire. Le publicitaire campé par Gael Garcia Bernal est, à la base, un personnage sans grand intérêt, et sans valeurs le poussant à agir. Il utilise des méthodes plutôt douteuses au service d’une cause noble.

Van Sant et Larrain abordent tous deux l’engagement personnel et les moyens mis en œuvre pour atteindre un but. Dans les deux cas, le processus démocratique est interrogé, par le biais d’une élection. Le publicitaire comme le représentant ont tous deux comme but de gagner un scrutin. Ce qui diffère est la manière dont ils s’y prennent pour le gagner et leur motivation.

La forme

Si Promised Land adopte une forme très sobre pour laisser s’épanouir son récit et ses personnages, No fait un choix esthétique radical, qu’il garde sur toute sa durée. En appliquant l’image délavée de la vidéo des archives publicitaires à tout son film, Larrain lui donne une véritable identité visuelle. Mais ce cachet esthétique n’est pourtant qu’une façade, tant la mise en scène, en tant que telle, est conventionnelle.

Pour résumer, Van Sant s’efface derrière son sujet tout en réservant d’authentiques moments de mise en scène, tandis que Larrain impose une réelle forme visuelle, mais la brandit en étendard sans vraiment apporter des idées de cinéma.

En somme

No et Promised Land sont des exemples notables de films qui tentent de trouver l’adéquation idéale entre leur fond et leur forme. L’un privilégie le récit à la maîtrise visuelle, l’autre fait un choix esthétique marqué pour se distinguer. Si la tentative de Larrain est aussi louable qu’appréciable, il lui manque sans doute la finesse et l’humilité dont fait preuve Van Sant, et qui font de son film le plus réussi des deux.

Thibaut Grégoire

Lire la critique de Promised Land

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